La sentence prononcée par le Tribunal de première instance de Cotonou à l’encontre des responsables des sociétés grossistes dans l’affaire “faux médicaments“ est loin de faire l’unanimité. Si pour certains observateurs, c’est un grand pas effectué dans la lutte contre la criminalité pharmaceutique, le débat technique autour du dossier relève des incohérences et incompréhensions inquiétantes. Et d’ailleurs, pour les pharmaciens, en leur qualité de spécialistes de médicaments, on ne saurait parler de “médicaments falsifiés“ dans cette affaire et par conséquent, le verdict ne devrait être celui rendu mardi, 13 mars dernier…
Jusqu’à la date d’aujourd’hui, les officines de pharmacie sont sous le contrôle permanent de l’administration publique et de ce fait, le Laboratoire national de contrôle de la qualité (Lncq) passe à l’improviste dans les pharmacies pour faire des prélèvements. Des analyses de ces prélèvements, il n’a jamais été relevé depuis des années, des non-conformités, a clarifié sur la télévision nationale, Dr Louis Koukpemedji, pharmacien, spécialiste de la règlementation pharmaceutique et porte-parole de l’Intersyndicale des pharmaciens du Bénin. « On nous a toujours dit que les produits sont bons » affirme-t-il. Mais, à l’en croire, ce fut la surprise totale dans le rang des pharmaciens quand il a été évoqué la question de “médicaments falsifiés“ comme accusation contre les grossistes-répartiteurs. En effet, c’est ici que se trouve la vraie interrogation et l’origine de la polémique autour du verdict rendu par le Tribunal de Cotonou. Comment peut-on parler de médicaments falsifiés dans les officines de pharmacies alors que les certificats d’analyses du Laboratoire national de contrôle de la qualité n’en ont jamais détectés ? Il y a bien matière à s’interroger et les pharmaciens ont bien raison de se dire “surpris“ du verdict. Se référant au déroulé des débats lors du procès, Dr Louis Koukpemedji estime qu’il s’agit des questions techniques dont l’expertise des pharmaciens en qualité de spécialiste de médicament mérite d’être sollicitée. Car, les décideurs ne sauraient être des spécialistes dans tous les domaines. « Il s’agit d’un sujet sérieux qu’il ne faudrait pas galvauder ni politiser » a-t-il martelé. Il n’est donc pas question dans ce dossier de la vente de médicaments falsifiés mais plutôt d’un manquement à la procédure d’importation des produits de santé en République du Bénin. Etant donné qu’à l’audience du 06 mars dernier, il n’a jamais été démontré que les médicaments incriminés, qui par ailleurs disposent d’une autorisation de mise sur le marché, ont été falsifiés. Les moyens soulevés par l’accusation à l’audience sont donc scientifiquement et juridiquement insuffisants pour parler de médicaments falsifiés, estime l’Intersyndicale des pharmaciens. Et de plus, les médicaments incriminés représentent moins de 0,5% des médicaments référencés.
Le verdict qui devrait être rendu en cas de manquement…
Dans ce cas précis où il est reproché aux grossistes-répartiteurs, un manquement à la procédure d’importation des produits de santé, le dossier est transmis à la Chambre de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Bénin après une inspection qui permet de faire le constat. Des sanctions disciplinaires allant jusqu’à la radiation du pharmacien sont alors prononcées par la Chambre disciplinaire après avoir établi la véracité des faits et ceci, conformément aux textes régissant la corporation des pharmaciens. De plus, la commission des autorisations est saisie et lorsqu’il y a non-respect des cahiers de charge, la commission peut décider de l’abrogation de l’autorisation, clarifie Dr Louis Koukpemedji. Par contre, la sentence prononcée dans cette affaire est celle relative à la vente des médicaments falsifiés et qui conduit au retrait des médicaments incriminés des officines ainsi qu’au retrait de l’autorisation de mise sur le marché. Mais à présent, les regards sont tournés vers la Cour d’Appel qui, une fois saisie, décidera de la suite du dossier.
Aziz BADAROU