Les Béninois ne sont pas prêts d’oublier le long week-end de la Pentecôte. Depuis bientôt un siècle, cette célébration chrétienne rime avec la fête identitaire dénommée « Nonvitcha ». Alors que des centaines de personnes s’étaient donné rendez-vous à Grand-Popo ce dimanche 20 mai 2018 pour savourer le « dakouin », ce plat local très prisé, fait à base de poisson frais et de farine de manioc, des milliers de poissons périssaient dans le lac Toho sis à quelques encablures du lieu des festivités. Dès que l’alerte a été donnée, les services compétents du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche ont pris le taureau par les cornes. Préoccupé par l’ampleur du drame, le ministre s’est porté en personne sur le terrain. Le spectacle qui s’offrait à la vue de tous n’avait rien de rassurant. En un laps de temps, les milliers de poissons qui font la richesse de ce cours d’eau ont afflué inertes à la surface.
Très vite, des dispositions ont été prises pour empêcher que les populations ne se ruent sur cette denrée pour la commercialiser et/ou la consommer. Même si on ne peut jurer de rien, on peut valablement estimer que beaucoup de personnes n’ont pas eu accès au site du sinistre pour se gaver. Les populations ayant l’habitude de se ruer par ignorance sur les sites des différents drames dans l’espoir d’y puiser quelques subsides, il était apparu urgent de décourager toute tentative de convoitise de ces poissons dont la consommation est devenue malsaine. A priori, cet acte spontané de sécurité a porté ses fruits. A ce jour, aucun cas d’intoxication alimentaire n’a été officiellement rapporté dans cette région du pays. Après la sécurisation des lieux, des prélèvements opérés par les spécialistes sur les eaux, les poissons et les sédiments ont été envoyés au laboratoire central de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments pour y subir des tests.
Les laborantins sont formels. « L’hypothèse d’une contamination des eaux du lac par une quelconque famille de pesticide ou de médicaments vétérinaires est à exclure. Au regard du degré du phénomène, on pourrait penser à une intoxication aiguë par contamination chimique venant d’une source endogène au lac par infiltration souterraine ». Il n’en fallait pas plus pour que ce résultat suscite un tollé. La communauté scientifique notamment n’est pas allée du dos de la cuiller pour émettre des réserves voire contester les conclusions du laboratoire. Chaque expert y est allé de sa science pour exposer les probables causes de cette mort massive des poissons tilapias. A ce jour, cette guerre des idées, des thèses et des antithèses continue de faire rage. Sans plus attendre, les autorités togolaises dont le territoire est situé à un jet de pierre du lac objet de polémique ont pris des mesures conservatoires en interdisant à bon droit l’importation de poissons en provenance du Bénin.
A cette étape des tiraillements, une contre expertise serait la bienvenue. Elle renseignerait davantage sur les tenants et aboutissants de ce phénomène. Des investigations plus poussées menées par des laboratoires ou des bureaux d’études crédibles achèveront de lever toute équivoque par rapport à ce qui s’est réellement passé. Les conjectures resteront à l’étape de mots tant qu’aucune explication scientifique digne de foi et basée sur les faits ne viendra révéler l’origine du drame. C’est à cette tâche que doit s’atteler le ministère en charge de la pêche mais aussi celui concerné par la protection de l’environnement. Cette synergie d’actions apaisera les esprits et aboutira à la prise de mesures et décisions à même d’assurer à la fois la préservation de la santé des populations et la promotion d’un cadre de vie assaini. Il est plus qu’évident que les associations de consommateurs et celles de défense de l’environnement trouveront en ce phénomène des raisons de démontrer le bien-fondé de leur existence.
Moïse DOSSOUMOU