On avait annoncé la rencontre d'hier mardi entre le gouvernement et les responsables syndicaux comme celle de la dernière chance, censée libérer l’école et l’administration publique de l’emprise de la grève. Ce mardi 13 mars à l’Infosec de Cotonou, des concessions ont été faites par le gouvernement qui s’est montré disposé à obtenir la fin du débrayage. De leur côté, les représentants des travailleurs promettent d’aviser après consultation leur base.
Le bout du tunnel de la fronde sociale semble être proche, au regard des conclusions des échanges, hier, entre plusieurs ministres du gouvernement sous la houlette du ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané et les responsables des confédérations et centrales syndicales. Pourtant, la séance a failli ne pas se tenir. Des travailleurs « venus de la base » ont interdit, du moins ont tenté d’interdire l’accès à la salle aux membres du gouvernement. Pour eux, « sans rétrocession des salaires, pas de négociations ». Mais leur bourde n’ira pas loin. Ils se sont heurtés à un détachement de la Police républicaine venu rétablir l’ordre. Le round d’observation a duré un moment. Policiers armés et prêts à dégainer ont patienté un bon moment face à des travailleurs micros, tam-tams et castagnettes en mains, assurant une animation aux slogans hostiles au chef de l’Etat et à ses ministres.
Joseph Djogbénou et Adidjathou Mathys étaient particulièrement visés. Le spectacle va durer un moment. Le temps pour le directeur général de la Police républicaine de faire un tour sur les lieux pour tenter de faire entendre raison aux manifestants et les inviter à protester dans la rue. « Tant que nous serons là, les secrétaires généraux ne négocieront pas », lancent-ils. La phrase de trop sans doute, qui a obligé le patron de la Police républicaine, le général Nazaire Hounnonkpè, à leur expliquer que « ce cadre n’est pas approprié pour une telle revendication ». Il n’en dira pas plus, avant de demander au détachement policier d’instaurer l’ordre et la quiétude. En deux secondes, l’Infosec qui s’animait tel un marché populaire s’est vidé de ses invités encombrants. A pas rassurés, les membres du gouvernement franchissent le seuil de la porte d’entrée de la grande salle de l’Infosec. Les discussions peuvent commencer.
Quatre heures de discussions à huis clos
Membres du gouvernement et responsables syndicaux se sont parlé à huis clos. Kakpo Mahougnon, Gaston Dossouhoui, Adidjathou Mathys, Alassane Séïdou, Marie-Odile Attanasso et le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané devraient obtenir des travailleurs l’arrêt de leur mouvement de débrayage. Tâche difficile dans le contexte actuel où les défalcations opérées sur les salaires des grévistes ont fait monter la tension d’un cran. Les représentants des travailleurs feront d’ailleurs de cette préoccupation une question préjudicielle. « Sans rétrocession des défalcations, pas de négociations ». C’était le mot d’ordre à l’entame des échanges, nous ont confié des sources. Mais le gouvernement a fini par obtenir un arrangement. « Ils ont promis de se revoir au niveau du gouvernement pour étudier cette question et ont souhaité que nous avancions sur les points en attente », apprend-on plus tard d’un responsable syndical. Mais la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) n’a pas adhéré à cette concession faite au gouvernement. Son secrétaire général Nagnini Kassa Mampo et les autres représentants de la Cstb claquent la porte.
« L’acte de défalquer est un signe de mauvaise foi et de mauvaise volonté à satisfaire les travailleurs. Il y a violation de la légalité et de la légitimité. Le gouvernement fait la ruse. La défalcation est un coup de poignard contre les travailleurs. Il y a eu aussi rétention de salaire… », explique Nagnini Kassa Mampo, furieux, à la presse après son retrait. Mais cela n’arrêtera pas les échanges. De l’extérieur de la salle, on pouvait entendre la voix du ministre d’Etat, preuve que les deux parties tentaient tant bien que mal de trouver une issue à la crise.
Entre temps, une pause intervient. Le temps pour le ministre d’Etat d’échanger avec le chef de l’Etat pour lui faire le point de la situation et lui rendre compte des désidérata des syndicalistes, apprend-on dans les coulisses. D’autres membres du gouvernement profitent de la suspension pour tenter des conciliabules en aparté avec les syndicalistes. Moudassirou Bachabi, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), et Noël Chadaré de la Confédération des organisations syndicales indépendantes (Cosi-Bénin) échangent avec de grands gestes avec les ministres Kakpo Mahougnon et Marie-Odile Attanasso. De longues minutes de discussions au terme desquelles tous quatre rejoignent la salle, souriants.
« Nous sommes heureux au gouvernement »
Les deux parties parviennent à quelques accords. Il a été convenu que la prime de craie passe de 4000 F à 5000 F Cfa ; la prime mensuelle de risque à 4 000 F Cfa et celle de documentation de 5000 à 7000 F Cfa. Le gouvernement a aussi maintenu les six arrêtés mais il a revu à la hausse deux primes. « Nous sommes au gouvernement heureux de savoir que les partenaires sociaux ont accepté la main tendue du gouvernement en répondant présents à la séance. Je suis heureux de vous dire que le dialogue a repris dans l’intérêt de toutes les parties et surtout de nos compatriotes.
La rencontre a permis des avancées significatives dans le dialogue social », a fait savoir, à travers une brève déclaration à la presse, le ministre d’Etat au terme des échanges. A l’en croire « des propositions ont été faites et discutées avec les centrales et les partenaires sociaux en notant les progrès ainsi accomplis; ceux-ci rendront compte à leur base » pour revenir au gouvernement. « Je ne doute pas qu’un terrain d’entente puisse être trouvé. Les responsables syndicaux ont pu trouver la flexibilité et la bonne foi du gouvernement qui a bien tenu compte de leurs observations » dans les discussions. « Au vu des résultats de ce jour, j’appelle les enseignants, les fonctionnaires de la santé et les autres à reprendre le travail dans l’intérêt de la nation », implore le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané.
« Concernant l’indexation, le pouvoir est resté muet », souligne Noël Chadaré. « Le gouvernement a fait des propositions et nous irons rendre compte à nos bases. La rétrocession est une question préjudicielle », poursuit-il. « Nous voulons sortir de la crise mais il faut des actes d’apaisement de la part du pouvoir. Nous tiendrons des assemblées générales et nous aviserons », conclut-il?
Josué F. MEHOUENOU