Je salue la prudence du Président nigérian Muhammadu Buhari :
La répétion est pédagogique. Les africains n’ont pas encore bien maîtrisé les contours idéologiques, théoriques et sémantiques du concept de l’intégration. Faute de cette clarification, il manque des piliers stratégiques solides à l’expérience africaine en matière d’intégration. En l’absence de ces piliers, c’est plutôt le mimétisme et les atermoiements qui ont prévalu dans les différentes démarches du processus d’intégration en cours sur le Continent depuis 1963. Les résultats sont là.
La décision de notre géant voisin, le Nigeria, ne me surprend guère. C’est une décision prudente et sage... Et je soutient cette position. Je suis panafricaniste et je défend la cause de l’intégration économique. J’ai la ferme conviction qu’en l’état actuel de l’économie mondiale avec son déséquilibre en faveur des nations riches, aucun État africain ne peut se developper. Il est vrai aujourd’hui, plus que par le passé, plusieurs pays africains affirment et affichent clairement leurs désirs de se développer. Mais pour nombre d’entres eux, il s’agit encore de ce que je nommerai des
Autant hier j’ai soutenu et défendu sur Obotanews, le Président rwandais Paul Kagamé pour ces nouvelles réformes, notamment l’imposition de la taxe sur les importations pour rendre financièrement autonome notre organisation continentale, autant aujourd’hui, je réprouve la signature expéditive d’une zone de libre-échange économique continentale sous son leadership. Et je soutiens la position du Nigeria. Pourquoi?
L’adage populaire nous enseigne : qui embrasse trop mal étreint. Posons-nous les Bonnes questions : Où en sommes-nous d’abord avec la zone de libre-échange régionale des Communautés Économiques Régionales (CER). C’est peut être utile de se rafraîchir la mémoire et de procéder à une restitution fidèle de notre expérience régionale en matière d’intégration, laquelle a débuté en 1980 avec l’adoption du Plan de Lagos et l’Acte final de Lagos qui ont consacré les Communautés Économiques Régionales (CER). La Création des CERs représente la seconde phase du processus d’intégration après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963. C’était un tournant significatif et décisif. Alors que les actions prises en 1963 ont été fortement couvertes par des enjeux politiques, en 1980, l’aspect économique a pris le dessus. Dans l’Acte Final de Lagos, les dirigeants africains ont pris l’engagement ferme de mettre en place en l’an 2000 sur la base d’un Traité qui doit être conclu, une Communauté Economique Africaine (CEA) de manière à assurer le développement économique, l’intégration sociale et culturelle du Continent. Après une décennie, le Traité envisagé est devenu effectif en 1991 avec la création de la CEA. C’est le Traité d’Abuja. Le Traité, dans ses points les plus novateurs, a appelé le renforcement des CERs lesquels devaient constituer les piliers de l’Union Africaine, la création d’une monnaie unique africaine, la mise en place des Institutions de la CEA, notamment la banque centrale africaine et le parlement panafricain. L’étape de la CEA n’a plus été respectée. Nous avons fait un grand bond et nous avons créé l’Union Africaine (UA) en l’an 2000. N’est-ce pas le mimétisme dont nous parlions tantôt. Pourtant l’histoire a montré que l’Union Européenne est sortie des entrailles de la Communauté Économique Européenne (CEE). Entre temps, les CERs ont pris effectivement forme, mais elles ont manqué d’une supra-structure continentale de cohésion, de coordination et d’harmonisation, rôle que devrait jouer la CEA. On dénombre cinq (5) CERs pour les cinq (5) régions de l’Afrique. Il s’agit de la CEDEAO en Afrique de l’Ouest, de la CEEAC en Afrique centrale, de la SADEC en Afrique du Sud, de la COMESA en Afrique orientale et australe et de l’UMA en Afrique du Nord. Avons-nous déjà évaluer ces organisations? Aujourd’hui, l’Union du Maghreb Arabe ne fonctionne pas à cause du différend sur le Sahara occidental entre le Royaume du Maroc et la République Algérienne ; différend auquel un autre pays de l’UMA, la Libye, a pris une part active.
Prenons le cas de la Communauté Économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dispose-t-elle du Zone de libre-échange? Les États de la Communauté jouissent-ils des avantages de cette zone ? Il suffit tout simplement de se déplacer vers la frontière de Sèmè-kraké pour se rendre compte que l’étape 1 de l’intégration économique, la libre circulation des biens et des personnes n’est pas entièrement effective. Quid de l’application du Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO? Faudrait-il le rappeler qu’une zone de libre-échange est terre-à-terre une zone où circulent librement les personnes et leurs biens économiques. Autrement dit, un espace où s’échangent librement les biens.
Je ne cesserai de le répéter, l’intégration va au-delà de la coopération entre États, fut-elle bilatérale ou multilatérale; car elle couvre plusieurs dimensions. L’intégration n’est pas à confondre aussi avec la diplomatie. C’est une science et des théories bien élaborées qui ont connu un regain d’intérêts et d’attention avec la construction européenne. Le processus d’intégration en Afrique est lent, certes, mais il est plus dangereux de vouloir sauter les étapes. Au figuré les pays africains dans ce processus sont semblables aux chevaux avec des œillères qui entravent une partie de leur champs de vision latéral et arrière.
Je veux croire au nouveau leadership imprimé depuis son arrivée à la tête de l’Union Africaine par le Président Kagamé. Je veux croire aussi au duo Kagamé-Mahamat pour accélérer le processus d’intégration. Mais c’est sur les CERs qu’il faut bâtir et construire l’Union africaine. La coordination et l’harmonisation des CERs sont indispensables. Et cela commence par la libre circulation des biens et des personnes avant tout ; elle-même tributaire de la sécurité de l’espace territorial. Nous avons déjà à plusieurs reprises mentionné les étapes semblables au barreau d’échelle de l’intégration économique. Il n’est pas superflu de les rappeler: zone de libre-échange préférentiel, zone de libre-échange, union douanière, marché commun, union économique monétaire. Chaque étape sautée est un gouffre qu’il nous sera difficile de surmonter plus tard.
Aujourd’hui, une zone de libre-échange continental telle que le prévoit le Président Kagamé est impossible à réaliser. Et même s’il arrivait que l’Accord soit signé lors du Sommet extraordinaire en cours, il ne sera pas effectif et sa mise en œuvre sera impossible. Une zone de libre-échange continental sera possible lorsque chaque CERs l’aurait rendu effectif dans son espace regional>.