L’aéroport de Tourou construit dans la municipalité de Parakou ne sera pas mis en service de sitôt parce que ne répondant pas encore aux exigences de sûreté et de sécurité de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci). Cette réponse été apportée aux députés, ce jeudi 26 avril, par le gouvernement qui trouve que ce projet qui a coûté près de 70 milliards F Cfa à l’Etat béninois a péché au départ en n’intégrant pas ces considérations techniques élémentaires pour un aéroport.
Quelles sont les raisons de la non mise en service jusqu’ici de l’aéroport de Tourou érigé à Parakou, malgré le vol inaugural qui a eu lieu le 18 mars 2016 ? Le gouvernement était au Parlement, ce jeudi 26 avril, pour apporter des éléments de réponse à cette question orale avec débat du député de l’Opposition, Amadou Issifou, dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale.
Les explications du gouvernement ont été fournies par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Serge Ahissou, en lieu et place de son collègue chargé des Infrastructures. De ses éléments de réponses, il ressort que l’aéroport de Tourou construit dans la municipalité de Parakou ne sera pas mis en service de sitôt. Et pour cause ! L’infrastructure ne répond pas encore aux exigences de sûreté et de sécurité de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci).
En effet, selon le gouvernement, le vol ne pourrait être lancé en raison du niveau actuel de conformité de cet aéroport qui ne permet pas de l’exploiter suivant les règles de l’Oaci. Plusieurs points de non-conformité ont été relevés. Il y a la non-conformité liée à la non-réalisation d’études techniques complètes avant le démarrage des travaux le 4 janvier 2009 pour une durée de dix-huit mois et celle liée au caractère partiel du projet pour lequel la fin des travaux ne signifie pas l’opérationnalité de l’aéroport. En d’autres termes, ces points de non-conformité relevés sont relatifs aux aspects de sécurité et de sûreté qui sont, entre autres, l’inexistence d’infrastructures et équipements nécessaires à la mise en œuvre des mesures de sûreté à savoir le bâtiment de Police, la clôture de la zone de sûreté et l’accès réglementé à la vidéo-protection, l’équipement de contrôle d’accès, l’inexistence de la station météo, le non calibrage des équipements de navigation aérienne, l’inexistence des barrières anti-souffre, l’inexistence des procédures de vol, de servitudes aéronautiques et radioélectriques. Mieux, les différentes inspections réalisées avec les experts aéronautiques et l’Asecna ont révélé, à en croire le ministre, d’importants écarts entre les exigences réglementaires et l’existant sur des points, notamment le personnel, les équipements et les infrastructures ainsi que les procédures. C’est donc au regard de toutes ces insuffisances relevées que le gouvernement ne s’aventure pas à rendre opérationnel cet aéroport.
Auditer les travaux
Le président Patrice Talon a repris le dossier en main pour permettre au Bénin de sauver les milliards F Cfa engloutis dans le projet pour lequel le budget national, sous le régime passé, y a déjà contribué à un peu plus de 19 milliards F Cfa et plus de 39 milliards F Cfa au titre de prêts auprès des banques secondaires du Bénin sur un montant de 45,5 milliards F Cfa d’emprunt à contracter. Les études d’évaluation techniques et complémentaires ont été lancées. Lesquelles devront permettre de prendre en compte les aspects de sécurité et de sûreté relevés liés aux infrastructures et équipements, conformément aux exigences de l’Oaci en matière de planification aéroportuaire. Ce qui permettra de mettre l’aéroport aux normes d’exploitation à l’échelle internationale. Car, sans cette planification qui n’existait pas au projet dans sa forme initiale de conception, l’aéroport ne sera jamais exploité ni certifié par l’Oaci, martèle Serge Ahissou. Le ministre rassure de ce que l’aéroport sera mis en service dès l’achèvement des travaux de mise aux normes et de sa certification suivant les normes de l’Oaci en cette matière.
Mais ces explications du ministre n’ont nullement convaincu Amadou Issifou, l’auteur de la question orale avec débat. Il dénonce un manque de volonté politique du gouvernement du Nouveau départ qui, depuis deux ans, n’a rien fait de façon substantielle pour faire bouger les lignes en faveur de la mise en service de cet aéroport qui a connu son premier vol le 18 mars 2016. Le député de l’opposition balaie du revers de la main les explications relatives aux études techniques parcellaires du projet soulevées pour justifier sa non mise en service. Il brandit une lettre de l’ex-ministre chargé des Infrastructures, Hervé Hèhomey, en direction de l’Anac dans laquelle il certifiait le bon état de l’aéroport de Tourou.
Le député Rachidi Gbadamassi, pour sa part, n’est pas d’accord avec son collègue de la même circonscription électorale que lui. Il est revenu sur la genèse du projet qui est parti d’une lettre qu’il a adressée, alors maire de Parakou, au président Mathieu Kérékou en 2003 pour l’érection de cet aéroport afin d'amoindrir la souffrance des populations du Nord obligées de venir jusqu’à Cotonou avant de prendre leur vol. Le député de la mouvance se dit déçu aujourd’hui de la qualité de l’ouvrage construit et qui n’est pas celui contenu dans le projet initial. Il dénonce beaucoup d’improvisations et de précipitations dans la mise en place de ce projet réalisé sous le régime précédent sans étude technique appropriée. « Je suis révolté quand j’apprends que c’est 70 milliards F Cfa qui ont été engloutis dans l’aéroport de Tourou », dénonce Rachidi Gbadamassi. Il demande au gouvernement de faire l’audit du chantier, car il doute qu’un tel montant ait été dépensé effectivement pour ce projet. Rachidi Gbadamassi plaide également pour la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les travaux et surtout les coûts de leur réalisation. Il félicite Patrice Talon pour avoir pris le dossier en main en cherchant à sauver les meubles.
Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau