L’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB), en assemblée générale les 04 janvier 2018 a décidé d’observer, à compter de ce lundi 08 janvier 2018 une grève sans service minimum de 5jours. Ce mouvement de grève est la réponse des hommes en toge aux différentes lois votées récemment par le parlement béninois pour non seulement améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats mais également pour leur astreindre le droit de grève. Ils entendent mener ces grèves jusqu’au retrait de la disposition de la loi sur le retrait de grève qu’ils jugent de « liberticide » dans la nouvelle loi portant statuts de la magistrature.
La semaine qui démarre, ce lundi 08 janvier, s’annonce très mouvementée en raison des menaces de débrayage des travailleurs du secteur de la justice. En effet, les députés ont, à travers l’examen de la loi modificative portant statut particulier des magistrats du Bénin, amélioré leurs conditions de travail tout en lui retirant le droit de grève. Cet acte du Législateur n’est pas du goût des magistrats qui, en Assemblée générale extraordinaire, ont décidé, la semaine écoulée, d’une suspension concertée de travail 5 jours du 5 dès ce lundi. Une grève tacite reconduction jusqu’au retrait de la décision querellée. Pour mieux comprendre les implications de cette cessation de travail, le président de l’Unamab était, ce dimanche, sur l’émission hebdomadaire « Sans Langue de bois » de la radio Soleil Fm. Le magistrat Michel Adjaka ne s’étonne pas de l’aboutissement de cette initiative du gouvernement portée par un député. Il dit avoir tenté en vain de travailler avec la Commission des lois présidée par son collègue magistrat, l’honorable Alexis Agbélessessi. Selon les interventions du Magistrat ce dimanche, l’Unamab avait proposé une loi tendant à reformer la loi portant statut de la magistrature. Mais l’initiative n’avait pas été prise en compte. Le syndicat des Magistratsa été tout simplement écarté lors des travaux en Commission à l’Assemblée nationale et contraint à transmettre uniquement par écrire ses observations à la commission. « … C’est une initiative parlementaire qui crée des dépenses au budget national contrairement à l’initiative des magistrats (…) Ce qui se prépare n’est pas dans l’intérêt supérieur de la magistrature » a dénoncé le président de l’Unamab. Il a ensuite passé en revue les implications du retrait du droit de grève. Pour lui, c’est inadmissible que le gouvernement puisse se permettre de livrer le pouvoir judiciaire à la « vindicte populaire ». A en croire ses propos, aucun avantage nouveau accordé aux magistrats ne saurait justifier le retrait du droit de grève à ceux-ci. Michel Adjaka a, pendant les 90 minutes de l’émission, déploré certains agissements de son ministre de tutelle qui semblent contraindre les magistrats selon ses propos, à soutenir le Gouvernement. « C’est le peuple qui en souffrira », avertit Michel Adjaka.
Joseph Djogbénou fait réquisitionner des agents pour servir les populations
Par la note de service N°19/MJLD/DC/SP-C, le garde des sceaux, ministre de la justice et de la législation a instruit des présidents des tribunaux, les procureurs généraux et procureurs de la République à faire réquisitionner le personnel des services compétents aux fin d’assurer le service minimum et faire tenir les audiences programmées dans la période de grève déclenchée par l’Union nationale des magistrats du Bénin.
Les syndicats de la justice s’opposent à la réquisition annoncée
Dans une correspondance qu’ils viennent d’adresser à l’ensemble de leurs syndiqués, quatre syndicats de la justice, à savoir Syntrajab, Syntra-Justice, Unogec Bénin et Unp-Justice, les appellent à ne pas mettre en œuvre les mesures de réquisition du personnel annoncées par le ministre de la justice lors des mouvements de grève en vue. A les croire, « le régime juridique des réquisitions en temps de grève en République du Bénin ne permet de procéder à aucune réquisition à la justice en période de grève ». Ils citent à cet effet, la Loi n°2001-09 du 21 juin 2002, qui à propos de l’exercice du droit de grève au Bénin, a prévu les cas de réquisition, les secteurs concernés et sa procédure au niveau du Titre IV comportant les articles 13 à 20. Il ressort de ces dispositions, selon les syndicats, que la réquisition n’est prescrite que pour les services essentiels limitativement cités à l’article 14 ainsi libellé : « sont considérés comme services concernés ceux relevant de la santé, de la sécurité, de l’énergie, de l’eau, des transports aériens et des télécommunications, exception faite des radios et des télévisions privées ».
Lire l’intégralité de leur déclaration
L’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB) s’est réunie en Assemblée Générale Extraordinaire ce jour jeudi 04 janvier 2018.
Etait inscrit à l’ordre du jour, le point relatif au retrait du droit de grève aux magistrats.
Après analyse de la situation, l’Assemblée Générale a relevé que le droit de grève est consacré par l’article 31 de la Constitution du 11 décembre 1990, qui n’est qu’une simple internalisation de l’article 8 du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
En décidant de sacraliser le droit de grève, le constituant a engagé l’Etat à reconnaître et garantir ce droit à tous les travailleurs, y compris les forces de défense et de sécurité.
Cette option s’explique par l’histoire de notre pays.
En effet de 1972 à 1989, le Bénin a fait la redoutable expérience de la période révolutionnaire particulièrement marquée par la violation massive des droits humains. Tirant leçon de ce douloureux passé, le constituant a prévu une batterie de dispositions destinées à assurer la protection de ces droits.
Au nombre des institutions chargées de veiller au respect des droits fondamentaux et des libertés publiques, figure au premier plan la Cour constitutionnelle.
Saisie le 13 janvier 2006 du contrôle de conformité à la Constitution de la loi 2005-43 du 29 décembre 2005 portant statuts général des personnels militaires des forces armées béninoises, la Cour constitutionnelle, par décision DCC- 06-034 du 04 avril 2006, a jugé que «Le droit de grève proclamé et consacré par la Constitution est un droit absolu au profit de l’ensemble des travailleurs(…). Le législateur ordinaire ne peut porter atteinte à ce droit».Curieusement, lors du contrôle de conformité à la Constitution de la loi N° 2011-25 portant règles générales applicables aux personnels militaires et assimilés en République du Bénin, votée par l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle a opéré un revirement de jurisprudence et a estimé que le droit de grève, bien que fondamental, n’est pas absolu.
Prétextant de cette nouvelle position de la Cour constitutionnelle, l’Assemblé nationale a, le 28 décembre 2017, retiré subrepticement le droit de grève aux agents de la santé, de la justice et de sécurité. Non satisfait de ce coup de force constitutionnel, le 02 janvier 2018, lors de l’examen de la loi portant statuts de la magistrature, l’Assemblée nationale a confirmé son désir d’en découdre avec les magistrats en leur retirant le droit de grève par une disposition introduite dans cette loi. Des débats parlementaires, il ressort que le nouveau statut vise à améliorer substantiellement les conditions de vie et de travail des magistrats. L’UNAMAB fustige cette manœuvre consistant à troquer le droit de grève, une liberté fondamentale, contre les avantages en nature ou en espèce. Ne pouvant tolérer un recul démocratique, ni une vassalisation du pouvoir judiciaire et de ses acteurs, l’UNAMAB estime qu’il urge de riposter avec vigueur à la liquidation amorcée de la démocratie béninoise acquise de hautes luttes.
C’est pourquoi, elle décide d’observer, à compter du lundi 08 janvier 2018, jusqu’au retrait de cette disposition liberticide de la nouvelle loi portant statuts de la magistrature, un mouvement de grève de protestation de cinq (05) jours, tacitement reconductible, du lundi au vendredi. L’UNAMAB rend l’Assemblée nationale et le gouvernement responsables des déconvenues qui résulteraient de cette fâcheuse situation.