Vous êtes très nombreux à chercher la preuve irréfragable du payement mensuel de huit à seize millions aux membres du gouvernement. Le 06 février, au palais de la Marina, lors de la rencontre entre le Chef de l’Etat et les responsables syndicaux, le Président de la République en a donné une première. Elle est testimoniale. La deuxième preuve est l’inaction du chef de l’exécutif. La décision Dcc 18-045 du 20 février 2018 de la cours constitutionnelle est la troisième pièce à conviction, un argument en béton qui soutient que le Chef ne lésine pas sur les moyens financiers pour payer ses collaborateurs.
De la preuve testimoniale
Par un gros lapsus calami, le Chef de l’Etat a avoué devant les représentants des travailleurs qu’il paye des salaires hors normes à ses collaborateurs. En effet il affirme : « J’ai entendu dire dans la presse que les ministres gagnent seize millions, dix-huit millions, douze millions, dix millions. Ce n’est pas vrai. Certes ! Il y a quelques personnes auxquelles nous avons fait appel, qui sont venus de l’étranger et qui exerçaient leur compétence ailleurs, qui étaient payés. Quand vous demandez à un Béninois de venir travailler pour son pays, s’il était à la BAD ou à EDF en France ; qu’il a un salaire et qui veux bien servir son pays. Si vous lui demandez de venir servir gratuitement son pays, il ne viendra pas. En dehors des religieux, il n’y a pas beaucoup de gens qui font le vœu de pauvreté. Donc si vous avez besoin de la compétence des gens, accordez-leur un minimum par rapport à ce qu’ils gagnaient. Mais ce n’est pas ce qui peut nous amener à payer les salaires dont on parle. » Il est claire qu’un néophyte en commentaire relèvera facilement les non-dits dans les dires du Président. Le Béninois qui est payé en euro dans le plus important cabinet d’audit et de conseil au monde peut se contenter de 10 millions de francs CFA par mois au Bénin. C’est le minimum pour lui. De plus, seize million de francs CFA par mois, c’est le minimum pour un fonctionnaire international du système des Nations Unies, qui était payé en dollars avec prise en charge intégrale de tous les membres de sa famille. Il n’y a que le regretté Monseigneur Isidore de Souza qui peut accepter diriger gratuitement la conférence des forces vives de la nation de février 90. Le Président de la Commission technique chargée des réformes politiques et institutionnelles à l’ère de la rupture ainsi que les 29 autres membres auraient empoché 10 millions chacun. Les contextes ne sont pas les mêmes. En outre, ils ne sont pas des religieux patriotes.
De l’inaction du Chef de l’Etat.
Lorsque l’on vous demande d’apporter une preuve irrécusable d’un fait et que vous n’êtes pas en mesure de le faire, la conclusion est toute claire. Depuis le 06 février 2018 que le Secrétaire Général de la Confédération des Organisations Syndicales Indépendantes du Bénin (COSI Bénin) a publiquement demandé au Chef du Gouvernement de publier les primes des ministres, le public n’a rien eu et rien vu. « Si vous voulez que les Béninois comprennent, il faut publier les salaires, rendez public les salaires politiques. C’est important. » Telle est l’affirmation du SG de la COSI-Bénin. Qu’est-ce qui empêche le Président de la République de donner les instructions pour que la demande du SG du COSI Bénin et la curiosité légitime des milliers de travailleurs soient satisfaites relativement aux émoluments des membres du gouvernement ?
Le décret n° 2017-042 du 25 janvier 2017 portant traitement et régime indemnitaire applicables aux préfets, aux secrétaires généraux de département et aux chargés de mission des préfets a été rendu public. Il y est dit que le traitement de base des Préfets est à l’indice A1-12 affecté de coefficient 3. En plus, ils bénéficient des frais de représentation, indemnité de sujétion, indemnité d'électricité; indemnité d'eau; indemnité de téléphone, véhicule de fonction, dotation en carburant ; logement; frais de renseignements et prime unique d'installation. Le décret N°2017 – 570 du 13 Décembre 2017 fixant les rémunérations des cadres nommés aux fonctions de directeur de cabinet, de directeur adjoint de cabinet, de secrétaire général et de secrétaire général adjoint dans les ministères a été plus explicite en fixant expressément les montants mensuels des rémunérations de ces cadres visés par le décret. Le journal officiel 129ème année, N°03 du 1er février 2018 a publié le décret N°2017-554 en date du 29 décembre 2017 fixant allocation globale forfaitaire alloué à Monsieur Zul Kifl Salami chargé de Mission du Président de la République. Cependant, à ce niveau, le tableau joint où doit figurer le montant n’est pas publié.
La publication du décret qui concerne la rémunération mensuelle des ministres est toujours attendue.
Du droit au silence du gouvernement.
« La parole est d’argent mais le silence est d’or. » En juin 2017, un citoyen béninois a saisi la Cour Constitutionnelle parce qu’il pense que le traitement entre les membres du gouvernement et les autres membres des institutions est discriminatoire. Il estime que ‘’le ministre en charge des Affaires étrangères a vu son salaire passer de 1.800.000 francs CFA à 16.000.000 francs CFA alors que les autres ministres ont vu leur salaire passer de 1.800.000f à 8.000.000 francs CFA’’. Mais lors de l’instruction du dossier, la Cour constitutionnelle a simplement constaté que « le silence du Président de la République et du ministre de l’Economie et des Finances aux mesures d’instruction de la Cour ne permet pas à la haute Juridiction d’établir l’effectivité de la discrimination alléguée, que dès lors, il échet pour la Cour de dire et juger qu’il n’y a pas lieu à statuer en l’état » Là encore, un profane en analyse comportementale criminelle connait le principe de ne pas s’incriminer. Mais qui ne dit mot consent. Et le silence du gouvernement a parlé plus que les mots.
Le directeur adjoint du Trésor et de la Comptabilité publique n’a pas pu fournir à la Cour constitutionnelle un décret actualisé portant rémunération des membres actuels du gouvernement. Il n’a fait que brandir le décret n° 2006-187 du 30 avril 2006 portant fixation du traitement des membres du Gouvernement. C’est le décret signé par l’ancien Président Boni Yayi dès sa prise de fonction en avril 2006. Tout le monde sait que ce décret est caduc. C’est pour quoi, suivant les termes des sages de la Cour constitutionnelle, « le Président de la République et le ministre de l’Economie et des Finances n’ont pas cru devoir répondre aux correspondances de la Cour leur demandant de faire tenir à la haute Juridiction leurs observations, de mettre à sa disposition les fiches de paie des ministres et le décret actuel portant détermination du traitement, des avantages et des indemnités des membres du Gouvernement »
La cour constitutionnelle, par sa décision Dcc 18 – 045 du 20 février 2018 vient de rendre public la pièce à conviction qui montre que le gouvernement se taille la part du lion dans la masse salariale. Le vent a soufflé. Tout est découvert. On a tout compris. Les syndicalistes aussi.
Worou BORO