7 ans de travaux forcés. C’est la peine retenue contre le fonctionnaire de police Rodrigue Ayigo accusé d’avoir porté des coups et blessures mortels au nommé Osséni Ibrahim. En effet, le 4 décembre 2015, une équipe de quatre policiers dont Rodrigue Ayigo, tous en service à la sous-direction des affaires criminelles à Cotonou, est chargée de l’interpellation de Osséni Ibrahim à son domicileau quartier Tokplégbé à Cotonou pour des faits d’abus de confiance. Au cours de cette opération, résistant à son arrestation, Osséni Ibrahim aurait porté un coup de tête au visage du gardien de paix, Rodrigue Ayigo, seul agent en uniforme de l’équipe. Le 6 décembre 2015, Rodrigue Ayigo qui assurait seul la permanence au poste de police, sort Osséni Ibrahim de sa cellule, lui passe des menottes avant de lui porter des coups de matraque qu’il a empruntée au commissariat spécial de police d’Agblangandan. Découvert le lendemain dans un état de santé dégradé, Osséni Ibrahim, sur instruction du chef de l’unité, a été conduit au centre de santé de la police puis référé au Centre national hospitalier universitaire Hubert Maga où il rend l’âme le 15 décembre 2015. Rodrigue Ayigo est donc interpellé et poursuivi des chefs de coups mortels et d’abus d’autorité.
Présenté à la barre hier, Rodrigue Ayigo a reconnu les faits et tenté d’expliquer les raisons de l’acte qu’il a posé. A l’en croire, il a effectivement sorti la victime de sa cellule et l’a roué de coups sur les pieds, les genoux et le dos. Mais il n’avait pas l’intention de lui donner la mort. Selon ses propos, ce qui s’est passé cette nuit est hors norme et inexplicable. Pour le président de la cour, Rodrigue Ayigo a voulu se rendre justice alors qu’il y a déjà une procédure de violence faite à l’agent de police contre Osséni Ibrahim. Rodrigue Ayigo est donc animé d’un esprit de vengeance sinon, il n’aurait pas attendu deux jours et d’être seul avant de rouer de coups Osséni Ibrahim. Cette affirmation a été réfutée par l’agent de police. Pour lui, il n’y a pas question de vengeance. Seulement qu’il n’arrive pas à expliquer ce qui s’est passé cette nuit-là. Pour Florentin Gbodou, représentant le ministère public, l’acte posé par Rodrigue Aygo a été prémédité pour deux raisons : la première, l’unité à laquelle il appartient ne possède pas de matraque, mais il est allé l’emprunter dans une unité voisine. De plus, il a attendu qu’il soit seul au poste avant de poser l’acte.
Pour Maître Kato Attita, avocat de la victime, l’acte posé par Rodrigue Ayigo est illégal car, la Constitution du Bénin et plusieurs autres textes interdisent de maltraiter les gardés à vue.
A en croire Maître Moustapha Issiaka, avocat de la défense, la matraque est un outil de maintien de l’ordre. En l’empruntant, Rodrigue Ayigo n’avait pas l’intention de l’utiliser pour tuer la victime, mais pour le maitriser.
Dans sa plaidoirie, Maitre Kato Attita s’est appesanti sur les rapports médical et de l’autopsie pour établir le lien entre les coups infligés à Osséni Ibrhim et la mort de celui-ci. « Il faut donc le déclarer coupable des coups et blessures qui ont causé la mort de Osséni Ibrahim », a-t-il ajouté.
Prenant la parole, le ministère public a déclaré qu’il est difficile de juger un collaborateur de la justice. Néanmoins, il faut dire le droit car, plusieurs courants religieux enseignent que « Tu ne tueras point ». Et ceci a été repris par plusieurs textes dont la Constitution de notre pays qui reconnait le caractère sacré de l’être humain. Pour lui, l’infraction des coups mortels est constituée même si sa culpabilité est partielle selon les rapports médicaux. Il a donc requis 10 ans de travaux forcés contre Rodrigue Ayigo tout en plaidant en sa faveur une situation atténuante.
Après avoir loué la clairvoyance du ministère public, Maître Moustapha Issiaka a demandé une disqualification des faits. Selon lui, son client est coupable des coups et blessures volontaires et non mortels. En s’appuyant sur l’article 309 du code pénal, il a défini le coup mortel. Pour lui, les coups de Ayigo ne sont pas les seuls qui ont provoqué la mort de Osséni Ibrahim. Il a donc demandé la clémence de la cour pour donner une peine correctionnelle à son client.
Après quelques minutes de suspension, les membres de la cour ont prononcé la peine. Après avoir évoqué entre autres les articles 186, 198, 309 du code pénal, 249 à 343, 361, 826, 833 du code de procédure pénale, le président de la cour a condamné Rodrigue Ayigo à 7 ans de travaux forcés.
Isac A. YAÏ