Sceptiques sur la conversion du président Mathieu Kérékou en démocrate, les Béninois découvrent et se convainquent jour après jour, à travers ses actes politiques post-révolutionnaires de sa mue.
Son premier mérite est d’avoir laissé très habilement dans la mémoire collective l’image d’un leader politique qui fait sienne la voix du peuple, en acceptant contre toute attente, le 28 février 1990, les conclusions de l’historique Conférence des forces vives de la nation. Emus, les Béninois saluent ce ‘’fiat’’ démocratique par une clameur de libération dont l’écho retentit sur tout le continent noir et dans le monde.
La preuve, lors de son discours de la Baule, en 1990, le président François Mitterrand salue l’édifiante mutation politique au Bénin et encourage le continent africain à emboîter le pas au Bénin.
Son autre coup d’éclat fut son coup de balai du 1er mars 1990. Il surprend à nouveau ses compatriotes et dissout, en vertu des conclusions de la Conférence des forces vives de la nation, l’Assemblée nationale révolutionnaire puis contraint tous ses ministres à une démission collective. Cette mue inattendue déconcerte plus d’un.
En avril 1991, il va plus loin dans la pratique démocratique. Il prouve sa bonne foi à respecter les règles du jeu en acceptant le verdict des urnes et laisse le pouvoir au président élu, Nicéphore D. Soglo. Il se retire dans sa résidence ‘’Les filaos’’ et se refuse à se mêler de la politique, malgré les invectives de son successeur outré par sa gouvernance économique.
Son silence poussera les déçus du régime Soglo à aller le chercher pour faire de lui leur candidat à la présidentielle de 1996. Elu par la voie des urnes, le président Mathieu Kérékou, ancien dictateur, s’emploie à respecter le jeu démocratique.
Durant ses deux mandats de 1996 à 2006, le président Kérékou a respecté de manière stricte la séparation des pouvoirs et les libertés fondamentales. Selon les rapports de Reporter sans frontières de cette période, le Bénin sous ses deux mandats s’est illustré en matière de liberté de presse. Il a été deuxième au niveau africain et classé parmi les meilleurs sur le plan mondial alors qu’il vient de commencer la démocratie. Un résultat qu’aucune jeune démocratie africaine n’a obtenu. Au contraire, pendant que le Bénin affiche une certaine maturité, ces jeunes démocraties s’illustrent par leurs balbutiements, une alternance difficile, le non-respect des règles du jeu, les modifications opportunistes de Constitution.
Contrairement à d'autres chefs d'État africains, sous la pression des médias, des intellectuels et de l'opinion publique, Kérékou n'a pas pu modifier les dispositions de la Constitution relatives à la limite d'âge pour briguer la magistrature suprême et à la limitation du nombre de mandats à deux.
Après deux mandats, il passe le témoin à l’élu du peuple, Boni Yayi. Il se retire dans sa résidence privée dans la Zopa (commune d’Abomey-Calavi), s’abstient de s’afficher politiquement jusqu’à son dernier jour.
On garde également de lui l’image d’un homme d’Etat stoïque lorsqu’il a refusé à ses gardes du corps de tirer sur ceux qui le lynchaient mais a préféré se réfugier à l’église la plus proche pour contraindre ses assaillants à lâcher leurs pierres.
Cet itinéraire politique a poussé son successeur, Boni Yayi à lui offrir après sa mort les funérailles dignes d’un homme de sa trempe. Mieux, il n'a pas hésité à lui faire donation de sa résidence des trois banques à Cotonou et à donner son nom au stade de l’Amitié de Kouhounou?
Ange Joël TOFFOUN