Le ton est désormais monté d’un cran dans le rang des travailleurs de la plateforme portuaire de Cotonou et le bras de fer gouvernement-syndicats est plus que jamais inévitable. Face à la presse hier, mardi 28 novembre 2017, le Syndicat des travailleurs du Port autonome de Cotonou (Syntrapac) a désapprouvé la décision du Chef de l’Etat de confier la gestion du poumon de l’économie nationale à un délégataire. Etant donné la détermination du gouvernement à choisir un privé pour gérer le Port de Cotonou, on tend vers une radicalisation des positions.
Il n’est point question de confier la gestion de la plateforme portuaire de Cotonou à un privé. C’est qu’il convient de retenir de la sortie médiatique des travailleurs du Port, réunis au sein du Syntrapac. Peu importe que le gouvernement change de langage en parlant désormais de délégataire au lieu de mandataire, les travailleurs n’entendent pas laisser la Rupture étendre sa politique de “tout privatiser“ à la plateforme portuaire. En effet, après le vacarme et les bruits de bottes en réponse à la décision du gouvernement de recruter, par Avis d’appel public à Candidature AAPC N°0825/PRMP/MIT/S-PRPM du 26 mai 2017, un mandataire pour la gestion du Port de Cotonou, les travailleurs se disent surpris de voir le Chef de l’Etat leur annoncer vendredi dernier l’option d’un délégataire pour la gestion du Port de Cotonou. « Toutes les explications apportées par les travailleurs n’ont pas été du goût du Chef de l’Etat qui tient coûte que coûte à introduire le privé dans la gestion du Port autonome de Cotonou », a déclaré le Secrétaire général du Syntrapac, Urbain Kanlinsou. Le paradoxe est que, selon ce dernier, le Président Patrice Talon a estimé ne jamais être informé des mouvements des grèves de travailleurs ni de la signature d’un protocole d’accord encore moins du séminaire d’information de Bohicon. Ce qui parait fort bien surprenant puisque l’ancien ministre des infrastructures, Hervé Hêhomey avait pris part aux travaux du forum et de plus, serait l’instigateur de la signature du protocole d’accord. De toute façon, si la Rupture n’entend pas abandonner l’idée de confier la gestion du poumon de l’économie nationale à un privé, les travailleurs également n’entendent pas démordre. L’autre chose déplorée reste la démarche communicationnelle du Palais de la République autour de la réforme. « La cellule de la communication de la Présidence de la République fait croire à l’opinion publique que les travailleurs du Port autonome de Cotonou sont acquis à ce projet de réforme dangereux pour la nation béninoise » a dénoncé le Sg Urbain Kanlinsou qui affirme que cela ne fait qu’envenimer la situation. Ceci, puisqu’ils sont forcés désormais à engager le bras de fer même si cela n’a jamais été leur intention. « La haute autorité a laissé entendre que la seule chose qui pourrait lui faire changer d’avis est de lui démontrer les inconvénients et la dangerosité liés à cette réforme » a-t-il affirmé pour démontrer que les travailleurs s’attelaient à démontrer les conséquences au Chef de l’Etat quand une autre version des faits a été servi à l’opinion publique. Le séminaire de Bohicon avait pourtant exposé les risques y afférents…
En effet, après la signature du protocole d’accord le 04 juillet 2017, il a été initié du 10 au 12 août 2017 à Bohicon, un atelier de réflexion à l’intention des acteurs portuaires sur le dossier de recrutement d’un mandataire pour la gestion du Port autonome de Cotonou. Dans sa communication sur les forces et faiblesses des différents modèles de gestion portuaire, le Prof Khalil Ibrahim Diallo, expert maritime avait démontré que le modèle dominant en Afrique francophone est celui des Ports autonomes qui sont des sociétés publiques. C’est-à-dire une société d’Etat avec un capital entièrement détenu par l’Etat doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. De la communication, il ressort également que le recours à un mandataire ou un délégataire pour la gestion du Port entrainera des problèmes sémantiques et conceptuels, des problèmes juridiques (Ohada et législation nationale), le risque de bicéphalisme dans la gouvernance du Port de Cotonou, le problème de souveraineté pour l’Etat, le rapport coût et efficacité et la dévalorisation de l’expertise nationale en matière de gestion d’une plateforme portuaire. « …le recours à un mandataire ou délégataire pour la gestion du Port serait inédit, dangereux et n’est point recommandable. Le recours à l’affermage n’est pas aussi recommandable et n’est pas adapté à l’activité portuaire », a rappelé le Sg/Syntrapac. Mais le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. Patrice Talon connu pour être un capitaliste et vu les intérêts en jeu, il faut craindre un passage en force du gouvernement pour imposer sa réforme.
Aziz BADAROU