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Non désignation des députés du Cos-Lépi par l’Assemblée nationale : « Indignez-vous », lance Victor Topanou
Publié le jeudi 22 fevrier 2018  |  Matin libre
Victore
© aCotonou.com par CODIAS
Victore Tokpanou, lors de la Rencontre régionale des partis progressistes de la CEDEAO
Cotonou, 31 octobre 2015.Le parti social-démocrate du Bénin organise ce matin à Azalai Hotel de Cotonou une rencontre régionale des partis progressistes de la CEDEAO sur le thème : `` les crises politiques et sécuritaire en Afrique de l`Ouest vers une conscience collective des progressistes".




(Lire son opinion)

Une raison suffisante de s’indigner
Par Topanou Prudent Victor
Maître de conférences de Science politique
Ancien Garde des Sceaux

Si l’Abbé Alphonse QUENUM avait été en vie, il aurait certainement parlé de « régression dangereuse, d’appauvrissement préjudiciable et de descente subtile vers une dictature programmée ». Cette formule qui continue de résonner dans les esprits et dans les mémoires nous appelle à la vigilance, à la veille citoyenne permanente ; elle pousse aussi à la l’engagement social et à la responsabilité individuelle au service du collectif.

Dès lors, comment peut-on rester insensible à certaines dérives sans que l’on ne parle d’insensibilité coupable ? Comment se taire quand tout se dégrade autour de soi sans que l’on ne parle de silence coupable ? Comment faire semblant de ne pas voir et de ne pas savoir quand au nez et à la barbe de tous, des actes sont posés et des propos sont tenus tendant tous en la remise en cause préjudiciable du destin commun sans que l’on ne parle d’attitude coupable ?

Quelle que soit la sympathie ou l’antipathie que l’on peut avoir pour un homme, le Président de la République et pour le système qu’il incarne, il y a des critiques objectives que l’on ne peut pas ne pas faire dans l’intérêt commun, certains diraient « dans l’intérêt supérieur de la Nation », pour autant qu’il en existe une au Bénin. Pour notre part, quelle que soit la définition savante que l’on peut donner du mot « Nation », nous soutenons que le Bénin constitue une Nation par le seul fait que tous les Béninois ont conscience qu’ils n’ont qu’un seul bien en partage, le Bénin et qu’il faut le construire ensemble, sans exclusion, et surtout, qu’il faut éviter qu’il sombre dans le chaos, le chaos de la guerre qui obligerait ses filles et ses fils à fuir et à s’installer ailleurs. Cette conscience partagée que « l’on est toujours mieux chez soi », d’appartenir à un même pays et d’y avoir un destin commun est ce que nous appelons « la conscience nationale », l’appartenance à une même Nation, pour autant que la Nation se développe et se construit dans le cadre géographique d’un même pays.

C’est ce sentiment national et patriotique qui pousse à s’indigner de cette attitude méprisante de l’Assemblée Nationale vis-à-vis de la Cour constitutionnelle (I) dont les conséquences politiques et sociales imprévisibles seront préjudiciables à notre jeune démocratie (II).

I / Une attitude méprisante du Législatif

Le contenu de la Décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 est très clair sur la responsabilité des Députés. Et ne pas respecter cette décision autorise à conclure à l’irresponsabilité individuelle de nos Députés. En effet, cette décision fait suite à la saisine de la Cour constitutionnelle en Septembre 2017 par deux citoyens pour dénoncer la non désignation par l’Assemblée Nationale des membres du Conseil d’Orientation et de Supervision de la Liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI). C’est la loi 2013-06 du 25 novembre 2013 plusieurs fois modifiée portant Code électoral en République du Bénin en son article 220 qui précise, d’une part, que « l’élection en République du Bénin a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée » et, d’autre part, que cette liste doit être actualisée tous les ans entre le 1er octobre et le 31 décembre. Elle précise aussi que le COS-LEPI est composé de onze (11) membres désignés comme suit :

- Cinq (5) députés désignés par la majorité parlementaire ;
- Quatre (4) députés désignés par l’opposition parlementaire ;
- Du Directeur général de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE) ;
- Du Directeur du service national en charge de l’Etat civil.

Elle précise enfin que les députés sont désignés chaque année pendant la période de mise à jour à savoir du 1er juillet au 31 janvier. Après analyse des recours, la Cour rappelle ce qui suit :

- Conformément à l’article 184, « …la carte d’électeur est valable jusqu’au terme de validité de la liste électorale permanente informatisée qui est de dix ans » ;
- La LEPI ayant été établie en 2011, elle n’expirera qu’en 2021,
- Ces dispositions n’ont été ni modifiées ni abrogées par aucune autre disposition légale, ce qui veut dire qu’elles sont toujours en vigueur.

En conséquence de quoi, la Cour décide :

- Article 1er : L’Assemblée nationale doit procéder au plus tard le 21 décembre 2017, à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI.
- Article 2 : Le COS-LEPI doit être installé au plus tard le 29 décembre 2017 par la Cour constitutionnelle
- Article 3 : La mission du COS-LEPI prend impérativement fin le 30 juin 2018.

Nous sommes aujourd’hui en Février 2018 et l’Assemblée n’a toujours pas désigné ses membres conformément à cette décision. Elle s’y refuse obstinément. Et pourtant, l’article 124 de la Constitution dispose que :

- Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours ;

- Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles.

Le système démocratique est fondé sur la responsabilité individuelle des acteurs. Lorsqu’on établit des systèmes juridictionnels de dernier recours, on part de l’idée qu’en toute responsabilité, les acteurs acceptent de se soumettre aux décisions de ces juridictions. Et tant qu’ils le font, le système tourne bien mais dès l’instant où certains acteurs décident de ne plus se soumettre à leurs décisions, tout devient possible, y compris et surtout le pire. Si les pouvoirs publics refusent de se plier aux décisions de la Cour constitutionnelle qu’en sera-t-il des autorités civiles, militaires et juridictionnelles ? Dès lors, la question qui revient sur toutes les lèvres, c’est de savoir ce qui adviendra quand les décisions de la Cour ne seront plus respectées. Beaucoup y voient les limites de la Constitution : il n’en est rien ; il vaut mieux y voir l’irresponsabilité des acteurs.

II / Les conséquences imprévisibles et préjudiciables

Ne pas respecter les décisions de la Cour Constitutionnelle, c’est ouvrir la boîte de pandore qui va conduire inexorablement vers une crise institutionnelle, politique et démocratique majeure. Ne pas respecter les décisions de la Cour constitutionnelle, c’est une remise en cause de l’État de droit, entendu comme l’État dans lequel le droit s’applique aussi bien aux citoyens qu’à l’État et à ses organes. Certes, l’Exécutif a, par le passé, superbement ignoré des décisions de la Cour constitutionnelle, notamment la Décision DCC 17-057 du 9 mars 2017 relative à la violation de l’article 1er alinéa 2 sur la représentation graphique du drapeau national. Mais sans accréditer l’idée selon laquelle certaines décisions de la Cour constitutionnelle seraient plus importantes que d’autres, il n’est pas superfétatoire d’affirmer que toutes les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont pas de portée égale pour la démocratie. En refusant d’appliquer la Décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, on touche sans conteste à un aspect très sensible dans toutes les démocraties à savoir, la question de la liste électorale et partant des élections. Et déjà, les spéculations vont bon train : pour beaucoup, c’est le Bloc de la Majorité Parlementaire (BMP), en parfaite intelligence avec le Gouvernement, qui aurait décidé de ne pas installer le COS-LEPI afin d’aller aux prochaines élections avec le RAVIP, en toute violation de la loi. Si cela se confirmait, il s’agira d’une violation du « principe de consensus entre les acteurs » qui prévaut en matière électorale et qui est consacré aussi bien par les conventions internationales, les lois électorales que les jurisprudences constantes de la Cour constitutionnelle. Car le RAVIP aura été confectionnée par les seuls gouvernants avec un opérateur technique plus que douteux, SAFRAN, dont la mauvaise réputation est établie. Si cela se confirmait, il faudrait s’en indigner. Et c’est pour ne pas en arriver à une crise électorale majeure aux conséquences dramatiques que la seule chose à faire aujourd’hui, c’est que les citoyens s’en indignent et le fassent savoir sur toute l’étendue du territoire national, du nord au sud et de l’est à l’ouest.

Indignez-vous !!!
Avant qu’il ne soit trop tard !!!
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