En juillet 2017, le Bénin réclamait officiellement la restitution des œuvres « pillées » pendant la colonisation sur son territoire. Il s’agit de plus de 4 600 œuvres constituées, entre autres, de trônes des rois dont ceux de Ghézo, Glélé et Béhanzin, de statues anthropomorphes et symboliques les représentant, ainsi que des mobiliers royaux emportés par le général Alfred Dodds présent en tant qu’administrateur français au Dahomey à la fin du XIXe siècle.
A l’époque, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, s'était opposé à cette restitution, raillant presque cette réclame au nom d’une loi française qui protège les œuvres des musées français. Vision de courte vue. Car cette première, car c’en une, pour une ancienne colonie française, ne restera pas lettre morte. En tout cas, pas au regard de la détermination du gouvernement béninois à obtenir gain de cause, et des bonnes dispositions du président Emmanuel Macron.
A Ouagadougou en novembre 2017, ce dernier s’engageait à considérer favorablement une telle perspective. Engagement réitéré le 5 mars dernier, lorsqu’il recevait le chef de l’Etat béninois à l’Elysée, à savoir restituer dans les cinq ans de façon temporaire ou définitive des biens culturels pillés sur le continent africain. Evidemment, Emmanuel Macron n’admet pas le vocable « pillé ». En cela il a raison et tort à la fois, car au-delà des querelles sémantiques, il apparait selon toute évidence que les œuvres d’art et reliques historiques d’origine africaine trônant dans les musées français, n’ont pas été toutes acquises de façon catholique. Prises de guerre ou acquisition suite à des termes de marchandage que l’on imagine non équitables, vu les rapports de force dans les relations franco-africaines en ces temps-là, il s’avère qu’aujourd’hui ses œuvres ont des valeurs à la fois sentimentales et mercantiles. L’attrait que suscitent les musées français ainsi que la France comme destination touristique, n’est sans doute pas lié entièrement aux 4 600 œuvres béninoises ou aux 70 000 africaines. Mais ces œuvres contribuent aussi à ce lustre.
Enjeu économique
Le Bénin, qui a fait du tourisme un facteur déterminant de sa croissance économique, a été donc bien inspiré de miser sur le rapatriement de ces valeurs confortatives de son patrimoine cultuel et de son tissu économique. Si bien que le gouvernement envisage, décision entérinée au dernier Conseil des ministres, de construire plusieurs musées de standing moderne. Bien souvent soulevé par les sceptiques, dont certains affirment même que sans la France ce patrimoine aurait disparu, l’argument de la sécurisation et de la bonne conservation de ces œuvres n’a plus par conséquent raison d’être. Vivement que la procédure de restitution aboutisse. A cet effet, on ne peut que saluer les diligences du président français, au-delà des discours.
Emmanuel Macron a, en effet, nommé, le 6 mars dernier, le franco-sénégalais, l’universitaire très à cheval sur les questions identitaires africaines, Felwine Sarr, et l'historienne de l’art Bénédicte Savoy. Ceux-ci ont pour mission de se pencher sur la question de restitution jusqu'à novembre 2018 et faire des propositions à cette finalité. Le principal goulot d’étranglement dans leur mission, reste la loi française qui interdit la restitution définitive des biens culturels, qu'ils aient été pillés ou non. Mais pour ces experts comme d’autres, on peut de façon dynamique transcender cette loi. Il s’agit, soit de trouver des mécanismes pour restituer les œuvres sans contrevenir à la loi, soit de l’amender. La possibilité de prêts d'œuvres à long terme, est également envisagée, au cas où le législateur français, qui ne perd sans doute pas de vue l’intérêt que revêtent ces biens culturels, ferait obstacle à l’amendement de la loi. Quoi qu’il en soit, il y a de forte chance, dans ce combat entre David et Goliath, que l’entreprise béninoise prospère.
Quelle affliction !
De par le passé, des biens spoliés pendant l’époque nazie ont été libérés. Aussi, en France, siège la Commission nationale scientifique des collections, dont la vocation est d’examiner l’origine de certains objets pour une éventuelle restitution. Le dossier est du reste entre de bonnes mains, celles du président Talon, connu pour sa détermination à toute épreuve. Pour le reste, quelle affliction, de devoir se rendre pour un Africain y compris pour les descendants des rois, (comme feu roi Béhanzin, voir photo) se rendre à l’étranger avant de reluquer un patrimoine national ! Pillés ou non, il s’agit de biens culturels acquis au bout de la baïonnette, donc des biens mal acquis. Le bon sens astreint les Français comme d’autres pays colonisateurs, à libérer les biens culturels des pays colonisés. Pour peu que ceux-ci en formulent la demande. Le Bénin est précurseur sous la férule du président Talon…d’autres pays suivront, espérons-le.
Paul AMOUSSOU