Il est bien loin le temps des vaches grasses. Ils ont le visage triste et fermé, les nostalgiques de cette époque pas très lointaine, où n’importe quel quidam pompeusement baptisé « artiste », pouvait prendre sa part du gâteau au Fonds d’aide à la culture. Pour ce faire, il suffisait juste de déposer un projet culturel, de dénicher un parrain influent dans le milieu pour s’attirer les faveurs des décideurs de ce Fonds qui aura fait, en un peu plus d’une décennie, une série d’heureux. Initialement fixée à quelques centaines de millions, la cagnotte réservée à cette structure a évolué vertigineusement pour se stabiliser ces dernières années à 5 milliards. Débonnaire devant l’Eternel, Boni Yayi a été vraiment généreux envers les animateurs du monde artistique. A tour de bras, ils se sont servis. Mais au bout du rouleau, le Bénin n’a pas décollé d’un iota sur le plan culturel à l’échelle internationale.
C’est évident que les multiples projets financés aux dépens du contribuable pendant toutes ces années n’avaient rien de pertinent. Sinon, comment comprendre qu’après avoir investi autant de milliards, que le Bénin reste inconnu au bataillon sur le plan culturel dans la sous-région ? A part quelques-uns qui tiennent la dragée haute, nos artistes chanteurs sont de parfaits inconnus sous d’autres cieux. Quant au théâtre et à la danse, les résultats sont tout autant mitigés. Il est vrai que le ballet national fait sensation lors de ses déplacements à travers le monde. Mais cela ne suffit pas pour révéler le Bénin dans ses aspects culturels et cultuels. Des projets épars, hétéroclites, financés à la tête du client ne peuvent pas remplacer une vraie politique culturelle conçue par les experts. La preuve, après toutes ces années, il n’y a rien à se mettre sous la dent.
Décidé à inverser le cours des choses, le gouvernement, une fois de plus, a opéré des réformes dans le secteur. Hier en conseil des ministres, le nouveau décret sur le Fonds d’aide à la culture et aux loisirs a été validé. Ayant constaté que les nombreux dysfonctionnements observés au niveau de ce Fonds « l’ont dépouillé de toute efficacité par rapport à sa version originelle », le gouvernement a décidé de « mettre fin à cette perception erronée de l’Etat vache à lait ». Ainsi que l’a souligné le compte-rendu du Conseil des ministres, la version améliorée du « Fonds des arts et de la culture a pour vocation de jouer un rôle de premier plan dans la promotion des arts et de la culture de notre pays, avec professionnalisme, transparence et équité ». Et pour ce faire, la taille du Conseil d’administration a été réduite de 15 à 7 membres avec en prime « un fonds de bonification, l’appui à la production et à la promotion des artistes et le soutien à la diffusion des œuvres par les médias nationaux et internationaux ».
C’est bien beau que le gouvernement décide d’assainir un milieu où la corruption, le népotisme et l’inefficacité avaient pignon sur rue. Au-delà de la bonne gouvernance administrative et de l’orthodoxie financière, le véritable but recherché doit être la promotion de la culture béninoise à l’international. Les pays qui réussissent cet exploit ne sont pas mieux lotis que nous. A un moment donné, ils ont pris la bonne décision et accompagné les artistes, les vrais, les talentueux. Mais au Bénin, il y a plus de crieurs publics, de vendeurs d’illusions, de rêveurs que des créateurs authentiques des œuvres de l’esprit. Réorganiser le fonds, c’est bien. Veiller à la bonne utilisation des ressources est aussi bien. Mais ce serait mieux si nos artistes qui en valent la peine passent par ce biais pour bénéficier d’une bonne visibilité hors de nos frontières. C’est en atteignant cet objectif phare que le gouvernement aura vraiment démontré sa capacité à œuvrer pour la promotion de l’intérêt général.
Moïse DOSSOUMOU