L’une des difficultés que rencontrent les entreprises aujourd’hui, c’est l’accès au financement. Comment finance-t-on l’économie dans un contexte comme celui de l’Afrique où l’informel occupe une place importante et où le coût du crédit est particulièrement élevé ? Des solutions à cette préoccupation ont été proposées dans une interview accordée à l’Agence Ecofinance par le banquier d’affaires Lionel Zinsou qui vient de lancer la banque d’affaires Southbridge avec des partenaires comme l’ex-président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka.
Le fait que le coût du crédit soit particulièrement élevé traduit la rareté des financements, explique l’initiateur de la banque d’affaires Southbridge, Lionel Zinsou dans une interview qu’il a accordée à l’Agence Ecofinance. « On continue à travailler sur le volume de crédit et sur la concurrence entre les établissements de financement», indique-t-il.
Cette démarche qui a été entreprise sur le volume de crédit a progressé beaucoup depuis quelques dizaines années, notamment sur le microcrédit qui est très important pour le secteur informel et pour les ménages. Pour lui, elle a permis de rendre solvables les masses et les petits commerces, une partie de l’agriculture familiale, etc. « Mais c’est encore très insuffisant », reconnaît-il.
Lionel Zinsou estime que quand on réfléchit sur le crédit en Afrique, on voit toujours la dette des Etats. En disant par exemple que l’Afrique est endettée à 50% de sa richesse, de son Produit intérieur brut (Pib), c’est la dette des pays. Ce qui, dit-il, n’est pas le chiffre très significatif. Ce qui est très significatif, selon lui, c’est qu’il y a peu de crédit disponible pour les ménages, et peu de crédit disponible pour les entreprises.
En effet, il y a une statistique qui est plus importante que celle de la dette. L’ensemble des actifs financiers en Afrique représentent à peu près l’équivalent du Pib du continent. « Quand nous considérons la moyenne mondiale, les actifs financiers représentent 4 fois le Pib », a fait savoir l’initiateur de la banque d’affaires Southbridge. Autrement dit, sur les autres continents, les ménages ont accès à du crédit pour le logement. Ce qui est encore rare en Afrique. Les entreprises sur les autres continents ont accès à des crédits pour pouvoir investir, mais ceci n’est vrai en Afrique que pour les très grandes entreprises. Et enfin, ailleurs, les entreprises ont accès au financement pour leur fonds de roulement.
Pour Lionel Zinsou, le financement des fonds de roulement, est très important pour l’Afrique, notamment dans le domaine agricole qui représente le quart du Pib et absorbe la moitié de la population active. L’agriculture, selon lui, a besoin de fonds de roulement parce qu’elle est très souvent axée sur des cultures annuelles. Et parfois, dans le cas du palmier, de l’hévéa, du cacao, il faut attendre plusieurs années avant de voir les superficies entrer en production. Toutes ces activités, qui sont des activités principales dans le monde entier, sont très peu financées en Afrique. Or, on ne pourra avoir une croissance inclusive sans des Petites et moyennes entreprises (Pme) capables d’obtenir des financements bancaires ou le petit agriculteur familial qui ne pourra petit à petit grandir, que si on débloque le volume et la concurrence dans le domaine des institutions financières.
Lionel Zinsou rappelle qu’Aliko Dangote, le milliardaire nigérian dans le cadre d’une conférence de la Fondation Elumelu, disait qu’il avait créé son groupe, qui est l’un des plus importants en Afrique, sur vingt ans. Ce qui est très rapide pour construire quelque chose d’aussi important. Mais, Aliko Dangote expliquait que, sur plus de quinze ans, il n’avait jamais eu de crédit supérieur à 90 jours de maturité. La rareté du crédit reste donc un problème, même pour des grandes entreprises qui sont des succès continentaux. « On ne peut pas rester dans le continent où les actifs financiers ne représentent qu’une année de Pib, alors qu’ils font dans le reste du monde quatre années de Pib», conclut-il.