Cela n’arrive pas souvent. Mais nous l’avons fait. Plus précisément, le Bénin l’a fait. L’événement est presque inédit, rarissime dans les annales de l’histoire diplomatique de notre pays. Reine Alapini Gansou vient d’être élue comme juge à la Cour pénale internationale (Cpi). Le scrutin qui s’est déroulé le 5 décembre dernier à New-York lors de la 16ème session ordinaire de l’Assemblée des Etats parties à la Cpi a consacré l’élection de notre compatriote à ce poste très prisé au plan international. Au cours des neuf prochaines années, elle prêtera ses compétences à cette prestigieuse juridiction. Le 6 septembre dernier, lorsque le Conseil des ministres a décidé de porter et de soutenir officiellement cette candidature, beaucoup ne vendaient pas cher la peau de Reine Alapini Gansou. Fort heureusement, le plaidoyer nécessaire a été fait et le Bénin a réussi à convaincre les électeurs.
L’offensive diplomatique menée par le Bénin est à saluer et les acteurs de ce succès sont à féliciter car ils ont fait œuvre utile pour la République. Au bout du rouleau, à l’issue de plusieurs tours du scrutin, la candidate béninoise a obtenu 83 voix sur 123. Elle a ainsi damé le pion à ses challengers du Canada, de l’Italie et du Ghana, pour ne citer que ces nationalités. Le vote fut extrêmement rude et éprouvant. Le Bénin a affronté 12 candidats représentant les cinq groupes régionaux aux Nations-Unies à savoir le groupe africain, le groupe Asie-Pacifique, celui de l’Europe Orientale, celui de l’Amérique Latine et des Caraïbes et enfin le groupe de l’Europe Occidentale et des autres Etats. La carte de visite diplomatique de la plupart des pays de provenance des challengers de la Béninoise suffisait amplement pour qu’elle rebrousse chemin et enterre ses rêves. Mais, à force d’y croire et de mener les actions qu’il fallait, le Bénin a « percé », comme le disent les Ivoiriens.
Ce n’était pas gagné d’avance. Mais il faut avouer que notre pays a fait l’effort de présenter un candidat dont le curriculum vitae répond aux critères exigés pour siéger à la Cpi. En effet, les juges doivent posséder une vaste expérience pratique et une connaissance approfondie du droit international. Ils doivent aussi être d’une haute moralité, avoir un sens poussé de l’impartialité et de l’intégrité et, chose importante, posséder les qualifications requises dans leurs Etats respectifs pour les plus hautes fonctions judiciaires. Avec cette élection, Reine Alapini Gansou est au point culminant de sa carrière de juriste. Elle devient ainsi un modèle pour les femmes, appelées à se surpasser, pour se distinguer. Qu’on le veuille ou pas, c’est une action diplomatique d’éclat que le Bénin vient de mener sur la scène internationale. Il a désormais l’obligation de maintenir le cap.
Le gouvernement, le ministre des affaires étrangères et ses collaborateurs ainsi que les autres têtes pensantes et agissantes de ce succès peuvent être tentés de dormir sur leurs lauriers. Ce serait une erreur. C’est maintenant ou jamais qu’il faut déterminer les stratégies pour propulser les mille et une compétences dont regorge notre pays. Pendant des années, le Bénin a opté pour une politique diplomatique suicidaire en refusant de mouiller le maillot pour ses fils et filles candidats à des postes à l’international. Les autres Etats africains, les pays de la sous-région en ont profité pour occuper les postes les plus influents. Maintenant que le Bénin s’est réveillé, la donne pourrait progressivement changer. Encore faudrait-il le vouloir et agir dans ce sens, sans répit. Dans quelques semaines, le mandat de Marcel de Souza, président de la commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’achèvera. Que font le gouvernement et son chef pour qu’au prochain sommet des chefs d’Etat de cette organisation, le Bénin se succède à lui-même ?
Moïse DOSSOUMOU