Christel Gbaguidi (Président des arts vagabonds réseau Afrique-Bénin’)
« …nous constatons que des réformes viennent nous tomber dessus »
« C’est avec beaucoup d’amertume que nous jouons ce rôle d’observateur actif. Qu’il vous souvienne que l’année dernière nous avons été invités par le Ministre Ange N’koué à constituer des commissions pour faire des propositions. De cette consultation nous avons fait des propositions qui pourront mieux valoriser le Bénin à l’international au plan culturel. Mais malheureusement dans tout ce qu’on a fait comme propositions dans le sens de l’agenda culturel, rien n’a été promulgué. Ils n’ont rien fait et nous ne constatons que des réformes qui viennent nous tomber dessus. Mais qui sont-ils pour faire des réformes pour qui ? Qui sont-ils et qui sommes-nous ? Par rapport à la question de notre charte culturelle, nous avons eu la chance de rencontrer un des membres de ce ministère la semaine écoulée seulement et il nous a servi ceci ‘’Notre charte culturelle est vieille et caduque c’est pourquoi nous, nous voulons révéler le Bénin autrement’’. Mais j’ai demandé est-ce que vous pouvez révéler le Bénin en effaçant tout son passé glorieux ? Et là je n’ai pas eu de réponse. Alors en attendant les mots caduque et vieille je me suis dit que ce sont des gens qui n’ont pas encore compris que c’est leur révélation qui n’a pas sa naissance dans ce que le Bénin était. Moi je ne suis pas contre leur initiative de vouloir réformer notre système. Je loue leur projet de donner une plus grande visibilité au Bénin à travers le tourisme. Mais qu’est-ce que le tourisme sans les arts et la culture de notre pays?
Moi je dis que le gouvernement est vraiment à côté de la réalité. Le secteur était quoi avant leur arrivée ? Il devrait nous convier tous, même le plus petit du secteur, et chercher à savoir ce qui existe et proposer ce que eux, ils veulent. D’autres ont fait des choses qu’ils ont mises de côté. Pourquoi le secteur souffre comme ça ? C’est parce que c’est la faute à nous même les acteurs. Si nous les acteurs nous n’étions pas trop passifs, je ne pense pas qu’un gouvernement en vienne à dire je suis au-dessus des artistes. Nous nous sommes les artistes et personne n’est au-dessus des artistes. L’artiste c’est la lumière d’un peuple, celui qui a une connexion avec l’au-delà. Alors, ce n’est pas au gouvernement de révéler le Bénin. Le Bénin était déjà révélé avant même que le gouvernement-là n’arrive. C’est seulement des noms qu’ils utilisent. Moi je suis d’accord pour leurs réformes. Mais les réformes qui n’ont pas de respect pour les acteurs du secteur n’en sont pas une. Est-ce qu’un TolaKoukoui, un Camille Amouro ont vu un ministre pour les révéler avant qu’ils ne soient ce qui ils sont. Est-ce que les festivals qui existaient à savoir le Fitheb, le Fithélicop, le Festival Kalétas ont vu un ministre avant d’exister ? C’est des acteurs qui les ont inventés. Ce gouvernement banalise tout, nous met de côté. Tout ce que vous avez comme idée quand vous venez les voir, ils ne sont même pas curieux de savoir. Ils sont dans leur mur, ils sont bien payés, des gens qui n’ont aucune notion des arts et culture de leur pays. Comment est-ce qu’ils peuvent faire notre promotion. Moi je dis simplement le Pag (Programme d’action du gouvernement) c’est politique, mais les arts et la culture ne peuvent être politisés. Nous invitons l’Etat à remettre sa balle à terre et donner les moyens qu’il faut. Ils peuvent mieux faire que Yayi Boni. Ce n’est pas en allant copier l’Europe qu’on va réussir le Bénin. Alors repensons le mécanisme et travaillons dans le sens de nos propres réalités.»
Alougbine Dine (Ancien Directeur du Fitheb, Directeur de l’école internationale de théâtre du Bénin ‘’Eitb’’)
« … Nous sommes à la phase de mise en place. »
« Ce n’est pas deux ans qu’il faut pour avoir de changement. Il en faut beaucoup plus. Les choses sont annoncées, mais il faut les mettre en place. Nous sommes à la phase de mise en place. Et j’espère. Ce qui m’intéresse le plus dans le programme en question, c’est le fait d’avoir amené la culture à l’école. Amener les enfants à s’habituer à la culture depuis leur bas âge, cela est quelque chose de très important pour moi. C’est ce que la révolution avait fait de plus beau et qui a été jeté au panier après. Je pense que nous sommes au temps de la mise en chantier de tout ce qui a été annoncé et il faut attendre.
On reproche au gouvernement de toujours avoir recours à l’expertise externe pour tout ce qu’ils veulent faire. Mais je vais vous dire une chose. Qu’on fasse référence à l’expertise extérieure ne veut pas forcément dire que c’est l’expert qui va tout gérer. Et aussi, il faut toujours un regard externe pour voir ce que nous n’arrivons pas à voir peut-être. L’œil extérieur est incontournable, il va nous amener à mieux apprécier ce que nous ne savons pas de nous. Et c’est justement ça qui va nous faire prendre conscience de ce que nous avons d’important dans ce que nous avons. C’est ça qui va nous exciter à mieux faire ce qu’on a à faire.
Vous savez, nous sommes dans un pays où rien n’est en place. On ne fait jamais les choses comme cela se doit. De sorte que ceux qui essayent de faire un peu comme cela se doit, on les empêche même de faire. Je pense fondamentalement que tous les domaines ont besoin d’appui pas seulement financier mais aussi technique, d’un regard nouveau, d’une approche nouvelle. Et je pense que c’est dans cet esprit qu’on s’ingère dans tout. Parce que celui qui met l’argent dans quelque chose et reste distant, ça veut dire qu’il injecte de l’argent pour la forme».
Propos recueillis : Teddy GANDIGBE