Malgré tous les laborieux efforts déployés par feu Léopold Sedar Senghor pour donner à cette expression un sens plus honorable, tant il était attaché à l’africanité, des faits contemporains font cependant maintenir la perception qu’avait voulu véhiculer l’ethnologue allemand Frobenius dans les années 30.
Point n’est besoin de rappeler ici les nombreuses et contradictoires démonstrations littéraires et philosophiques qu’a suscitées dans le temps, ce qui pour Léopold Sédar Senghor, paraissait un mépris de l’Allemand Frobenius pour la race noire.
En effet, pour l’ethnologue allemand, la raison chez le Noir notamment chez l’Africain est « intuitive » tandis qu’elle est « discursive » pour les siens blancs.
Doit-on continuer de reprocher à Frobenius de l’avoir écrit lorsque nous voyons comment l’Afrique a l’émotion facile face à certains faits ?
Depuis quelques jours, toute l’Afrique, sa diaspora et ses dirigeants s’émeuvent d’une prétendue humiliante situation de « vente d’esclaves » en Libye. L’émotion est vive et ambiante en ce moment. On penserait même à une compétition de réactions depuis que l’animateur radio-télé, Claudy Siar a posté sa vidéo de dénonciation du phénomène après avoir été lui-même alerté par un reportage réalisé par une chaîne de télévision américaine. Des tweets et messages de présidents de République par ici, des indignations de présidents en exercice, d’organismes d’intégration africaine par-là ; même des expulsions d’ambassadeurs libyens y sont passées sans compter des scènes « sauvages » de règlement de compte sur des citoyens libyens au point de susciter un plaidoyer voire un cri de cœur d’une internaute libyenne qui rappelait que tout autant que les autres ressortissants africains, les libyens eux-mêmes étaient exposés à cette situation d’insécurité dans laquelle ils n’ont le moindre soutien, ni de la communauté internationale, ni des dirigeants africains qui aujourd’hui, ont l’émotion facile. Alors, personne de ceux qui s’émeuvent depuis la vidéo de Claudy Siar n’était donc informée du drame qui se jouait en Libye depuis la chute de leur généreux guide à tous, MouamarKadafi? Nos dirigeants sont-ils si sous informés ? Ne sont-ils pas non plus informés des formes parfois pires de cette même transaction humaine dans leurs pays respectifs ?
Qui donc au Bénin ne se souvient plus ou ne sait pas qu'on continue de « vendre » des êtres humains au marché international de Dantokpaet qui sont embarqués les uns sur le Gabon, les autres vers le Nigéria voisin ou même vers la Guinée équatoriale ou plus dramatique vers le Liban pour ne citer que ces destinations ?
Qui donc ne sait pas qu’il se développe même des cabinets ou agences de courtage pour rechercher dans nos villages et venir placer dans nos ménages des « domestiques » contre payement d’une commission puis pendant le séjour de l’intéressée un salaire mensuel allant de 15 à 25 mille francs Cfa sans aucune possibilité de régulation du bon ou mauvais traitement que subissent ces « domestiques » ?
Peut-être qu’il faudra encore que Claudy Siar en lisant la présente chronique fasse une nouvelle vidéo d’indignation pour amener les dirigeants béninois à réaliser qu’en plein terre-plein central de l’axe Etoile rouge-Cadjèhoun et en plein midi chaque jour, s’anime un marché d’échange de jeunes filles contre 20.000 FCFA.
L’émotion est nègre mais en plus elle est désormais hypocrite et le restera car hélas Léopold Sédar Senghor n’y a rien pu avant sa mort.
Ludovic D. GUEDENON