Entre le fait de la grève et l'abandon de service il y a une grande différence. Le régime de la grève confère au travailleur et à un groupe de travailleurs préoccupés par un problème professionnel ou des problèmes, le droit de manifester leur mécontentement.
L'expression ou la manifestation du mécontentement peut se traduire par la cessation concertée et de façon unilatérale du travail. C'est un des moyens légaux pour le travailleur pris individuellement comme pour l'ensemble des autres travailleurs mécontents de se faire entendre dans le respect des normes établies. Un tel comportement n'est donc pas le fait d'un abandon de service car ce sont les normes établies en la matière qui le définissent ainsi. C'est l'expression de la liberté du travailleur pour défendre ses droits.
L'abandon de service a aussi son régime juridique. Les normes le définissent par l'absence du travailleur sans autorisation préalable et de façon injustifiée. Ce qui suppose que, en cas d'absence sans autorisation préalable le travailleur a le devoir de se justifier avec les preuves nécessaires.
Il est évident que grève et abandon ne peuvent pas être confondus.
Dans le contexte des mouvements de grève en cours dans la Fonction publique, qu'il s'agisse des grèves sectorielles ou nationales, des motions ont été déposées dans le respect des procédures en la matière comme préavis. Pendant le préavis de grève, le champ est ouvert pour les négociations afin de prévenir la grève. Naturellement c'est l’autorité concernée par la grève qui a l'initiative des négociations. Malheureusement dans le cas d'espèce, le gouvernement qui est le premier concerné n'a voulu prendre aucune initiative de négociation, et s'est contenté des rencontres programmées de la Commission nationale Gouvernement/Confédérations et Centrales.
C'est le dialogue social bureautique axé sur la gestion des crises sociales plutôt que leur prévention. Le gouvernement et son chef sont tombés ainsi dans leur propre piège en ne réagissant pas pour calmer la situation, et ce, contrairement à ce qu’aurait dû faire un gouvernement qui a à cœur le social, soucieux de la préservation de la paix. Pire, et les gouvernants actuels ne peuvent pas comprendre, l'explosion de mouvements de grèves est un indicateur d'échec pour les gouvernants eux-mêmes en matière de dialogue social.
En définitive, au lieu que le gouvernement cherche des pierres à jeter aux travailleurs en grève, il doit revoir sa méthode de gestion du dialogue social et adopter une vision claire, sans état d'âme. La première réforme du gouvernement qu'est la Charte nationale du dialogue social est mise à mal par le non-respect des engagements qu'il a lui-même pris et stipulés dans les dispositions de l'article 6 de ladite Charte comme suit:
1. consulter les organisations syndicales des employeurs et des travailleurs sur tout projet de réforme ou de programme de développement tant dans leur conception que dans leur mise en œuvre; 2.garantir l'exercice du droit syndical et ne porter atteinte au droit de grève en estimant son caractère licite ou illicite qui relève de l'appréciation du juge.
Au vu de tout ce qui précède, s'il y'a une partie qui jette de la gazoline sur le feu, c'est le gouvernement. Pire, on enregistre des menaces et des arrestations des leaders syndicaux sous des prétextes fallacieux. Nous pouvons éviter le pire, c'est pourquoi les organisations des travailleurs depuis le début du conflit sont restées dans la logique du dialogue.
C'est pourquoi face à l'aveu du gouvernement selon lequel la situation de la trésorerie du pays ne peut supporter guère la mise en œuvre des statuts particuliers des enseignants des deux ordres d'enseignement, les centrales et confédérations syndicales ont complètement révisé à la baisse leurs revendications au minimum pour une valeur globale de un milliard huit cent millions de francs par an, soit cent cinquante millions de francs par mois pour 55000 enseignants, ce qui équivaut à dix mois de salaire d'un ministre.
Il est temps et grand temps que les idéologues et les faucons autour du Chef de l'État sachent que les enseignants ne demandent pas le croissant de 800FCfa, mais 200 FCfa seulement pour prendre la bouillie de maïs sans sucre. Vouloir les faire vivre en dessous du minimum social commun serait criminel.
Nous sommes prêts à reprendre le dialogue si et seulement si les défalcations sur les salaires sont restituées.
Sinon, nous boirons le calice jusqu'à la lie.
Emmanuel Zounon
Secrétaire général de l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb)