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Bénin – Patrice Talon : le vernis craque
Publié le lundi 5 mars 2018  |  Autre presse
Arrivée
© Présidence par DR
Arrivée du Président Talon à addis abeba pour le 30ème AUsummit
Arrivée du Président de la République, Son Excellence Monsieur Patrice Talon, à l`aéroport International d`Addis-Abéba (ETHIOPIE), où il prendra part du 27 au 29 janvier 2018 aux travaux de la 30ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine.




Quand il entrait dans ses fonctions présidentielles il y a presque deux ans, Patrice Talon avait suscité un grand espoir. Deux ans après, le président béninois doit défendre sa gouvernance controversée.

D’habitude taciturne, avec très peu de déplacements sur le sur terrain, Patrice Talon ouvre ces derniers jours les portes du Palais de la Présidence à plusieurs acteurs de la société civile. Syndicalistes, dignitaires religieux, femmes commerçantes dans les marchés du pays sont désormais les bienvenus au Palais. C’est le moment des grands fora animés par le Président (himself !), micro en main, tel un orateur qui peine à convaincre. Des audiences abondamment diffusées sur la télévision publique et relayées avec empressement sur les réseaux sociaux par les partisans du Chef de l’Etat. Enfilant le manteau de réformateur, Patrice Talon met en œuvre des réformes au pas de charge, aux finalités peut-être pertinentes mais qui manquent cruellement de méthode. Face au mécontentement généralisé, il brise le silence.

Mains dures, mais inefficaces. Les Béninois, en choisissant Patrice Talon en mars 2016, ont été certainement séduits par le discours du candidat malgré un parcours d’homme d’affaires tortueux. Le candidat avait promis la restauration de l’Etat de droit et n’avait pas hésité à qualifier « d’Etat voyou » le pouvoir de Boni Yayi. Deux ans après, que vaut la parole de l’Etat béninois sous Talon, le président de la République ? Dans le cycle de négociations entre les différents syndicats et le gouvernement béninois, c’est le statu quo. Le dialogue social est au point mort et les grèves s’enchaînent dans les sous-secteurs de la justice, de la santé et de l’éducation.

La semaine dernière, la menace de la défalcation sur salaire des fonctionnaires pour fait de grève n’a rien arrangé. Les syndicalistes sont arc-boutés sur leurs positions et dénoncent un chantage « irresponsable » du gouvernement alors que le ministre en charge de la justice trouve des fondements juridiques pour justifier l’illégalité des grèves. « Patrice Talon est quelqu’un qui veut rapidement des résultats. Ça c’est l’esprit du secteur privé ! Mais quand on est au sommet de l’Etat, il faut accepter d’aller au rythme des exigences du dialogue social. Le Président a intérêt à être plus conciliant. Il dégage l’image d’un réformateur jusqu’au-boutiste et c’est mauvais… Un président ne se radicalise pas. Il écoute, explique et fait avancer le pays. », confie un ancien ministre de Patrice Talon qui a gardé des relations « cordiales » avec lui.

Cette radicalisation du mouvement des syndicalistes, notamment des fonctionnaires de la justice démontre les insuffisances du dialogue social au Bénin. Si tous les prédécesseurs de Patrice Talon ont été confrontés à la fronde sociale, c’est l’attitude qui fait la différence. En suscitant le vote d’une loi visant l’interdiction de la grève dans le sous-secteur de la justice et qui a été finalement retoquée par la Cour Constitutionnelle, le gouvernement de Patrice a montré un mauvais signal qui brouille ses messages envers le monde syndical. « Patrice Talon pense que c’est une perte de temps quand il doit discuter avec les syndicalistes. Eh ben, c’est son problème… Négocier avec nous fait partie aussi du job de Président de la République », indique un ancien responsable syndical. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, Patrice Talon s’était pourtant appuyé quelques caciques du monde syndical béninois. Comment expliquer ce désamour ? « Il est naturel que les syndicalistes se penchent du côté de celui qui est persécuté. Talon n’a jamais rémunéré notre engagement en faveur de la justice dans ce pays. Mais il est clair que si nous savions qu’il avait ce mépris pour les syndicalistes, il aurait eu peu de sympathie de notre part », complète notre interlocuteur.

Quand il y a un flou, il y a un loup. L’une des promesses de campagne de Patrice Talon était la bonne gouvernance et la transparence dans les dépenses publiques. Une promesse brutalement oubliée quelques semaines seulement après son entrée en fonction. Une série de conseils des ministres autorise le règlement de plusieurs « dettes » aux sociétés appartenant au Président de la République et à ses associés d’affaires. Pire ou mieux (?!), en 2017, son Groupe, à travers l’entreprise Bénin Contrôle, reprend une partie des activités du Port Autonome de Cotonou, poumon économique du pays. Des actes qui font dire aux opposants que « Talon est venu au pouvoir pour renforcer ses intérêts économiques ». Du côté du gouvernement, on rappelle trivialement que le Président a quitté les affaires.

Cette attitude vient renforcer une rumeur très persistante sur les salaires « mirobolants » des membres du gouvernement. Certains ministres seraient payés à plus de 20.000 Euros par mois. Des rumeurs démenties par des proches du gouvernement sans la publication des rémunérations des ministres. Comme quoi, la transparence se limite aux portes du gouvernement. Dans ce contexte, comment convaincre sur la sincérité d’un gouvernement qui demande aux travailleurs de faire des efforts dans le cadre des réformes d’austérité ? A l’épreuve du pouvoir, le président béninois a-t-il déjà renié ses engagements de campagne sur la transparence des dépenses publiques ?

A 3 ans de la fin de son quinquennat, Patrice Talon qui avait promis de ne pas briguer un second mandat a encore la possibilité de laisser de bonnes traces dans l’histoire de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest. Modèle de démocratie sur le continent, le Bénin traverse une tension politique qui pourrait s’intensifier. En effet, un gros nuage plane sur l’organisation des prochaines législatives prévues au premier trimestre 2019. La décision de la Cour Constitutionnelle sur la désignation des membres du Conseil d’orientation et de supervision (Cos-Lépi) par l’Assemblée Nationale est restée sans suite, alors que le gouvernement accélère son RAVIP (Recensement Administratif à Vocation d’Identification de la Population).
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