Le nouveau travail de la Haute Autorité de l’Audio-Visuel et de la Communication (HAAC) est de traquer toutes les formes de liberté d’expression dans les médias au Bénin. On est loin de ce que lui prescrit expressément l’article 142 de la Constitution béninoise : « La Haute Autorité de l’Audio-Visuel et de la Communication a pour mission de garantir et de s’assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi ». Entre nous : avez-vous l’impression, vous, que la HAAC respecte cet article de notre constitution depuis quelques mois ? Quels sont les signes qui montrent que le Président de cette institution, dont le salaire est payé par l’argent des paysans de ce pays pour respecter cet article, fait diligemment son travail ?
En scrutant la dernière « mise en demeure » envoyée par l’institution à la chaîne Canal 3, on peut avoir de difficultés à répondre par l’affirmative à la première question. L’institution dirigée par Adam Boni Tessi fait des efforts surhumains pour que nul n’ait à dire un jour qu’elle existe d’abord pour protéger la liberté d’expression dans les médias béninois. Et qu’en réalité, faire autre chose relève de la pure traitrise punissable devant les lois de la République. L’institution demande à Canal 3 de suspendre la diffusion de l’émission 100%Bénin produite par la chaîne de télévision SikkaTV. Raison évoquée : la chaîne n’aurait pas requis « l’autorisation préalable » de la HAAC pour servir de « relais » à SikkaTv, comme le stipule l’article 9 de la convention signée entre l’institution et Canal 3. Que comprendre de ce terme « relais » employé dans la convention et qui est ici interprété par la HAAC comme étant la diffusion d’éléments issus de télévisions partenaires ?
J’ai peine à croire en effet qu’il s’agit des émissions ou d’éléments d’informations. Pourquoi ? Parce que s’il en était ainsi, il y a longtemps que les conseillers des mandatures successives de l’institution auraient suspendu la diffusion par l’ORTB de toutes les informations internationales qui y proviennent exclusivement des médias étrangers. Le cas de l’actualité sportive internationale est encore plus parlant. Cette actualité provient presque toujours des partenaires étrangers. Dans la logique de la lecture étrange que fait la HAAC de l’article 9 de la convention, il faut donc comprendre qu’aucune chaîne de télévision au Bénin n’a le droit de diffuser par exemple les matches de la Champion’s League européenne sans son « autorisation », puisque le signal de ces matches est produit par de grosses boîtes européennes. Dans cette même logique, pourquoi depuis autant d’années, la HAAC, celle d’aujourd’hui ni celle d’hier, n’a jamais envoyé la moindre sommation à l’ORTB qui violerait ainsi gravement les textes de la république en diffusant la Champion’s League ? Pourquoi par exemple, l’ORTB a-t-il eu le droit jusqu’ici de diffuser non pas seulement la Champion’s League, mais aussi une panoplie de contenus émanant de CFI et d’autres médias partenaires, sans s’en référer à l’institution qui réclame aujourd’hui le respect de l’article 9 de la convention ? Je veux savoir pourquoi la BBC, RFI, la Deutch Welle et d’autres radios et télévisions ont noué des partenariats avec des chaines de radio et de télévision comme Golfe TV, Radio Tokpa, l’ORTB, Eden TV, etc. sans que jamais la HAAC n’ait rien trouvé à en redire depuis sa création…
Non, il y a une très mauvaise lecture de l’article 9 de cette convention, et notamment du terme « relais » qui signifierait tout simplement « moyens techniques de production ou de diffusion». Comme d’ailleurs, il y a une lecture très peu satisfaisante de l’article 142 de la Constitution béninoise par le président de la HAAC. Sous sa houlette peu éclairante, la version actuelle de la HAAC est inutile à la défense de la liberté de presse. Il est nécessaire que des organismes habilités organisent séminaires, colloques et conférences pour lui faire comprendre le sens véritable de cette disposition. La HAAC n’a pas un rôle absolu et exclusif de répression, mais une mission première de protection. Celle-ci est probablement la moins visible de tous les actes que pose l’institution depuis quelques mois. Il est aujourd’hui à se demander si Adam Boni Tessi comprend vraiment pourquoi l’institution qu’il dirige a été créée. Jusqu’ici, j’ai de sérieuses raisons d’en douter.
Par Olivier ALLOCHEME