Sa dernière sortie médiatique n’a pas eu du répondant comme la précédente. Accompagné de son épouse, Nicéphore Soglo s’est, une nouvelle fois, prononcé sur l’actualité. Le vendredi 19 janvier dernier, au terme d’une réunion du bureau politique national de la Renaissance du Bénin (Rb), le couple Soglo a donné de la voix. En l’absence de leur fils en exil, par ailleurs président du parti, Nicéphore et Rosine ont repris leurs responsabilités. C’est de notoriété publique que les relations entre l’ancien couple présidentiel et le chef de l’Etat sont exécrables. Après avoir appelé à voter pour lui, les deux figures de proue de la famille ont, quelques mois plus tard, « battu leur coulpe » et « fait pénitence ». Cela leur a valu tous les noms d’oiseau par une certaine opinion. Loin de s’en émouvoir, ils sont revenus sur scène pour tirer une fois de plus la sonnette d’alarme.
En cette veille de la célébration du 28ème anniversaire de la Conférence nationale, le couple Soglo a mis un point d’honneur à rappeler les acquis découlant de ces assises inédites et historiques. « La dignité, le multipartisme, la séparation des pouvoirs, l’alternance, la limitation à cinq ans renouvelable une fois de la durée du mandat présidentiel, la liberté d’opinion et d’association, en un mot l’Etat de droit », sont à consolider. C’est pourquoi, la récente décision de la Cour constitutionnelle qui rejette la tentative de suppression du droit de grève aux travailleurs par l’Assemblée nationale a été saluée à sa juste mesure. Nicéphore et Rosine Soglo se préoccupent par ailleurs de la dégradation de la situation économique. En effet, 4 Béninois sur 10 vivent en dessous du seuil minimal de pauvreté.
Sur le plan politique, la déclaration des renaissants, aile Soglo, est fort intéressante. Bien que déplorant la non installation du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (Cos-Lépi) en dépit des injonctions de la Cour constitutionnelle, le couple Soglo est resté modéré. Tout en invitant les autorités concernées à parer au plus pressé afin que les membres devant siéger au sein de cet organe soient désignés et installés, Nicéphore et Rosine demandent avec insistance aux Béninois de ne pas bouder le Recensement administratif à vocation d’identification de la population (Ravip). Redoutant que cet outil soit un instrument de fraude aux mains des gouvernants, la Renaissance du Bénin invite néanmoins les militants du parti, les sympathisants et tout le peuple béninois à se faire enrôler, car « deux précautions valent mieux qu’une ».
Se fondant sans doute sur les erreurs du passé aux temps forts de la Commission politique de supervision de la Lépi où les barons de l’opposition de l’époque avaient défendu à leurs militants de se faire enregistrer, le couple Soglo a opté pour la prudence et le réalisme. Il aurait pu s’opposer catégoriquement à cette opération et ce ne sont d’ailleurs pas les arguments qui manquent pour l’adoption d’une telle posture. Mais n’étant pas encore formellement reconnue comme un parti d’opposition, la Rb, en dépit de ses griefs contre le pouvoir, accompagne le processus et recommande la vigilance à tous. Se faire enrôler pour le Ravip n’est pas synonyme de carte blanche donnée au gouvernement. Ça, les Soglo l’ont compris. Aux autres contempteurs du régime d’en faire autant. Sans quoi, ils courent le risque de regretter leur rigidité et leur manque de lucidité. On peut ne pas parler le même langage que le gouvernement mais choisir d’accompagner certaines de ses actions qui en valent la peine en gardant l’œil ouvert. Au bout du rouleau, c’est du Bénin qu’il s’agit.
Moïse DOSSOUMOU