Je préfèrerais ne pas y croire. Mais, depuis quelques jours, l’information a dépassé l’étape de rumeur. Pour détournement de sacs de riz affectés aux cantines scolaires, six Directeurs d’écoles ont été déchargés de leurs fonctions. Encore du riz et décidément des vivres au profit de la communauté détournés. Apparemment au Bénin, postes de responsabilité et sacs de riz ne font pas bon ménage. Ce n’est d’ailleurs pas de gaieté de cœur que jusqu’ici, je continue de me perdre en conjectures.
Mais, j’ai beau chercher des circonstances atténuantes, je ne trouve rien que la cupidité et l’immoralité qui foisonnent à tous les niveaux. En dépit de la Rupture, de l’avidité des voleurs à col blanc, j’en suis sûr, on en parlera toujours. Des cas, les uns plus choquants que les autres, de milliards du pays évaporés dans les poches des individus, il ne faut même pas s’étonner que demain, journée nationale de la lutte contre la corruption, certains soient évoqués. Que dire de l’exploitation continue du prolétaire par le bourgeois ? Tout ceci, on ne le sait que trop.
Seulement, quand j’entends que des privilégiés se jettent sur la nourriture des pauvres et les volent, là, il n’y a rien de pire. Et surtout, ne me servez pas l’adage qui dit : « qui travaille à l’hôtel vit de l’hôtel ». Dans ce cas-ci, ce sont des cantines expérimentales, et inutile de rappeler que c’est d’abord pour les indigents.
En somme, c’est le riche qui dépouille le nécessiteux. Ou si vous voulez, l’éléphant qui envie la bonne fortune de la souris. C’est carrément le monde à l’envers. Jamais et au grand jamais, je ne comprendrai la logique de ces hommes sans cœur. Voler la pitance du pauvre. Quelle honte !
Heureusement que la patrouille a rattrapé les indélicats et qu’un fort message est envoyé à tous ceux qui flirtent avec le riz, surtout celui des cantines. Sinon, je parie que la liste des Directeurs épinglés ne s’en arrêtera pas à six. D’ailleurs, si à ce point, la gangrène de la corruption a pris possession de l’âme du Béninois, c’est sans doute que le mal a eu le temps de s’enraciner et qu’aucune thérapie de choc, pour l’éradiquer, n’a été appliquée sur une longue durée.
Evidemment, ce ne sont pas les initiatives, pour qu’on n’en vienne pas à cette déchéance morale, qui ont manqué. Le président Soglo a voulu d’un pays d’hommes intègres, mais n’a pas pu totalement instaurer la bonne gouvernance et faire rendre gorge. Le Général Kérékou et la fameuse cellule de la moralisation de la vie publique ont fait ce qu’ils pouvaient. Ne parlons pas de la fougue du président Boni Yayi qui a marché et sué pour que la corruption sorte définitivement des mœurs de ses compatriotes.
Avec tout ça, s’il y a encore autant de brebis galeuses et que, même en temps de rupture, ils n’ont pas compris qu’on serre les ceintures et que le bien d’autrui s’appelle « je ne touche pas », c’est dire que la bataille contre la corruption sera vraiment de longue haleine. Mais déjà, il faudra comprendre qu’au Bénin, il faut à tous, un réarmement moral. Que dis-je ? De l’exorcisme et une bonne dose de sérum injecté aux corrompus et aux corrupteurs pour une pudeur dans la gestion de la chose publique. Mais pour ça, pouvons-nous déjà faire confiance à la Rupture ? On verra bien.
Angelo DOSSOUMOU