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Sécurité humaine : Notion et liens avec le développement humain
Publié le mardi 3 avril 2018  |  Matin libre




Dans l’optique d’une meilleure intégration de la sécurité humaine dans les politiques et programmes nationaux, le Rapport national sur le développement humain (Rndh) 2010-2011 avait recommandé la mise en place et l’opérationnalisation d’un dispositif de suivi de la Sécurité Humaine. Le Rapport qui en découle vise une meilleure prise en compte de la sécurité humaine dans les stratégies de développement au Bénin et offre une large vue sur les réalités du développement humain et de la sécurité humaine. Ce rapport fournit un bref rappel de la notion de sécurité humaine et ses interrelations avec le Développement Humain.

La Sécurité Humaine est un concept récent qui vise un état de protection des dimensions essentielles de la vie humaine de manière à élever les niveaux de libertés et d’épanouissement des individus (Commission sur la Sécurité Humaine, Onu, 2001). Depuis lors, la sécurité humaine est devenue un enjeu majeur des relations internationales. Sa signification est maintenant considérée comme étant plus large que celle de la simple protection des frontières territoriales de l’Etat contre les menaces extérieures. De plus en plus, l’accent est porté sur les personnes et l’on passe ainsi d’une compréhension focalisée sur l’Etat à une conception centrée sur le citoyen, sa vie et sa dignité. Qu’il s’agisse des conflits internes avec leurs conséquences dramatiques, d’accidents, de catastrophes naturelles, ou encore de crises sanitaires ou de pandémies, les populations sont exposées à des périls qui menacent les vies des individus. La diversité de ces périls qui peuvent être d’ordre politique, économique, social et environnemental, est mieux prise en compte dans le nouveau concept de la Sécurité humaine.

Le concept de Sécurité Humaine

La Sécurité Humaine marque une rupture dans l’appréciation de la question sécuritaire en mettant l’accent sur l’individu. Jusque dans les années 1990, la sécurité s’entendait et se concevait uniquement dans le sens de la sécurité de l’Etat. La notion de sécurité se résumait alors essentiellement à la sécurité nationale, entendue sécurité territoriale. L’Etat était ainsi au centre de la question sécuritaire. Cette doctrine, dominante à l’époque, se fondait sur le principe que seul l’Etat peut assurer la protection contre les menaces extérieures et intérieures. Elle supposait en outre que si la sécurité de l’Etat était assurée, alors celle des individus qui vivaient à l’intérieur de ses frontières l’était également. Mais, comme le souligne K. Bajpai [2000], « Libérés des contraintes de la guerre froide, les gouvernements, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales (Ong) et les citoyens ordinaires se trouvent en position d’explorer la question de la sécurité comme jamais auparavant et d’agir dans le sens de l’élargissement de l’enveloppe de sécurité et de liberté ». Le monde réalise avec plus de conviction, souvent après des situations dramatiques, que la sécurité des Etats s’était peut être améliorée, mais que celle des populations - qui vivent à l’intérieur desdits Etats - n’avait cessé de se dégrader. Certaines populations subissaient de la part de leur propre gouvernement ou de leurs concitoyens, de graves violations à leurs droits fondamentaux. Elles étaient confrontées à des violences et à la discrimination, ainsi qu’à la faim, à la pauvreté, à de graves maladies et aux catastrophes naturelles. D’autres aspiraient à plus de liberté d’expression, de mouvements, d’actions, en somme, à une autonomisation accrue. Dans les années 1990, les constats sont frappants, voire horribles. De plus en plus de conflits prenaient la forme de guerres civiles. Dans ces conflits, la plupart des victimes étaient les populations civiles. Pas moins de 80% des décès concernaient les non combattants. Les Etats étaient, de manière assez évidente, incapables d’assurer la sécurité élémentaire des individus. Le génocide au Rwanda en 1994 et les guerres de l’ex-Yougoslavie de 1991 à 1999 et leur lourd bilan humain vont finir de convaincre l’opinion internationale des énormes besoins des personnes en matière de sécurité.

La rupture dans la conception du paradigme sécuritaire

La conception classique de la sécurité humaine fait alors l’objet de nombreuses contestations. La rupture dans la conception du paradigme sécuritaire va ainsi s’amorcer, à deux niveaux notamment. Le premier niveau de rupture concerne l’approfondissement de la notion de sécurité. Sous l’optique du développement humain, l’interrogation ne se limite plus à l’Etat-nation, mais va plus en profondeur pour se concentrer sur l’être humain, sur l’individu. L’accent porte ainsi sur les individus, sur leurs préoccupations, leurs inquiétudes, leurs besoins. Ce, d’autant plus que la sécurité de l’Etat ne garantit pas toujours celle des individus qui y vivent, comme le soutiennent les faits historiques.

Le second niveau de rupture a trait à l’élargissement. L’élargissement englobe plusieurs aspects dont deux retiennent principalement l’attention. Le premier aspect concerne l’éventail des menaces. La sécurité humaine prend en compte un large éventail de menaces, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des frontières, qu’elles soient politiques, économiques, sociales, environnementales ou culturelles. Ainsi, outre les guerres entre Etats, la prolifération nucléaire, les révolutions, la sécurité humaine intègre la pauvreté, la famine, les pandémies, les violations des droits humains, les violences familiales et interethniques, les catastrophes naturelles, etc. Le second aspect porte sur la responsabilité de la sécurité. L’Etat n’est plus le seul garant de la sécurité. La sécurité humaine implique en effet un meilleur engagement de la part de toutes les couches sociales. De manière subséquente, la responsabilité est déconcentrée et diffuse, incluant outre l’Etat, les institutions internationales, les autorités locales, les organisations non gouvernementales, la société civile, le marché financier, les médias et les individus eux-mêmes. Cette réorientation de la doctrine sécuritaire sera soutenue par l’apport théorique des économistes2 du développement et les réformes institutionnelles impulsées par certains Gouvernements et organisations internationales. Le Pnud va notamment consacrer l’édition 1994 du Rapport mondial sur le développement humain (Rmdh), à la question de la sécurité humaine sous le titre « Nouvelles dimensions de la Sécurité Humaine ». Cette édition fournira, par ailleurs, la première définition de la sécurité humaine, qui sera enrichie ultérieurement par les travaux de la Commission sur la Sécurité Humaine (Csh).

La sécurité humaine consiste à libérer l’individu de la peur et des besoins, et à lui accorder la liberté d’agir en son nom propre. Libérer l’individu de la peur et des besoins revient à la protection contre les menaces graves ou généralisées. Ces menaces ne se limitent pas uniquement aux violences, aux événements brutaux susceptibles de perturber la vie quotidienne, mais s’étendent à toutes les atteintes graves aux droits humains, à tout ce qui touche à la dignité de l’être humain et qui ne facilite pas son épanouissement dans la société, en particulier les menaces chroniques, telles que la pauvreté, la famine et la maladie. Accorder à l’individu la liberté d’agir en son nom propre signifie la création des institutions, des systèmes - politiques, sociaux, environnementaux, économiques, militaires et culturels -, qui ensemble garantissent à chaque individu les éléments indispensables à sa survie, à son existence dans la dignité et en toute autonomie. Pour reprendre la formule de la Csh [2003], il s’agit de « protéger l’essentiel vital de tout être humain, d’une façon qui améliore l’exercice des libertés et facilite l’épanouissement humain. La sécurité humaine signifie la protection des libertés fondamentales, qui sont l’essentiel de la vie ». Dans ce sens, le Rmdh 1994 identifie sept composantes principales à la sécurité humaine, auxquelles correspondent des types de menaces spécifiques.

1.1.2. Les sept dimensions de la Sécurité Humaine

Le Pnud [Rmdh 1994] identifie sept composantes principales à la Sécurité Humaine, auxquelles correspondent des types de menaces spécifiques. Il s’agit de : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité environnementale, la sécurité personnelle, la sécurité communautaire et la sécurité politique.
La sécurité économique : elle évoque l’assurance que « les personnes disposent d’un moyen de subsistance et qu’en cas de destruction de celui-ci, elles sont assurées de pouvoir recevoir une aide sociale pour subvenir aux besoins essentiels à la survie ». Elle est menacée par la pauvreté, l’extrême pauvreté et le chômage.

La sécurité alimentaire : elle signifie « l’accès matériel et économique à la nourriture pour tous et à tout moment ». Elle est confrontée à la menace de la faim et de la famine. Selon le Pnud [Rmdh 1994], l’alimentation nécessaire à la couverture des besoins globaux de la population mondiale est disponible, le problème porte plutôt sur sa distribution et le faible pouvoir d’achat des populations.

La sécurité sanitaire : elle évoque l’assurance que les personnes jouissent « d’une faible exposition à la maladie et d’un accès élevé aux services de santé ». Elle vise à garantir un minimum de protection contre les maladies et les modes de vie à risques. Les études du Pnud [Rmdh 1994] ont révélé qu’indépendamment du niveau de développement des pays, les menaces à la sécurité sanitaire sont habituellement plus importantes pour les populations pauvres en milieu rural qu’en milieu urbain, et en particulier pour les personnes vulnérables (enfants, femmes, personnes âgées, porteurs de différents handicaps). Cette situation est liée à la malnutrition et à l’accès limité aux soins de santé primaires, à l’eau potable et aux autres besoins de base.

La sécurité environnementale : elle évoque la prévention contre les menaces de pollution, de dégradation de l’environnement et de l’épuisement des ressources naturelles, mettant en danger la survie des personnes. Dans les pays en développement, le manque d’eau potable est l’une des principales menaces liées à l’environnement, tandis que dans les pays développés, l’un des défis majeurs concerne la pollution de l’air. Le réchauffement climatique, causé par les émissions de gaz à effets de serre, constitue également l’une des principales atteintes à la sécurité environnementale.

La sécurité personnelle : elle se concentre sur la protection des personnes contre la violence physique ». Elle est contrariée par des menaces qui peuvent prendre plusieurs formes, notamment des menaces exercées par l’Etat envers ses propres citoyens, par des Etats étrangers, des groupes de personnes (tensions ethniques, religieuses), ou encore des menaces à l’encontre des femmes ou des enfants, en raison de leur vulnérabilité et de leur dépendance.

La sécurité communautaire : elle répond au souci de conserver l’intégrité de la diversité culturelle ». Elle part du principe que la plupart des personnes tirent leur sécurité de leur appartenance à un groupe social (famille, communauté, organisation, groupement politique, groupe ethnique, etc.). Cette sécurité peut être menacée par des tensions survenant entre ces groupes en raison, entre autres, de la concurrence pour l’accès limité aux opportunités et aux ressources.

La sécurité politique : elle vise à garantir le respect des libertés et droits humains fondamentaux. Elle est menacée par l’arbitraire et la répression. Le rapport 2011 d’Amnesty International recense des violations aux droits humains (répression politique, torture systématique, mauvais traitements, usage abusif de la force, disparitions...) dans 157 pays et territoires en 2010. Les violations des droits humains sont plus fréquentes en périodes électorales ou de crises politiques qu’en dehors de ces périodes. Outre la répression, les gouvernements mettent en œuvre des stratégies visant à contrôler l’information et à canaliser les idées [Pnud, Rmdh 1994]. La Sécurité Humaine consiste à prémunir les individus contre les menaces à chacune de ces composantes, de manière systématique, complète et préventive. L’encadré ci-après, récapitule les principales menaces identifiées au Bénin pour chacune des composantes de la sécurité humaine.

Liens entre Sécurité Humaine et Développement Humain

La sécurité Humaine et le développement humain sont deux concepts très proches dans la quête de l’épanouissement du genre humain, mais avec des angles d’attaque différents. Le développement humain est une notion dynamique. Vingt années après le lancement du premier Rmdh, l’édition 2010, sur la base des expériences locales, nationales, régionales et mondiales, définit le développement humain comme étant « l’expansion des libertés des personnes à vivre une vie longue, en bonne santé et créative ; l’avancement des autres objectifs auxquels ils attachent une valeur ; et un engagement actif dans le façonnage de l’équité et de la durabilité du développement sur une planète partagée. Les populations sont tout à la fois les bénéficiaires et la force motrice du développement humain, en tant qu’individus et en tant que groupes ». Le développement humain d’un pays est apprécié à travers l’Indice de développement humain (Idh), un indicateur synthétique, qui mesure le niveau moyen de développement humain atteint, sous trois dimensions essentielles, à savoir : la santé et la longévité, l’instruction et le niveau de vie décent.

Thomas AZANMASSO
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