Grande première dans l’histoire du renouveau démocratique au Bénin. De la Cour constitutionnelle dirigée par Holo, le conseiller Simplice Dato a démissionné. Sans crier gare, il a sauté d’un navire en pleine tempête au large de l’île ‘‘Droit de grève’’. A quelque cinq mois de la fin du mandat de l’institution, il a jeté le tablier et du coup, ouvert la voie à moult interrogations. Manifestement, la thèse « pour raisons de santé » est écartée. D’où, celle vraisemblable liée à la polémique qui a suivi les dernières décisions de la Haute juridiction.
De toute façon, le sage Dato signe l’inédit à la Cour constitutionnelle. Après 27 ans d’expérience démocratique, il y inaugure une piste jusqu’ici inexplorée : celle de la démission. Evidemment, le contexte fait beaucoup jaser. Mais, quel que soit le mobile de son acte, il n’empêche que le conseiller Dato jette du discrédit sur le fétiche national. Fortement critiquée pour ses décisions ces derniers jours, l’auguste Cour n’avait franchement pas besoin de ce très bruyant remue-ménage.
Peut-être qu’à quelque chose malheur est bon. Car, visiblement, à la Cour constitutionnelle, le malaise était ambiant. Et désormais, il est à espérer que la rocambolesque démission de Dato serve de déclic pour qu’enfin, il soit vite circonscrit. Déjà, je n’ai jamais compris par quel tour de passe-passe, des sages en sont arrivés à démontrer qu’une année entamée est une année consommée. Avec sa démission, et bien, Dato vient carrément d’ouvrir la boîte de Pandore !
Dans les mémoires, les lointains désistements de Nicéphore Soglo et de Me Adrien Houngbédji à la présidentielle de 2001 n’ont rien de comparable. Dans ce cas-ci, c’est un régulateur des institutions de la République, non content de siéger au sein de la Haute juridiction, qui balance un sérieux doute sur la conviction des sept sages.
En définitive, après 27 ans de renouveau, les serments montrent, de plus en plus, leurs limites. Notre système démocratique est suffisamment éprouvé. Malheureusement, plus que jamais, la Constitution du 11 décembre 1990 est au centre des débats. Sinon, imaginons que ça soit 4 conseillers qui démissionnent d’un coup. Il va sans dire que comme la justice ne devrait, en principe, jamais cesser de fonctionner, la Haute juridiction, garant de l’ordre constitutionnel, peut en arriver à un blocage, ne serait-ce que pour quelques heures. Pourtant, le jeu démocratique n’attend pas.
Par conséquent, les décideurs ont l’obligation morale d’être davantage regardants quant au choix des futurs conseillers devant siéger à la Cour constitutionnelle. Depuis cette fin de semaine mouvementée à la Cour, on aura compris qu’une fois encore, Obama a raison. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Cela suppose que le prochain couvent constitutionnel devra regorger non seulement de diplômés expérimentés mais surtout des sages capables de s’assumer et d’assumer les décisions prises au sein de l’institution.
Maintenant, quand on en vient à l’incontestable remarque que les Cours constitutionnelles de l’ère du renouveau démocratique ont moins souffert de polémique entre les mains des femmes, on est tenté de nous poser des questions sur l’intégrité de nos chers papas conseillers. Sinon, que retenir aujourd’hui de ce prestige de siéger à la Cour et de défendre la Constitution ? Tout simplement que les temps ont changé et que, pour un oui ou un non, la sagesse peut être facilement hors-jeu. Et c’est dommage !
Angelo DOSSOUMOU