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Gangondoui: la vedette d’Azovè fait grise mine
Publié le jeudi 21 decembre 2017  |  ABP
Gangondoui
© Autre presse par DR
Gangondoui : La galette d’arachide




La galette d’arachide appelée ‘’Gangondoui’’ en milieu adja est faite à base de pâte d'arachide. Sa fabrication est une activité qui nécessite un long et laborieux processus de préparation. A Azovè dans la commune d’Aplahoué, département du Couffo, beaucoup de femmes s’y adonnent mais face aux charges familiales et réalités de la vie, elles ne prospèrent pas. Tel que révèle le parcours de Ella Sokégbé, une septuagénaire d’Azovè, les pratiques rudimentaires et l’absence de soutien entretiennent la stagnation au sein de cette activité qui aurait pu être une filière porteuse pour l’économie locale.

Il est 10 heures au quartier Djimadohoué, arrondissement d’Azovè, commune d’Aplahoué. Seule dans l’une des pièces de la maison où elle habite, non loin de la voie inter-Etat Azovè-Tohoun, Ella Sokégbé, s’active à modeler sur une planche en bois la pâte d’arachide malaxée en de fines tranches horizontales. Les fines tranches prendront, par la suite, une forme arrondie et seront frites dans l’huile d’arachide pour obtenir le ’’Gangondoui’’, cette fameuse galette d’arachide tant prisée localement et un peu partout au Bénin.

‘’Je suis à pied d’œuvre depuis 4 heures, avoue-t-elle. C’est le quotidien de la plupart des femmes qui ont pour métier la fabrication du Gangondoui », déclare-t-elle, haletante et tout en se servant de son pagne pour se débarrasser des fines gouttelettes de sueurs qui ont colonisé son visage marqué par de profondes rides et sur lequel se lisent les nombreuses années de labeur et de souffrances.

Selon ses propos, ce métier, elle l’exerce depuis près de 40 ans. Elle s’attèle à préparer tous les jours cette spécialité locale croustillante et croquante qui, au contact de la salive, prend la forme d’une moelleuse pâte dont les papilles gustatives se régalent très facilement et qu’on ingurgite, à volonté, à l’aide d’une rasade ; avec un verre d’eau ou mieux encore, un verre de bière bien fraîche, le tour est joué. Comme un peu partout au Bénin où la galette d’arachide a pion sur rue, on s’en délecte volontiers avec le traditionnel bol de gari (farine de manioc) baignant dans de l’eau fraîche ; un délice, pour les habitués.

Des bénéfices modiques

Ella Sokégbé s’approvisionne en arachides au marché d’Azovè. Le sac d’arachides de 100 kg lui revient tantôt à 52 000 tantôt à 70.000f CFA. Tout est fonction de la période de l’année. Quand la matière première est disponible et abondante, son prix baisse ; il commence par grimper pour atteindre le plafond, c’est-à-dire, 70.000 f, explique-t-elle, lorsqu’intervient la période de soudure ; une situation qu’elle vit difficilement surtout lorsque, parfois, la mévente vient se mêler à la conjoncture.

Pour écouler sa production, elle explique qu’elle fréquente trois différents marchés, précisément, celui d’Adjahonmey (Klouékanmè), de Djékpétimey (Djakotomey) puis d’Azovè ; sans oublier que de nombreux clients se font servir directement sur son lieu de production et sur commande. « La vente se fait en gros et en détail à raison de 15 ou 6 galettes à 100 francs, selon la grosseur», a-t-elle précisé. Conditionné dans un emballage de 100 kg, « si l’arachide n’a pas été cultivée avec de l’engrais, le bénéfice peut aller jusqu’à 20 000 francs CFA », révèle-t-elle.

Le parcours de la battante

« Préparer le gangondoui est un travail très difficile que je ne peux faire seule », indique Ella Sokégbé qui signale qu’à l’étape du modelage de la pâte d’arachide, elle est obligée d’associer de la main-d’œuvre experte qu’elle rémunère. Ici, la rémunération varie de 175 à 300 francs CFA suivant la forme du plateau. L’arachide déjà décortiquée est d’abord séchée, triée et grillée dans une poêle en aluminium ou en terre puis convoyée vers le moulin pour être transformée en poudre. Au produit moulu très tôt le matin, on ajoute de l’eau et du sel. La pâte obtenue est laborieusement malaxée et, ensuite, pressée de façon archaïque pour récupérer l’huile végétale qui servira pour la cuisson des galettes. Tout cela se fait à la main, signale-t-elle. Ce qui pose le problème de la presse manuelle avec toutes ses insuffisances et qui s’expriment en termes de qualité du produit et de temps ; d’où le caractère harassant de l’exercice et le besoin d’utiliser de la main d’œuvre rémunérée.

La pâte moulue et malaxée est ensuite modelée et découpée en de fines tranches horizontales puis on lui donne la forme arrondie sous laquelle apparaît le produit fini. Avant d’être frite, la galette est exposée au soleil pendant une ou deux heures voire plus, apprend-on, selon la température. La dernière étape est le passage dans l’huile chaude dans laquelle la galette séjourne quelques minutes et se solidifie. La consistance de la pâte, la durée du séjour dans l’huile et l’ardeur des flammes sont les paramètres dont dépend la nature de la galette. En effet, elle peut s’avérer friable, simplement compacte ou dure. ‘’Tout dépend de la destination du produit fini. Mais, généralement, révèle Ella Sokégbé, les revendeuses la préfèrent dure de sorte à minimiser les risques de brisures qui équivaudraient à des pertes ». En effet, le conditionnement et le mode de transport nécessitent que le produit ait beaucoup de consistance. Il est généralement déversé dans des sacs de jute ou dans des paniers tapissés de papier (souvent les emballages de ciment préalablement dépoussiérés). Les propriétaires de camionnettes ou de véhicules à porte-bagages sont souvent sollicités pour le transport.

Du matériel rudimentaire


Les matériels de travail utilisés sont rudimentaires. ‘’Ce sont les matériels que ma grand-mère a toujours utilisés », avoue-t-elle avant de faire une grimace qui trahit un brin de remords. Et pour cause ; aujourd’hui, le marché contient du matériel moderne mais à des prix inaccessibles pour sa bourse. Ainsi, à part le moulin qui est à proximité de sa maison, il n’y a pratiquement plus rien, si ce ne sont quelques vieilles ustensiles, une table brinquebalante, un mortier usé, des briques. Ella dispose aussi dans l’angle gauche de sa cour d’un foyer fait de briques de ciment superposées et qui utilise le feu de bois. Il y a aussi une planche posée sur une autre table aussi vieille que la première. C’est là que la pâte malaxée est modelée en de fines tranches. C’est un décor meublé d’outils rudimentaires. Dans le monde d’aujourd’hui où foisonne nombre d’instruments modernes, ce sont pourtant les seules richesses de Ella Sokégbé.

Elle aurait aimé avoir du matériel un peu plus moderne afin d’amoindrir le caractère pénible du travail : une presse moderne, des foyers améliorés, des ustensiles plus grands et plus appropriés voire un moulin et des moyens financiers pouvant lui permettre de faire d’importantes provisions de matières premières. Son rêve est d’augmenter sa production afin que ses revenus soient plus importants. Aujourd’hui, reconnaît-elle, avec l’âge – elle est à la porte des 70 ans - c’est un vœu pieu puisqu’elle n’a pas les moyens et plus du tout la force pour se battre sur ce terrain. Elle n’a d’autres soucis que de pouvoir désormais gérer le quotidien. Pire, elle s’en remet à sa fille : « Si ma fille peut prendre la relève, je souhaite qu’elle soit équipée de matériels modernes, car, c’est pénible de travailler comme je l’ai fait toutes ces longues années ».

Aux problèmes de santé auxquels elle est exposée tous les jours, s’ajoutent ceux qui relèvent du manque d’argent puisque, explique-t-elle, « une fois les dépenses de santé effectuées, le capital chute considérablement. Le peu de bénéfices réalisés fuit à travers les problèmes existentiels », déplore-t-elle. Qu’à cela ne tienne. La septuagénaire plaide pour que les pouvoirs publics viennent en aide aux femmes qui mènent une quelconque activité génératrice de revenus, mais qui, malheureusement, ont du mal à véritablement joindre les deux bouts.
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