Ils ont trouvé « grâce » à ses yeux. Fin stratège, Adrien Houngbédji encense les femmes et les jeunes de son parti. A la faveur du 4ème congrès ordinaire du Parti du renouveau démocratique (Prd), le leader des « tchoco-tchoco » a semblé combler des attentes majeures. A défaut de passer la main, il s’est arrangé pour faire de la place aux forces vives de sa formation politique, appelées à prendre la relève, tôt ou tard. Voulant devancer les faits afin de faire bonne impression aux yeux de l’opinion, il s’est dépêché de poser les jalons de la promotion des femmes et des jeunes. Il a si bien réussi son coup qu’il passe pour un pionnier en la matière, prenant ainsi une longueur d’avance sur ses pairs dirigeants de partis politiques. Déjà que sous son instigation et sa présidence, les députés de la 7ème législature ont accordé leurs violons pour que les femmes soient mieux représentées sur les listes des candidats présentés par les partis aux scrutins législatif, municipal, communal et local.
A Porto-Novo, le weekend dernier, le « Hagbê national » a clairement édicté les nouvelles règles du jeu qui figurent d’ores et déjà dans les statuts du parti arc-en-ciel. « A partir de ce congrès, nos jeunes de 18 à 35 ans seront représentés pour 1/3 dans les bureaux de nos cellules, 1/3 dans les bureaux de nos sous-sections, 1/3 dans les bureaux de nos sections. Et à la direction exécutive nationale, ils seront 1/3 âgés de 25 à 45 ans… Nos statuts prévoient désormais des conditions identiques pour les femmes ». Voyant le danger venir, Adrien Houngbédji a voulu d’ores et déjà travailler à une nouvelle dynamique afin que les jeunes ne deviennent le talon d’Achille du parti, et que les femmes, dont le militantisme ne fait l’ombre d’aucun doute, ne baissent les bras, parce que démotivées. Avant même que les intéressés ne montent au créneau pour réclamer un meilleur traitement, leur leader a vite fait de les contenter.
Dans les faits, concrètement, quelle sera la part de responsabilité de ces jeunes et femmes appelés à être « promus » ? Avec cette adresse du président du parti à leur endroit, ils sont davantage renforcés dans leur estime et voudront se donner à fond. Implicitement, Adrien Houngbédji a lancé un appel à l’émulation et à l’investissement personnel. Le top de la compétition est donné. Le trophée sera une place dans les diverses instances de prises de décisions du parti. Avec enthousiasme, les jeunes et les femmes désireux de sortir de l’ornière, vont redoubler d’ardeur pour se distinguer afin de bénéficier d’un meilleur positionnement. A ce jeu, c’est le parti et surtout les têtes de pont du parti qui seront les grands gagnants. Ce sont justement les caciques du Prd qui bénéficieront de l’entrain des jeunes et des femmes sur le terrain, car c’est eux qui récolteront au prime abord et dans une large mesure les prébendes électorales.
C’est un secret de polichinelle que chez nous, les jeunes et les femmes sont considérés comme des escaliers dont se servent les plus nantis et les plus rusés pour effectuer leur ascension politique et sociale. Dans la plupart des cas, ils sont souvent remerciés en monnaie de singe. Voilà que subitement, le Prd leur offre l’opportunité rêvée sur un plateau d’argent. Où se trouve le piège ? Du moment où rien de précieux et de durable ne s’obtient sans lutte ici-bas, que feront-ils au sein des différentes instances du parti ? Occuperont-ils aussi des postes clés ou seront-ils amenés à jouer les seconds rôles dans l’ombre des aînés ? Autant il est vrai qu’ « un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune homme debout », autant il est vrai qu’on acquiert vite de l’expérience lorsqu’on est amené à être dans le feu de l’action et à prendre des risques. L’offre faite par Adrien Houngbédji aux jeunes et aux femmes de son parti a tout l’air d’un marché de dupe. Mais les intéressés ne perdent rien à lui accorder le bénéfice du doute.
Moïse DOSSOUMOU