Il ne sera pas pasteur, comme il l’avait promis. En tout cas, pas de si tôt. Boni Yayi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, fait l’expérience de la vie après le pouvoir. Après deux années de silence, hormis la parenthèse de la visite à l’aéroport international de Tourou à Parakou, le revoilà qui se positionne à nouveau au-devant de la scène. Tout porte à croire qu’il a prévu passer le clair de son temps dans ce nouveau rôle qu’il s’est librement donné. A Parakou, le 10 février 2018, il a effectué sa rentrée politique, dans la ferveur populaire, en s’adjugeant le titre de président d’honneur du parti Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Le weekend dernier à Djèffa, dans la commune de Sèmè-Podji, il a encore plus clairement exprimé ses nouvelles ambitions politiques en apportant sa caution à la coalition pour la défense de la démocratie au Bénin.
Aux côtés de Nicéphore Soglo qui a exercé avant lui les plus hautes fonctions de l’Etat, Boni Yayi veut s’offrir une nouvelle virginité politique. Albert Tévoèdjrè, médiateur honoraire de la République, Sébastien Ajavon, président d’honneur du parti Union sociale libérale, Philippe Noudjènoumè, premier secrétaire du parti communiste du Bénin se sont joints à cette initiative qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Ferme et sans appel, le ton employé à cette occasion est le signe le plus éloquent de la détermination des membres de ce nouveau creuset à peindre en noir les actions du chef de l’Etat et de son gouvernement. Tous ensemble, ils dénoncent la gouvernance actuelle caractérisée, selon leurs dires, par « conflits d’intérêts », des « licenciements massifs », le « refus du dialogue avec les travailleurs », la violation des « décisions de justice »… Au sortir de ce conclave, alors qu’il se préparait à quitter les lieux, Boni Yayi a apporté sa touche à cette manifestation par… des pleurs.
Boni Yayi a pleuré à Djèffa samedi dernier. Cette actualité fait remonter dans le souvenir collectif une attitude similaire qui fut la sienne lorsqu’il présidait encore aux destinées du Bénin. A Paris, en janvier 2015, dans la fièvre de l’émotion suscitée par les attentats tragiques qui ont pris pour cible le célèbre journal satirique « Charlie hebdo », Boni Yayi, au milieu de ses pairs africains, a laissé s’échapper quelques larmes. Il s’agissait, à tous les coups, de larmes irrépressibles liées à l’opération de cataracte qu’il avait subie à l’époque. Mais, ce dont il s’agit à présent, pour ce qu’il a été donné de voir samedi dernier, l’ex chef de l’Etat a non seulement pleuré, mais il a également tenu à faire savoir qu’il a laissé couler quelques larmes. Cette scène inattendue, difficilement concevable dans ce contexte est sujette à mille et une interprétations. Boni Yayi en pleurs dans les bras de Sébastien Ajavon ! Il faut vivre longtemps pour voir une chose et son contraire.
« Mes larmes sont le signe d’une honte, d’un regret et d’une alerte face au drame qui nous guette sans le consensus du processus électoral en cours ». C’est sur sa page Facebook que l’ex chef d’Etat se justifie. Qu’à cela ne tienne ! Puisqu’il reconnaît que les maux dont il accuse son successeur lui sont aussi imputables, il a l’occasion avec Nicéphore Soglo de changer de fusil d’épaule. Tout en demeurant opposants, nos deux anciens présidents de la République gagneraient à proposer des pistes de solutions, à indiquer la voie à suivre à leur successeur commun, au lieu de lui tirer continuellement dans les pattes. Une opposition qui réunit des dinosaures de la scène politique nationale devrait construire sa crédibilité sur des actions et déclarations pertinentes et non en se focalisant sur des attaques répétées auxquelles sont habituées les populations. Parce qu’ils ont déjà eu l’opportunité de diriger le Bénin, les discours de Boni Yayi et de Nicéphore Soglo doivent être revêtus du sceau de l’expérience et de la sagesse.
Moïse DOSSOUMOU