Les personnes du 3ème âge sont pour la plupart moins considérées dans la société. Elles subissent le plus souvent une stigmatisation qui ne dit pas son nom. Cet état de choses n’est pas sans conséquences sur elles.
Après avoir reçu un appel d’environ 15 minutes, Claude, la vingtaine, confie à son ami : « Je suis fatigué de ce vieux. Il n’y a pas ce jour où il n’appelle pour demander d’après moi. Pire, il me raconte les problèmes de famille… Ensuite, il me prodigue des conseils, ceci pendant de longues minutes. Il me fait perdre du temps… ». Plus loin, Grégoire, un septuagénaire, laisse entendre : « Mes enfants ne viennent plus me voir. Selon eux, je suis sévère, je ne souris pas et je ne fais que les gronder. Mais ils ignorent que je l’ai toujours fait pour leur bien ».
Au Bénin comme ailleurs, nombreux sont les personnes du 3ème âge qui font l’objet de stigmatisation. Ces pratiques, considérées comme banales se remarquent aussi bien en campagne qu’en milieu urbain. « Ma grand-mère a actuellement 92 ans. Moi, je l’aime beaucoup. Mais malheureusement, ses propres enfants ne s’intéressent pas à elle… », confie Julien, étudiant, la vingtaine environ. Or, les vieux, par le passé, étaient considérés comme des sages, des monuments, parce qu’ayant beaucoup d’expériences de la vie. En témoigne un adage Africain qui dit, « Un vieillard qui meurt en Afrique est une bibliothèque qui brûle » ou le proverbe burkinabé « Un vieux assis voit plus loin qu’un jeune homme debout ». Mais ces différentes assertions sont foulées aux pieds par une jeunesse qui veut aller au rythme du temps. C’est aussi le cas de Julien, entrepreneur à Abomey-Calavi qui refuse de laisser sa maman vivre à ses côtés. « Je n’ai jamais été d’accord que ma mère vive auprès de moi. Certes, Je n’ai rien contre elle, mais pour éviter tout problème dans mon foyer, je préfère vivre loin d’elle, surtout en la connaissant », a-t-il fait savoir. Claude, déboussolé par les agissements de son père, déclare : « Aujourd’hui, le monde évolue. Et le temps, c’est de l’argent. Que personne ne vienne m’ennuyer avec des histoires à dormir debout ». Pis encore, « Certains vont jusqu’à souhaiter la mort de leurs grands-parents, pour avoir la paix, disent-ils », déplore dame Nadine, institutrice à la retraite au quartier Zongo à Cotonou. Elle n’approuve donc pas ce comportement qu’elle qualifie de déviance sociologique.
Vers la banalisation de l’éthique
Face au manque de considération à l’égard des personnes du 3ème âge, Michel Djivo, sociologue et enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi, s’offusque : « C’est un véritable dérapage de la part de nos enfants et parents qui se donnent du plaisir à banaliser les personnes qui ont du poids sur l’âge ». Un parent est d’abord et avant tout une personne ressource, qui a une expérience de vie plus ou moins considérable, et donc mérite un maximum de respect de la part de ses enfants et par ricochet de son environnement immédiat. Alors, « l’on a le devoir moral en tant que parent de rapprocher ces personnes assez vulnérables de la société vers soi pour leur donner un maximum de confort avant leur rappelle à Dieu. Ils ont besoin simplement d’un peu d’attention et d’affection », a laissé entendre le Sociologue.
Des écarts de langages, des caractères déviants
Dans les rues, tout comme au sein des ménages, les vieillards sont pour la plupart accusés de sorcellerie. Une réalité africaine qui, à en croire les personnes rencontrées, est le propre des vieillards. Sont-ils à la base des morts subites enregistrées dans les concessions, des échecs répétés dans les entreprises de certains membres de la famille. Aussi, les personnes du 3ème âge constituaient des charges pour certains. « Dans la maison, c’est eux qui parlent beaucoup, qui injurient comme ce n’est pas permis, en un mot, ils délirent. Parfois, quand on les écoute, on sent qu’ils déraisonnent, croyant que c’est de bonnes leçons qu’ils donnent », fait savoir ‘’maman savon’’, une commerçante à Cotonou. A en croire le Sociologue Djivo, les raisons évoquées pour justifier les comportements eu des uns et des autres à l’égard des personnes âgées sont de fausses allégations et des procès d’intentions, sans fondement aucun. « Reconnaissons d’abord que nous sommes en Afrique et que la sorcellerie n’a pas d’âge. Tel un petit enfant peut avoir ça, de même un grand peut l’avoir aussi. Il faut relativiser les choses », a-t-il souligné.
Mais, il n’en demeure pas moins que le ver est dans le fruit puisque les personnes âgées en font parfois de trop à travers leurs comportements au quotidien. Ils s’inviter dans les affaires qui ne sont pas les leurs. Cette façon d’agir n’est souvent pas du goût de certaines personnes qui, voulant montrer leur désaccord tiennent des propos discourtois à leur endroit.
Arnaud SOGADJI (Coll.)