Il se dresse majestueusement de part et d’autre de la voie, à l’entrée de la ville capitale du Bénin, deux chantiers de construction de bâtiments administratifs, devenus des « Eléphants blancs » depuis plusieurs années. Il s’agit pourtant, des sièges des institutions de la république. A droite celui de l’Assemblée nationale, deuxième institution de la république, logée depuis bientôt trois décennies dans les vieux locaux du Palais des Gouverneurs au quartier Oganla, et à gauche, celui de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la Communication (Haac). « Toutes les fois que l’Etat doit construire un bâtiment administratif, on réalise que cela ne se passe jamais bien… ». L’actuel Ministre d’Etat, Secrétaire général à la présidence de la République, Pascal Irénée Koupaki avait attiré ainsi l’attention de tous sur cette triste réalité lors de son point de presse hebdomadaire au terme du Conseil des Ministres du mercredi 04 Janvier 2017.Tous les espoirs étaient alors permis à l’avènement du régime du Nouveau Départ qui, au début de l’année nouvelle, semblait avoir pris la mesure de la tâche qui l’incombe pour ce qui concerne les chantiers de l’Etat abandonnés partout dans le pays.
D’où était-on parti ?
Le chantier de construction du siège de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication est une initiative du Gouvernement de feu Mathieu Kérékou pour permettre à l’institution de quitter les locaux privés d’une tiers personne et dont le coût continue de peser lourdement sur le budget de l’Etat. Ainsi, le coût des travaux préalablement estimé à 02 milliards de francs Cfa est passé entre temps à 4,7 milliards Fcfa à l’issue d’un appel d’offres lancé en Juillet 2004. Lesdits travaux avaient effectivement pris corps en 2005 mais ont été abandonnés trois ans plus tard, précisément en Septembre 2008, pour « défaut de financement complémentaire », selon les explications du Ministre d’Etat, Pascal Koupaki. Le rêve du gouvernement d’alors venait ainsi d’être brisé. Le projet est resté aux arrêts pendant les dix ans du régime du Président Boni Yayi. Triste, n’est-ce pas ? Douze années sont passées, et le chantier du siège de la Haac qui a reçu le premier coup de pioche en 2005, est toujours encadré au bord de la lagune de Porto-Novo par des feuilles de tôle en face de celui de l’institution parlementaire dont on ne connait le sort depuis 2008.
Une lueur d’espoir à l’avènement du Gouvernement Talon
A l’avènement du régime du Nouveau Départ et de la Rupture, une lueur d’espoir s’était pointée à l’horizon, au regard de l’engagement manifeste du Président Patrice Talon et de son gouvernement de faire renaitre des cendres, les nombreux chantiers abandonnés çà et là juste après la pose des premières pierres par le régime défunt. Mais cet espoir s’estompe ! En effet, depuis l’annonce, lors du premier Conseil des Ministres de l’année 2017, de la relance du chantier de construction du siège de la Haac à Porto-Novo, plus rien ne résonne, à moins que ce ne soit sur les papiers. Le gouvernement, après validation du Rapport de l’expertise technique commanditée sur le chantier, avait fait remarquer que les fondations étaient de bonne qualité et qu’il fallait encore près de 6,8 milliards de francs Cfa pour l’achèvement des travaux. Soit 3,8 milliards de francs Cfa pour les travaux restants et près de 03 milliards FCfa pour les propositions d’amélioration de l’ouvrage. A tout ceci, il faut ajouter les frais liés à l’immobilisation du matériel, aux intérêts bancaires et au règlement des éventuels contentieux. L’Exécutif avait alors décidé de négocier la résiliation des contrats avec les entreprises en charge des travaux.
La rupture annoncée des contrats, où en est-on ?
Un an après l’annonce de la relance du chantier, où en est-on ? Le séjour des services de l’organe de régulation de la presse béninoise dans des locaux privés à Cotonou, continue de peser sur le budget national. Le gouvernement du Président Talon qui avait déclaré avoir instruit le Ministre de la Justice et de la Législation et son collègue du Cadre de Vie et du développement durable, en liaison avec l’Agent Judiciaire du Trésor, aux fins de négocier « à l’amiable » la rupture des contrats en cours, a-t-il rebroussé chemin ? Il s’agit bien entendu des contrats liant les entreprises en charge des travaux avec l’Etat dans le cadre de ce projet. Et à en croire le Ministre d’Etat Pascal Koupaki, la rupture desdits contrats est un pas décisif car elle devrait permettre à l’Exécutif de relancer les travaux de construction sur de nouvelles bases : confier lesdits travaux à un privé sélectionné après appel d’offres et qui serait en mesure de trouver les financements complémentaires qui faisaient défaut (6,8 milliardsFCFA) en vue de la poursuite et de l’achèvement des travaux en mode BOT. Le BOT, faut-il le rappeler, est un système anglophone qui, selon les experts, consiste à sélectionner une entreprise privée qui va se charger de construire un édifice, se faire payer par les loyers et le transférer ensuite à l’Etat. C’est un mécanisme pour lequel opte le gouvernement actuel, selon le Ministre d’Etat Koupaki et qui devrait permettre d’amoindrir les dépenses publiques pour le bail de bâtiments qui coûte à l’Etat près de 10 milliards par an. On est donc en droit de se demander ce qu’il en est de la sélection par appel d’offre ouvert d’un partenaire privé pour la reprise et l’achèvement des travaux dans le cadre d’un BOT. Les Ministres du Cadre de vie et de l’Economie et des Finances ayant été instruits dans ce sens depuis le 04 janvier 2017. Où en sont-ils ? Un tour sur le site, coté Nord-ouest de Porto-Novo et c’est la désolation totale. Totalement rempli d’herbes avec de petites pistes tracées qui y donnent accès, le site devant abriter le siège de la Haac depuis 2008, sert désormais d’abri pour les reptiles et de magasin pour les riverains commerçants d’essence. Les deux êtres vivants se côtoient nuits et jours aussi bien pour leur besoin alimentaire que fécal. Les engins de l’entreprise Ofmas International y sont abandonnés aux intempéries. Nous y reviendrons !
Germin DJIMIDO