Cotonou à l’instar des grandes métropoles d’Afrique est gagnée par les produits chinois. De l’avenue Delorme aux grands quartiers et centres d’affaires, l’hégémonie de l’Empire du milieu a un visage : le commerce.
La foire organisée par le centre commercial chinois en octobre 2017 a une fois encore drainé du monde à Cotonou. Les populations que l’on croyait affectées par la morosité économique ne se sont guère privées de faire la queue devant les magasins de vente de produits chinois. Les commerçants locaux qui se plaignent de la mévente ont tôt montré leur engouement pour cette foire commerciale devenue une tradition. A la meute des clients traditionnels au nombre desquels se retrouvent de petits détaillants, les particuliers se sont bousculés pour s’approvisionner en produits de fabrication chinoise.
De la zone commerciale de Ganhi à l’avenue Delorme, les commerces chinois ont le vent en poupe. Textile, ustensiles de cuisine, produits vestimentaires, jouets, motos…Tout y est pour satisfaire la petite bourse. « Les produits chinois sont assez prisés sur nos marchés. C’est d’ailleurs le regain d’intérêt pour ces produits qui justifie la multiplicité des magasins et boutiques dans nos villes », indique Yasmine Cataria, revendeuse de tissus. Dans le secteur textile les commerçants chinois semblent avoir trouvé la formule pour appâter la clientèle. Ils jouent sur la bourse des populations. A la place des tissus de prestige au coût onéreux, des copies aux motifs des pièces originales sont servies. Pour le client, la qualité du produit importe peu. L’idéal c’est de l’avoir à un coût bien abordable.
La présence des opérateurs économiques chinois dans le commerce au Bénin est un fait et l’ouverture d’un centre commercial dédié à ces produits ainsi que l’organisation d’une foire commerciale chinoise depuis quelques années témoignent davantage de cette réalité. Selon l’Institut national de statistique et d’analyse économique (INSAE), les échanges totaux de la Chine vers le Bénin ont crû de 4,44% en 2000 à 12,26% en 2006. La Chine est devenue progressivement, au cours des dix dernières années, l’un des principaux partenaires commerciaux du Bénin. Concernant les importations en 2006, elle occupait la deuxième position. Si d’aucuns voient à travers cette présence le signe du bon état des relations entre le Bénin et la Chine, certaines voix admonestent ce qu’elles qualifient d’invasion du marché local.
Offensive jaune
La présence chinoise au Bénin et en Afrique répond, selon Dr Bio Goura Soulé, économiste, à un besoin d’espace vital de la puissance asiatique. Elle tient, indique-t-il, à une sorte de continuation de l’économie de traite sous une autre forme. Les relations qu’entretient la Chine avec les pays du Sud se manifestent à travers des échanges de matières premières avec deux types de contrepartie que constituent les équipements sociaux et infrastructures ainsi qu’une sorte de caution pour l’expansion commerciale. En l’absence d’une zone de libre-échange susceptible de favoriser des échanges mutuels entre les deux pays, la Chine impose ces produits aux coûts défiant toute concurrence. Ceci « nous installe dans une situation de consommation permanente et ne promeut pas un développement endogène », à en croire l’économiste. L’intérêt par ailleurs des commerçants chinois à engranger des marges commerciales sur les trois secteurs de la distribution que sont le gros, le demi-gros et le détail contribue à « étouffer les petits commerçants détaillants ».
Il y a peu, des commerçants béninois ont protesté contre la concurrence déloyale des Chinois. Ces commerçants, revendeurs pour la plupart, avaient surtout dénoncé la violation de la réglementation de l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA) en vigueur au Bénin.
Le Bénin n’est pas un cas isolé de l’offensive économique et commerciale chinoise. Partout en Afrique, l’hégémonie jaune étale ses tentacules et l’impuissance des pouvoirs publics à y faire face se justifie par cette coopération marquée par différents accords de prêts et autres faits d’arme. Les dons et autres largesses de l’Etat chinois ont toujours la cote auprès des autorités locales.
L’Etat béninois, seul appelé à faire respecter la législation en vigueur afin que le commerce soit structuré se retrouve dans un inconfort qui ne dit pas son nom.
Le Gouvernement peine à prendre ses responsabilités.
Quoique de nombreux commerçants nationaux aient aujourd’hui la facilité d’aller directement sur les marchés chinois s’approvisionner il n’en demeure pas moins qu’ils restent peu compétitifs face à leurs concurrents.