Les questions relatives au bien-être, à l’éducation et à l’épanouissement des enfants ne relèvent plus du seul ressort des Ong et autres structures de protection de la couche. Les femmes des marchés de Cotonou s’en portent aussi garantes et y travaillent au quotidien pour relever ce défi à travers des sensibilisations et des actes concrets.
Le commerce n’est pas la seule priorité des femmes du marché. Celles exerçant à Cotonou œuvrent en faveur de la scolarisation des enfants qui les aident dans leurs activités au quotidien. Grâce à leur leadership, ce défi s’exécute avec beaucoup de succès au bénéfice de ceux déscolarisés et non scolarisés. Bien qu’étant occupées à exercer leur commerce, elles ne ménagent aucun effort pour assurer l’éducation et l’épanouissement des enfants à elles confiés. Elles s’organisent vaille que vaille pour leur offrir de meilleures conditions de vie.
Au niveau des marchés de Cotonou, les actions des femmes en faveur de la promotion du droit des enfants laissent des empreintes. A preuve, c’est l’école de deuxième chance érigée en plein cœur du marché Gbégamey à Cotonou pour favoriser la scolarisation des enfants placés communément appelés ‘’vidomègon’’. Ici, le programme de cours intensifs favorise des dizaines d’enfants et améliore leur niveau de connaissances. En trois ans, ils bouclent leur cursus scolaire, avec à la clé, le certificat d’études primaires (Cep). Cette action est rendue possible grâce à la vision des femmes responsables des marchés et à l’accompagnement de l’Ong Assovie qui prend en charge les frais et autres dépenses inhérents à la scolarisation desdits enfants. Une grande fierté pour les commerçantes.
« A travers cette initiative, nous sommes en train de sortir les enfants placés de l’ornière », se réjouit Rissikatou Wabi, trésorière générale d’une association de femmes du marché Gbégamey.
A ce jour, aucune résistance n’est observée contre la pérennisation de l’initiative. Les familles d’accueil des enfants y adhèrent à l’unanimité. « Les femmes ont compris la nécessité pour les enfants d’aller à l’école. Avec les sensibilisations, celles qui résistent au début finissent par en cerner l’enjeu », assure-t-elle.
Avec ces commerçantes, le phénomène vidomègon, autrefois redouté, est en régression en raison de leur méthode à concilier la scolarisation et le travail des enfants, à aborder leur éducation et à les entourer de l’attention nécessaire dont ils ont besoin pour grandir en toute sérénité. Rissikatou Wabi explique la motivation des femmes : « Il y a trop d’enfants placés au Bénin ; généralement les familles d’accueil oublient qu’ils ont aussi des droits qu’il faut respecter et les exploitent comme elles veulent pendant que leurs propres enfants fréquentent. Par le passé, les enfants étaient laissés pour compte ». C’est cette situation qui a touché la fibre maternelle de la présidente du marché, Irène Dossougoin, qui a sollicité le concours de l’Ong Assovie en vue de la scolarisation desdits enfants, explique-t-elle.
Au départ, l’initiative concernait seulement les enfants placés. Plus tard, elle s’est élargie à d’autres catégories d’enfants au point où la scolarisation est demeurée un challenge. « Une classe compte en moyenne une quinzaine d’enfants afin de permettre aux bénéficiaires de bien assimiler les notions ».
Rissikatou Wabi souligne que l’éducation des enfants ne se limite pas au certificat d’études primaires. « Les enfants qui désirent poursuivre leur cursus scolaire après le Cep bénéficient encore de la générosité de l’Ong Assovie en vue d’obtenir le brevet d’études du premier cycle (Bepc). Ceux qui n’en ont pas la capacité optent pour des formations professionnelles prises en charge par l’Ong.
L’initiative des cours accélérés en faveur des enfants fait progressivement du chemin. Cette année, les regards sont tournés vers la première promotion des candidats au Bepc. Motif de joie et de satisfaction pour les commerçantes. « Nous présentons nos enfants au Bepc cette année ; nous espérons réaliser un taux de réussite de cent pour cent », souhaite la trésorière.
Mêmes motivations ailleurs
Au marché Vêdoko à Cotonou, le même dispositif est en marche pour lutter contre la non scolarisation des enfants. Sur ce site, l’engagement et la promptitude de la présidente du marché, Bayo Vieyra, sont salués. Elle-même semble être visiblement comblée. « Nous ne pouvons pas penser seulement à l’éducation de nos enfants en abandonnant les enfants placés à leur propre sort. C’est inadmissible », conçoit-elle. C’est pour cette raison, explique-t-elle, qu’elle et ses collègues s’emploient à relever ce défi. Elles en mesurent l’enjeu. « Si nous avons pensé à mettre en place une telle initiative en faveur des enfants, c’est parce qu’au départ, nous avions observé qu’ils n’arrivaient pas à écrire leurs propres noms, encore moins à répondre aux clients lorsqu’il est question de parler le français », se souvient-elle. Aujourd’hui, nous sommes fières d’eux d’autant plus qu’ils sortent de l’ignorance et de l’analphabétisme.
Leur engagement se trouve si bien justifié que les résultats des candidats au Cep sont toujours rassurants. « Dans les autres écoles, les enfants suivent un cursus scolaire de six ans au primaire et échouent encore parfois au Cep. Alors qu’ici, ils ne font que trois ans et réussissent tous », sourit-elle. Au regard de ces résultats, les commerçantes prient pour être toujours à la hauteur du défi de la scolarisation des enfants. « Mon souhait, c’est que cette initiative s’étende au niveau Baccalauréat pour le bonheur des enfants », plaide-t-elle.
La chance pour les enfants bénéficiaires de ces programmes, c’est qu’ils sont épargnés des mouvements de grève qui paralysent parfois les écoles publiques. Etant donné que les enseignants ne sont pas recrutés par l’Etat et travaillent pour le compte de l’Ong de bonne volonté.
Au marché Fifadji, c’est la même motivation. Les commerçantes s’accordent également sur l’importance du droit à la scolarisation des enfants. En dépit de son âge relativement avancé, la présidente du marché, El hadja Safiatou Abou, se préoccupe de leur sort. Le marché de Fifadji ne bénéficie pas encore d’un programme de scolarisation des enfants, mais sa responsable l’espère vivement. « La scolarisation des enfants est devenue un défi majeur en ce XXIe siècle. Nous ne pouvons pas nous en soustraire », dit-elle, appelant de tous ses vœux les Ong de bonne volonté à voler au secours des enfants placés exerçant au sein dudit marché.
La promotion du droit des enfants ne se limite pas à leur scolarisation. Les commerçantes organisent des sensibilisations à l’endroit de leurs pairs en vue du respect des droits des enfants : droit à la santé, à l’éducation, à la protection. Des droits qu’elles maîtrisent et s’appliquent à respecter au quotidien. A ce titre, elles effectuent des suivis réguliers dans les ménages pour s’assurer de l’impact de leurs actions en faveur des enfants. D’ores et déjà les commerçantes rencontrées sur ces trois sites comptent s’investir dans les autres marchés de Cotonou pour rallier un grand nombre de femmes à la cause des enfants.
Visibles dans la protection de l’environnement
Si les commerçantes s’illustrent dans l’éducation des enfants, leurs efforts ne sont pas moins visibles dans le domaine de la protection de l’environnement. Elles s’organisent pour maintenir leurs lieux de vente toujours propres et attrayants. Dans ce cadre, des campagnes de sensibilisation sont organisées périodiquement en vue de l’assainissement du marché. Grâce au don de poubelles, de pelles, de râteaux, de houes et de balais, elles procèdent deux fois par semaine au balayage et au nettoyage des marchés. La grande salubrité est organisée, les premiers samedis de chaque mois et rassemble toutes les femmes du marché.
Selon les témoignages de la présidente du marché Vêdoko, Bayo Vieyra, et de la trésorière du marché Gbégamey, Rissikatou Wabi, le ramassage des ordures et le curage des caniveaux aux alentours des différents marchés ressortent également de l’initiative des femmes qui payent régulièrement les agents commis à ces tâches. Ceci épargne leurs sites de vente de l’inondation en période de pluie.
A ces actions, s’ajoutent les sensibilisations des femmes elles-mêmes aux bonnes conduites dans les ménages. « Grâce aux sensibilisations, nous arrivons à mieux gérer les bénéfices issus de nos ventes pour la survie de nos ménages, sans forcément tout attendre de nos maris », témoigne Bayo Vieyra.
Autant d’actions qui dénotent la bonne organisation des femmes et dont les impacts se répercutent sur les enfants et les familles. Elles espèrent que le volet modernisation des marchés contenu dans le Programme d’actions du gouvernement contribuera à plus de visibilité de leurs différentes actions dans les prochains mois.