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Bicéphalisme au sein de l’Ordre national des pharmaciens du Bénin : Incohérences et incongruités des Arrêts rendus par la Cour Suprême
Publié le jeudi 4 janvier 2018  |  Matin libre
Ousmane
© aCotonou.com par TOP
Ousmane Batoko, Président de la Cour Suprême du Bénin




Depuis des années, le sous-secteur pharmaceutique est en proie à une crise profonde. La preuve, deux (02) Ordres sont aux commandes de cette profession depuis janvier 2015. En amont, un mésusage des textes par le Ministre de la Santé, Dorothée Akoko KINDE GAZARD. Des recours sont formulés. Des décisions sont rendues. Enquête dans le dédale du juridisme qui plombe un secteur sensible qui relève de la santé publique.

A priori, c’est une crise qui secoue le sous-secteur pharmaceutique depuis plusieurs années. A postériori, c’est plus une guerre motivée par des intérêts personnels et légitimée par des subterfuges juridiques. Nous étions en décembre 2014. A la veille du renouvellement du bureau du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens présidé par Dr Moutiatou TOUKOUROU installé le 17 janvier 2011 pour un mandat de quatre (04) ans censé prendre fin le 16 janvier 2015. Par enchantement, un conflit éclate entre le ministère de la Santé et le bureau de l’Ordre. Le premier prétexte d’un pouvoir discrétionnaire pour organiser les élections ordinales. Le second à travers sa présidente refuse et exige le respect des dispositions de l’ordonnance n°73-38 du 21 avril 1973 portant création et organisation des Ordres Nationaux des Médecins, des Pharmaciens, des Chirurgiens-dentistes et des Sages-femmes modifiée par l’ordonnance n°73-59 du 24 avril 1973. C’est en respect de cela que la décision n°2014-004/ONPB/CN/PCN/SG du 30 Septembre 2014 portant modalité d’organisation des élections relatives au renouvellement des conseils centraux et du conseil national de l’ordre des pharmaciens du Bénin avait été prise par la Présidente en exercice conformément à l’article 94 de l’ordonnance citée plus haut comme l'avait fait le Dr Charles Henri AÏNADOU en décembre 2000. De quoi irriter Dorothée KINDE GAZARD qui l'a fait savoir dans sa correspondance n°9054 du 25 novembre 2014 et qui convoque par la suite et unilatéralement une autre élection. En réalité, ce ne serait donc que l’écran de fumée dressé pour dissimuler un long mésusage des textes et une intention malsaine de prendre en otage la profession.

Il était une fois, le dossier UBIPHARM

Tout a commencé après la nomination du Professeur Dorothée Akoko KINDE GAZARD, le 1er juin 2011 aux commandes du Ministère de la Santé. Six mois après son arrivée, curieusement et sans une raison valable, elle convoque le 23 janvier 2012 à son cabinet une séance de travail avec les ordres de santé. Au menu, le dossier UBIPHARM-Bénin. En vérité et pour rappel, c’est sous le Ministre Issifou TAKPARA, ministre de la Santé à l’époque que dans un premier temps, la société UBIPHARM-Bénin créée en 2009 a introduit au mois de mars de la même année une demande d’exercice en qualité de société de grossiste-répartiteur de produits pharmaceutiques. Comme l'exige la procédure et en respect des dispositions de la loi 97-020 du 17 juin 1997 en son article 3, «l’autorisation de l’exercice en clientèle privée est donnée individuellement par le Ministre de la Santé en Commission Technique après avis favorable du Conseil de l’ordre compétent». La demande d’autorisation étant adressée par le Président du Conseil de l’Ordre et non le ministère de la Santé. Donc l’ordre national des Pharmaciens dirigé en ce moment par Charles Henri AINADOU a émis un avis défavorable motivé en ses séances d’abord du 16 décembre 2009 ensuite le 18 janvier 2010. Avis qui sera confirmé 19 février 2010 par la Commission technique en présence du Conseil Technique Juridique du Ministère de la Santé. Simultanément, une autre demande de mutation de la licence d’exercer en qualité de grossiste-répartiteur précédemment accordée à la société MEDIPHARM BENIN au profit d'UBIPHARM Bénin avait été introduite. Elle sera accordée à travers l’arrêté n°5248/MS/DC/SGM/DPMED/SEP/SA en date du 4 août 2009 mais qui fut abrogé plus tard par l’arrêtén°8868/MS/DC/SGM/DPMED/SEP/SA du 7 décembre 2009 pour raisons de faux documents. Encore qu’une licence d’agrément ne se mute pas en pharmacie. On la retire dès cessation d’activités. A l’arrivée, pour la même société, il y avait une demande de mutation de licence adressée au Ministre de la Santé et une autre demande de licence d’ouverture et d’exploitation déposée sur la table de l’Ordre National des Pharmaciens du Bénin (ONPB). A l'occasion donc de cette réunion du 23 janvier 2012, les membres de la Commission Technique qui lui ont encore réaffirmé leur avis défavorable. Curieusement, le compte rendu de la commission technique du 19 février 2010 qui a donné l’avis défavorable à la demande de licence d’ouverture et d’exploitation de la société UBIPHARM-Bénin a miraculeusement disparu du Ministère de la Santé jusqu’à ce jour. Le lendemain, le Bureau de l’Ordre National des Pharmaciens du Bénin présidé par Dr Moutiatou TOUKOUROU (entre temps un nouveau bureau avait été élu et installé depuis le 17 janvier 2011) a été convoqué le 24 janvier 2012 au Palais de la République par certains conseillers du Président Boni YAYI. Le rapport de la séance évoque Joseph TAMEGNON, ancien conseiller technique à l'économie, Aurélien HOUESSOU et Jean Alexandre HOUNTONDJI, anciens conseillers spéciaux du Président et enfin Affoussatou ADJIBADE. A cette séance, le bureau du Dr TOUKOUROU Moutiatou a réitéré aux conseillers présents, l’avis défavorable du Conseil National de l’Ordre et aussi l’avis défavorable de la Commission Technique du 19 février 2010 en respect strict des textes confirmé par le Directeur de la Pharmacie, du Médicament et des Explorations Diagnostiques d'alors Dr Frédéric LOKO et l'ancien Directeur National de la Protection Sanitaire. A la suite de cette réunion, le Président Boni YAYI a mis sur pied, une commission par Décret n°2013-123 du 7 mars 2013présidée par Jacques Alidou KOUSSE pour étudier les relations entre le Ministère de la Santé et les différents ordres de santé. Une commission dans laquelle se retrouve Henri Charles AÏNADOU alors même qu’il est l’auteur des papiers frauduleux ayant induit en erreur le ministre Issifou TAKPARA dans la prise de l’arrêté de mutation qui sera abrogé par la suite.

Place à la pagaille du Ministère de la Santé

Après des mois de travaux, la Commission KOUSSE rend son rapport. Invités le 30 octobre 2013 par le Président Boni Yayi, les ordres professionnels de santé prennent connaissance du contenu dont la première recommandation dudit rapport était dedissoudre les Ordres professionnels de santé. A l’issue de ce conseil des ministres, plusieurs décisions ont été prises selon l'extrait du relevé n°22 extra des décisions prises par le conseil des ministres en sa séance extraordinaire du 30 octobre 2013. Les unes aussi attentatoires aux textes réglementaires que les autres. Ainsi au point 7 de ce relevé, il est "demander aux différents Ordres Nationaux de Santé et associations des professionnels de santé de procéder au renouvellement de leurs conseils et/ou bureaux respectifs en conformité avec les textes régissant le secteur médical et paramédical". Ignorant toutes les dispositions des textes réglementaires, la ministre a fait organiser des élections ordinales. Mais bien avant, la ministre prend, le 02 décembre 2013, l’arrêté n°378 portant attribution de site sur la carte pharmaceutique 2012-2013 et des sites vacants sur les cartes antérieures en violation même des décisions prises en Conseil des Ministres du 30 octobre 2013. Huit jours suite à cette décision, c’est-à-dire, le 10 décembre 2013, le Conseil National de l’Ordre formule un recours hiérarchique auprès du Président de la République pour faire rapporter l’arrêté n°378, pris abusivement par le Ministre Dorothée Akoko KINDE GAZARD. Le lendemain, le même Conseil National de l’Ordre adresse les courriers n°188 et 189/ONPB/CN/PCN/SG/13 à deux (02) pharmaciens bénéficiaires illégaux de sites pour attirer leur attention sur les conséquences d'une éventuelle mise en œuvre de cet arrêté n°378. Ceci parce que ces deux pharmaciens ne remplissaient pas les conditions exigées par l’arrêté n°13495/MS/DC/SGM/CTJ/DPM/CNOP/SA du 28 décembre 2006 portant condition d’exercice de la profession de pharmacien d’officine en République du Bénin en son article 11. Sans suite et toujours préoccupé par les éventuelles conséquences, l'ordre introduit le 19 décembre 2013 un recours gracieux auprès du Chef de l’Etat contre certaines décisions prises en Conseil des Ministres du 30 octobre 2013. Malheureusement les 24 et 31 décembre 2013, ces deux (02) pharmaciens ne remplissant pas les conditions d’attribution de sites ont adressé au Conseil National de l’Ordre en violation de la loi 97-020 deux requêtes ayant pour objet "Transmission de dossier d’attribution de site pour avis". C’est alors que le 24 décembre 2013, pour éviter des préjudices aux pharmaciens bénéficiaires des autorisations irrégulières découlant de l’Arrêté n°378, le Conseil National de l’Ordre a formulé auprès de la Cour Suprême une requête afin qu’il soit ordonné en procédure de référé le sursis de l’exécution de certaines décisions du conseil des ministres du 30 octobre 2013 relative à l’attribution de site, l’autorisation de la société grossiste-répartiteur UBIPHARM-BÉNIN et l’arrête n°378 portant attribution de site.

Incohérences des décisions de la Cour Suprême

Le 05 février 2014, la Cour Suprême rend la décision d’irrecevabilité par l’ordonnance n°001/CA, seulement six (06) semaines après le dépôt de la requête. Quelle célérité !!! Une irrecevabilité qui est une conséquence de l’inobservation du délai de deux (02) mois après le dépôt du recours gracieux ou hiérarchique avant toute introduction d’une requête devant la Cour Suprême. Toutefois, les recours gracieux et hiérarchique étant restés sans suite après le délai requis, le Conseil National a introduit le 28 février 2014 auprès de la Cour Suprême, deux (02) recours en annulation pour excès de pouvoir contre l’arrêté n°378 portant attribution de sites et certaines décisions du Conseil des Ministres du 30 octobre 2013. Depuis 3 ans, ces deux (02) dossiers fondamentaux sont encore pendants devant la Cour Suprême jusqu’à ce jour. Elle qui pourtant avait pu rendre une décision en moins de deux mois. Néanmoins, elle a pu programmer des recours déposés en 2015 qui sont entièrement liés aux décisions prises en conseil des Ministres du 30 octobre 2013. C’est le cas de la décision rendue le 19 janvier 2017 et qui fait polémique aujourd’hui sur la légitimité des deux (02) bureaux d’Ordre. En effet, la Cour Suprême estime que Dr TOUKOUROU Moutiatou, régulièrement réélue par la majorité des pharmaciens le 27 décembre 2014, n’a pas qualité pour porter plainte au nom de l’Ordre parce que la Ministre de la Santé, Dorothée Akoko KINDE GAZARD contesterait les élections organisées conformément aux textes et comme à l’accoutumée par le bureau de l’Ordre au Chant d’Oiseau de Cotonou. Aussi, la Cour estime que Dr ADEBO Falilou, autre requérant, ne peut pas non plus porter plainte au nom de l’Ordre car les arrêtés du Ministre de la Santé ne toucheraient pas ses intérêts personnels. Est-ce que la loi permet au ministre de la santé de reconnaitre ou non la régularité et/ou la légalité des élections ordinales auxquelles la majorité des pharmaciens ont participé? Surtout en sachant que la mission assignée à l’ordre est la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession. C’est ce qui est d’ailleurs affirmé dans le Code français de Santé Publique qui précise que bien la loi détermine les missions de l’ordre ainsi que la manière dont son fonctionnement majoritaire doit être organisé, l’autonomie organisationnelle et budgétaire s’oppose à ce qui soit considéré comme se trouvant dans un état de dépendance étroite vis-à-vis des pouvoirs publics. Et plus encore que l’article 94 de l’Ordonnance 73-38 du 21 avril 1973 dispose que ce sont "Des arrêtés du Ministère de la Santé Publique qui fixent les modalités et les dates d'élection et de nomination des différents conseils de l’Ordre des Pharmaciens, sur proposition du Conseil National de l’Ordre…". Mieux la même ordonnance dispose en son article 89 que "les décisions administratives du Conseil National de l’ordre sont susceptibles de recours devant la juridiction administrative compétente et les décisions juridictionnelles du même conseil peuvent être portées devant la juridiction administrative la plus élevée de la République, par les voies de recours de droit commun". Moyen dont pouvait user le ministère de la santé publique en son temps pour protester contre les décisions ayant conduit à l’élection notamment celle n°2014-004/ONPB/CN/PCN/SG du 30 septembre 2014 portant modalité d’organisation des élections relatives au renouvellement des conseils centraux et du conseil national de l’ordre des pharmaciens du Bénin. Au constat, il s’est plutôt substitué à la Cour Suprême. En outre, qui peut alors porter plainte au nom et pour le compte de l’Ordre National des Pharmaciens du Bénin lorsque la Cour dénie encore le droit à un pharmacien régulièrement inscrit au tableau de l’Ordre de défendre les intérêts de sa profession? Alors que dans le même temps, ce sont de simples pharmaciens n’appartenant à aucune structure de l’Ordre (Conseil National et conseils centraux) qui se sont plaints au Ministre de la Santé, Et pourtant, la Ministre de la Santé, Dorothée Akoko KINDE GAZARD s’est illégalement basée sur leur plainte pour organiser simultanément une autre élection le même 27 décembre 2017 avec une minorité de pharmaciens. C’est là que la décision de la Cour Suprême est bizarre et incohérente et qui cache une intention malsaine de celle-ci qui ne dit pas dans ses arrêts si la Ministre de la Santé, Dorothée Akoko KINDE GAZARD était habileté à créer une Commission Electorale Ordinale (CEO) pour organiser une élection ordinale. Aucun texte ne lui en donne la responsabilité. Le projet d’arrêté est élaboré que par l’ordre sortant comme calendrier électoral. Plus grave, des arrêtés sont pris par la ministre en déniant le droit de vote aux pharmaciens inscrits au tableau de l'ordre mais plutôt aux sociétés grossistes-répartiteurs. Tout semble indiquer qu'un arrêté peut modifier une loi. Manifestement la crise dans laquelle sommeille le sous-secteur pharmaceutique depuis des années relève plus d’une guerre des intérêts inavoués aidés par le juridisme inconséquent de la Cour Suprême.

Mike Mahouna
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