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Ambassade du Bénin au Canada : L’expulsion comme ultime recours
Publié le lundi 12 fevrier 2018  |  Matin libre
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© Autre presse par DR
Le Bénin et le Canada discutent de coopération bilatérale
Le président béninois Patrice Talon et la ministre canadienne du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bideau, en visite au Bénin, ont discuté du renforcement des liens de coopération entre leurs pays.




Depuis près de trois mois, l’ambassade du Bénin près le Canada n’a plus d’ambassadeur. Le Titulaire de la charge M. Clément KIKI, professeur de collège, précédemment directeur d’un collège communal dans le Plateau au Bénin a été expulsé pour une affaire aggravée de mœurs. On peut s’interroger, à bon droit sur le fait qu’il ne soit pas jugé au Canada. Pour en savoir un peu plus, il convient de se référer à la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur l’immunité de juridiction (I) qui relance le débat sur le profil éthique des ambassadeurs (II).

I. COMMENT L’IMMUNITE COUVRE L’IMPUNITE

Il n’est pas nécessaire de rappeler les faits de mœurs qui ont contraint le gouvernement béninois à ne pas pouvoir rédiger le moindre communiqué laconique pour justifier la vacance de poste ambassadeur du Bénin au Canada. Toujours est-il que l’honneur du pays est saccagé, banalisé, descendu de son piédestal au Canada, pays avec lequel le Bénin entretient d’excellentes relations de coopération. Le moins qu’on puisse dire est qu’une procédure judiciaire a été initiée à l’encontre de l’ambassadeur du Bénin au Canada. C’est une affaire de mœurs qui vient fracasser le moral de la diplomatie béninoise qui tente laborieusement de mettre en ordre de baille les réseaux diplomatiques pour un souffle d’oxygène pour le Bénin révélé.

Malgré la gravité des faits reprochés au désormais ex-ambassadeur du Bénin au Canada, la plainte pourrait être purement et simplement classée. Le diplomate dispose en effet d'une immunité judiciaire totale. Selon la convention de Vienne de 1961, aucune poursuite en justice ne peut être engagée envers un membre d'une ambassade à l'étranger et ce, afin de protéger les agents diplomatiques contre les pressions que pourrait leur faire subir leur pays d’accueil (Etat accréditaire). Il n’y a en la matière que des exceptions très strictement délimitées. C’est l’article 5 de la convention qui énonce : « Un État jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l’immunité de juridiction devant les tribunaux d’un autre État, sous réserve des dispositions de la présente Convention. ». Les modalités pour donner effet à l’immunité des Etats sont clairement définies : « Un État donne effet à l’immunité des États prévue par l’article 5 en s’abstenant d’exercer sa juridiction dans une procédure devant ses tribunaux contre un autre État et, à cette fin, veille à ce que ses tribunaux établissent d’office que l’immunité de cet autre État prévue par l’article 5 est respectée. »

Il n'existe donc aucune possibilité d'exemption de cette règle. Le Canada peut bien demander au Bénin de lever cette immunité de l’ambassadeur, ce qu'il fait généralement dans ce type d'affaires, mais Cotonou n'a aucune obligation d'accepter. Le silence à double tour du gouvernement béninois en dit long. C’est donc en anticipant l’ultime recours, que l’ambassadeur s’est auto-expulsé. Il pourra donc tranquillement reprendre le cours de son existence dans son pays d'origine.

Ce n’est pas inédit. On sait que courant mai 2016 à Paris, une femme de 33 ans, a affirmé aux policiers entretenir avec l’ambassadeur du Quatar en France une "relation d'affaires", l'accusant de l'avoir agressée alors qu'elle se trouvait au domicile de cet homme. La suite, on la connaît, on lui a opposé que le diplomate est protégé par l’immunité. La pression de la France n’a abouti qu’à l’expulsion du diplomate.

II. LE NOUVEAU PROFIL ETHIQUE DE L’AMBASSADEUR

L’incident malheureux qui s’est produit au Canada relance le débat sur le profil éthique des ambassadeurs. La valeur intrinsèque d’une diplomatie réside dans la qualité des hommes chargés de l’animer. C’est dans le choix des hommes qu’on a une idée claire et distincte de ce qu’est l’orientation diplomatique de l’Etat. La diplomatie est un métier. Ce qui semble ne pas être la conception de ceux qui nomment n’importe quel quidam aux hautes fonctions de représentation de l’Etat à l’étranger. Aujourd’hui, pas plus qu’hier, on ne devient pas par hasard diplomate encore moins ambassadeur. Assumer la charge de son Etat à l’Etranger exige un ensemble de qualités et de compétences que la formation, la pratique et le temps devraient faire naître. Le tisserand des échanges entre les Etats doivent avoir le sens de la retenue et se tracer des lignes rouges. Autrement dit, un ambassadeur n’est pas tout aussi libre qu’un professeur de mathématique dans un collège rural. Tisser des relations suppose avoir une force de caractère. Représenter un Etat, c’est avoir une note excellente à l’issue d’une enquête indépendante de moralité. C’est une question de maturité. On pourrait bien se souvenir qu’au cours de l’année 2015, notamment, le jeudi 26 mars 2015, dans le cadre des activités de l’Association des Ambassadeurs et Ministres Plénipotentiaires du Bénin à la retraite, l’Ambassadeur Candide AHOUANSOU avait animé une ‘’Causerie sur la Conduite du Diplomate’’. Avant lui, le mardi 11 décembre 2007, l’Ambassadeur Pierre Dossou AGO, à l’époque Inspecteur Général des Affaires Etrangères, avait fait un exposé sur le ‘’Code d’Ethique, de Déontologie et Conduite du Diplomate de la République du Bénin’’. Ce sont autant de réflexions consignées que tout citoyen béninois désigné à cette fonction d’ambassadeur devrait prendre le plaisir de lire.

Pour l’avenir, après les acrobaties nocturnes pour se faire nommer ambassadeur, le ou les nouveaux titulaires de la charge devraient signer devant le chef de la diplomatie le code d’éthique du Diplomate. C’est essentiel.

TAUYE DE SAINT HERBERT
EDITORIALISTE
EXPERT EN DROIT INTERNATIONAL ET INSTITUTIONS DIPLOMATIQUES
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