Les avortements deviennent de plus en plus fréquents au Bénin et les femmes n’acceptent toujours pas de porter le poids d’une « grossesse non désirée ». Dans la foulée, des décès se font enregistrer dans le rang des femmes qui recourent à des avortements clandestins. Dans une interview exclusive accordée à votre journal, la Responsable du projet de prévention des avortements à risques à PSI-Bénin, AyiviPrudencia estime que 15% des décès maternels sont liés aux avortements clandestins. Selon elle, face à la situation, la planification familiale est une solution indispensable… Lisez plutôt !
Face à la fréquence inquiétante des avortements notamment clandestins, peut-on percevoir aujourd’hui la PF comme une solution indispensable ?
On peut considérer plusieurs types d’avortements notamment des avortements spontanés qui peuvent être provoqués par des infections urinaires, le paludisme, et autres maladies. Nous avons les avortements eugéniques, c’est-à-dire l’enfant que porte la maman porte une tare et toutes les analyses montrent que l’enfant, s’il naît, sera toujours malade, un poids à trainer par ses parents. Nous avons aussi l’avortement thérapeutique et ici, c’est la vie de la maman qui est en danger. Donc, on décide d’interrompre cette grossesse après des analyses gynécologiques. Et il y a enfin les avortements clandestins qui sont les plus fréquents et qui compromettent le plus, la vie de la maman. C’est cela, le grand problème. Aujourd’hui, 15% des décès maternels sont liés aux avortements clandestins. Et le plus souvent, c’est le cas où la femme estime qu’elle porte une grossesse non désirée pour des raisons liées soit aux problèmes de ménages soit des difficultés financières soit au fait que la maman venait juste de donner vie à un bébé. Alors que dans les normes de la santé de la reproduction, une femme qui accouche doit attendre deux ans avant d’avoir une nouvelle grossesse au risque de mettre en danger sa propre santé et celle du bébé. Toute chose qui affecte les ressources, les revenus du ménage. Alors, pour éviter les avortements clandestins, il faut impérativement recourir aux méthodes contraceptives car pour faire ces avortements, elles ne font pas appel aux services des professionnels de la santé. On consulte les amis, on va voir quelqu’un qui met un corps étranger dans le col de la femme et on dit le col va se dilater, le contenu de l’utérus sera évacué mais pendant ce temps, on s’expose à la perforation de l’utérus, des antres et la femme devient très malade. Elle peut saigner et en mourir. Il y a plusieurs pratiques très dangereuses et d’autres utilisent des produits ménagers très toxiques notamment le potassium ave coca-cola, Guinness, etc. et cela devient une complication, difficile à gérer. Lorsqu’une femme n’est pas prête pour avoir une grossesse, il faut qu’elle utilise les méthodes de contraception. Il en existe toute une gamme. Il y a des méthodes naturelles, des méthodes hormonales et je pense qu’on a suffisamment communiqué là-dessus. D’après l’enquête démographique sur la santé, sur 10 femmes interrogées, 08 femmes au moins vous parleront d’une méthode contraceptive. Pourquoi alors ne pas les utiliser ? Il est donc indispensable d’utiliser les méthodes contraceptives pour éviter les grossesses non désirées afin d’être à l’abri des avortements clandestins.
D’après le contre rapport associatif publié par les organisations de la société civile dans le cadre de la revue du Plan national budgétisé pour le repositionnement de la PF, 9 sur 10 femmes post parthum ne seraient pas sous PF. Qu’est-ce qui explique cela, selon vous ?
Je crois que la responsabilité est partagée étant donné que la communauté ne fait toujours pas confiance aux méthodes de contraception par crainte de complications et autres. En dehors des rumeurs, il faut souligner qu’au niveau des prestataires, les services ne sont pas toujours disponibles. Dans les structures privées, nous sommes confrontés à un problème. Dans nos interventions dans les cliniques privées, nous formons la sage-femme de la maternité et comme le budget ne permet pas d’offrir la formation à tous les agents de la clinique, le problème est que lorsque la sage-femme formée n’est pas de garde, toutes les femmes qui viennent accoucher, ne pourront pas bénéficier des services de la PF. Il y a un problème de disponibilité des services qui se pose. Je pense qu’à l’étape où nous en sommes aujourd’hui avec la PF, l’Etat doit prendre l’engagement de former systématiquement les professionnels de la santé pour l’offre des services de PF.
Quels sont les risques encourus par une femme en post parthum qui n’est pas sous méthode contraceptive ?
Pour les femmes qui accouchent et qui ne sont pas sous PF, il y a des risques de grossesses rapprochées et la femme devient ainsi la risée de sa communauté. En ce qui concerne son pouvoir économique, après avoir porté une grossesse pendant neuf mois, après l’accouchement qui a été peut-être laborieux, elle a toujours la charge du nourrisson et dans ce contexte, elle se retrouve encore enceinte. Que peut-elle faire ? Rares sont les femmes qui acceptent garder deux grossesses dans une même année. D’une manière ou d’une autre, elles se débrouillent pour aller se faire avorter dans la clandestinité. Car la loi interdit l’avortement sauf en cas de viol, d’inceste, de malformation fœtale ou de maladies graves. Mais voilà que cette femme ne remplit aucune des quatre conditions pour qu’elle soit autorisée à avorter.
Les campagnes de sensibilisation et des initiatives pertinentes se multiplient sur le terrain mais les défis à la PF sont encore loin d’être relevés au Bénin ? Que proposez-vous ?
Il faut renforcer les capacités des prestataires, rendre les produits et services disponibles. Il faut également que le gouvernement béninois et les Ptf travaillent à systématiser les services de Pf pour les centres de santé. Aucun agent de la santé ne devrait se voir délivrer son diplôme sans la maitrise parfaite des techniques de méthodes de contraception. J’ai l’impression que l’Etat ne fait pas de la communication autour de la PF. Il faut que l’Etat confie aux professionnels de la santé, des cahiers de charge dans lesquels, ils devront aller parler de la PF sur les émissions de grande écoute. Aujourd’hui, c’est vraiment nécessaire d’espacer les naissances pour permettre à la femme de bien s’occuper du dernier né, de retrouver ses énergies et vaquer à ses activités génératrices de revenus avant de penser à en avoir un autre. Une grossesse qui intervient dans un ménage doit être une source de joie et non source de tristesse parceque ce ne fut pas un souhait.
Propos recueillis par Aziz BADAROU