Communiqué de presse
Paris le 01mai 2018,
Ce vendredi 27 avril 2018, mon client, l’Honorable HINNOUHO ATAO, s’est rendu librement devant ses juges au Tribunal de première instance de première classe de Cotonou pour être entendu dans l’affaire dite des « faux médicaments », battant ainsi en brèche les folles rumeurs courant depuis quelques semaines et le présentant comme étant en fuite.
Mais après sa comparution devant le juge d’instruction, et alors qu’il se rendait dans le cabinet du juge des libertés et de la détention, des policiers en civil lui ont fait savoir qu’il était en état d’arrestation du fait d’un mandat d’arrêt délivré à son encontre.
Ce dernier leur a alors expliqué que sa comparution de son propre gré devant le juge d’instruction faisait tomber ledit mandat et qu’il a été convoqué devant le juge des libertés et de la détention (JLD) pour que celui-ci statue sur la question de sa liberté.
Alors qu’il se dirigeait vers le bureau du JLD, les policiers en question se sont mis à le rudoyer de violents coups. Mon client n’a pu se soustraire à ces violences que grâce à l’intervention du juge. À la suite de cet épisode,l’Honorable ATAO HINNOUHO a pu se rendre dans le bureau du JLD. C’est alors qu’un monsieur dont il apprendra plus tard qu’il est le commissaire de la brigade économique et financière de Cotonou a fait irruption dans le cabinet du JLD,a commencé à le brutaliser et à lui assener de violents coups, et ceci en présence du JLD.
Sur intervention de ce juge, ce dernier s’est finalement retranché. Suite à tous ces coups, l’Honorable ATAO HINNOUHO s’est évanoui, et ne reprendra connaissance que le lendemain aux urgences où il a été évacué suite à ces violences.
Après cet incident, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance de « refus d’arrestation de député en exercice pour défaut d’autorisation préalable de l’Assemblée nationale ou de son bureau ».
Je salue cette décision qui reste en tous points conforme au droit.
Aussi, ces faits sont d’une gravité exceptionnelle à un double titre.
D’abord la gravité des faits résulte de ce que ces policiers se permettent de molester un citoyen alors qu’aucune raison ne le justifiait. Mais ces faits sont surtout graves en raison de la qualité de la victime qui est un député de la nation, c’est-à-dire un représentant du peuple mais surtout un membre du pouvoir législatif. À ce titre, ces violences constituent une attaque inadmissible, un pied de nez à notre État de droit et à notre démocratie.
Ensuite ces agissements sont aussi gravesde par le manque de respect caractérisé qu’ilsmanifestentà l’égard de l’institution judiciaire. Et pour cause, lesdites violences ont été perpétrées dans l’enceinte même du Palais de Justice, dans le bureau d’un juge et en sa présence.
Face à des agissements d’une telle gravité qui constituent une atteinte sans précédent à l’équilibre institutionnel de notre pays, défiant notre État de droit et notre démocratie, j’en appelle aux autorités institutionnelles – Assemblée nationale, Autorités de poursuites judiciaires et Gouvernement–.
En effet, l’Assemblée nationale se grandirait à diligenter dans les meilleurs délais une enquête parlementaire afin que toute la lumière soit faite sur cette affaire. C’est le minimum que le peuple souverain est en droit d’attendre de ces élus en de pareilles circonstances.
Les autorités de poursuites quant à elles, feraient honneur à l’institution judiciaire en ouvrant une enquête judiciaire sur lesdits agissements.
Enfin, le gouvernement aussi devra jouer sa partition en demandant à son Ministre de l’intérieur, de faire ouvrir une enquête de la Police des polices pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
C’est du moins comme cela que se traiterait une telle affaire dans une démocratie digne de ce nom etdans laquelleles institutions fonctionnent comme cela se doit. C’est aussi la condition pour que le Bénin continue de tenir son rôle de premier de classe du processus de démocratisation des pays africains.
Pour ce qui concerne la situation de mon client, une horde de policiers font actuellement le sit-in devant sa chambre d’hôpital.
Je rappelle qu’il a été inculpé pour huit (08) chefs d’accusation pour lesquels un juge, le seul habilité à se prononcer avant tout jugement sur la détention, a rendu une ordonnance de refus d’arrestation.
C’est donc assez surprenant qu’après une telle décision, mon client se retrouve privé de liberté dans ces conditions. Je veux ici rappeler que le bras armé de la police doit servir à protéger les citoyens et non à les intimider. Car c’est bien d’intimidation dont il s’agit quand on décide de déployer toute une armada de policiers pour priver de liberté un citoyen, qui plus est dans sa chambre d’hôpital, alors qu’une décision de justice vient de prononcer le refus de privation de sa liberté.
Quoi qu’il en soit, ces faits ne manqueront pas d’être portés devant les instances internationales de protection des droits humains.
Aussi, je prends le peuple béninois à témoin des répercussions que peuvent avoir de pareils agissements sur l’image de marque dont jouit le Bénin sur la scène internationale.
Dr Prudence HOUNSA
Avocat au barreau de Paris
Enseignant à l’Université de Paris Nanterre