Ils appartiennent tous désormais à l’opposition mais ils n’y sont pas pour les mêmes motifs. Les hommes politiques, opposants originels ou reconvertis ont des lignes idéologiques fondamentalement différentes. Désormais engagés à faire chemin ensemble, quel sera leur discours pour convaincre les électeurs en 2019 ?
La politique au Bénin est le jeu des alliances. Les plus avisés diront que c’est le jeu des additions. La logique du rejet ou de l’adversité éternelle n’a pas droit de cité dans le champ politique où les amitiés se font, se défont et se refont. Il est du domaine du possible ce qui peut relever de l’impossible. Il est donc normal que des adversaires farouches d’hier se retrouvent, échangent et même sympathisent. La pratique relève du naturel pour la classe politique béninoise qui a cette facilité à panser aussi rapidement ses plaies, à taire si facilement ses divergences même historiques. On ne devra donc pas se surprendre de constater dans le camp de l’opposition des rapprochements contre nature.
Ceci n’est pas à exclure et il semble même que c’est une exigence. Les élections législatives sont celles des positionnements, mais aussi des ensembles. Il ne s’agit pas d’un Chef de l’Etat à élire comme pour les élections présidentielles, mais de 83 députés à élire. Pour gagner, il faut forcément évoluer ensemble. L’autre argument qui milite en faveur de cette nécessité d’ensemble, c’est le nouveau contrat proposé dans le cadre de la réforme du système partisan. Ce pacte pose comme préalable la nécessité d’avoir de grands partis. Tout ceci convie les acteurs en présence à s’inscrire dans une démarche d’ensemble pour gagner les joutes. C’est tout l’intérêt et la difficulté au niveau de l’opposition.
Des acteurs au passé conflictuel, des rapprochements compliqués
Un petit coup d’œil dans le retroviseur et on identifie 4 chefs de file de l’opposition. L’ancien Ministre de la défense et Président du parti Restaurer l’Espoir, Candide Azannaï, les anciens présidents de la République, Yayi Boni et Nicéphore Soglo et le candidat malheureux aux élections présidentielles Sébastien Ajavon. L’évocation de ces noms peut faire frémir les plus confiants. Sur papier comme le disent les commentateurs sportifs, l’équipe « opposition » part favorite, mais dans le fond, ceci ressemble bien à une vue de l’esprit. En réalité, la première difficulté c’est d’abord celle de l’acceptation. Les hommes en présence ont des passés antagonistes difficilement conciliables. En réalité, il ne s’agit pas seulement de divergences historiques, mais beaucoup plus de divergences d’approches et d’idéologies. Le premier rapprochement un peu complexe à explorer, c’est celui qui lie l’ancien Chef de l’Etat Yayi Boni à Candide Azannaï. Il faut déjà souligner que le second personnage est d’abord un pur produit du Nouveau départ avant de se démarquer. On réalise donc qu’en l’état, il s’agit d’un acteur politique qui épouse d’une manière ou d’une autre la nécessité de rompre avec les pratiques anciennes prônées par son désormais alter égo Yayi Boni. Il est dans le fond un artisan de la rupture même si sur certains aspects, il ne partage plus la ligne de la gouvernance actuelle.
Et lorsqu’on questionne très bien le passé de ce personnage, on découvre qu’il a été l’artisan central de l’avènement de Patrice Talon au pouvoir. Et combattu férocement son associé d’aujourd’hui. S’il faudra se baser sur des considérations d’ordre purement idéologique, les deux personnages, même s’ils doivent par pure real politique se mettre ensemble, auront des divergences profondes qui pourront bien émousser les projets d’ensemble. L’autre duo difficile, c’est Nicéphore Soglo-Yayi Boni. Opposant déclaré pendant les dix ans du régime (même un de ses fils a toujours été un allié de taille du régime Yayi), Nicéphore Soglo a eu une position assez dure par rapport à la gestion de l’ancien Président de la République. Il a été davantage frontal quand il a plu à celui-ci de désigner Lionel Zinsou comme Candidat aux élections de 2016. Ce sont donc deux personnages aux approches contraires qui seront amenés à fonctionner ensemble. Idem pour le duo Azannaï-Ajavon qui est aussi difficile à faire fonctionner. S’agira-t-il des rapprochements de façade à l’instar de l’opposition de 2011 ou un vrai nouveau départ ? Si oui, quel discours pourra prospérer avec des acteurs tout aussi opposés? Le temps édifiera.
AT