Cotonou a accueilli, les samedi 2 et dimanche 3 juin derniers, un colloque international portant sur le thème « La Cour constitutionnelle dans le temps : un quart de siècle au service de l’Etat de droit ». Il a été organisé par l’Association béninoise du Droit constitutionnel (Abdc) en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) et l’Institut international pour la Démocratie et l’Assistance électorale (Idea).
Déjà 25 ans d’existence pour la Cour constitutionnelle du Bénin qui depuis 1993 œuvre à la construction de l’Etat de droit. C’est pour marquer cet événement évocateur que des membres de la Cour constitutionnelle, des personnalités et des juristes venus de différents pays ont été appelés à réfléchir sur l’évolution dans le temps de cette institution au Bénin.
L’actuel président de la Cour constitutionnelle du Bénin Théodore Holo a salué cette initiative édifiante. Il a rappelé les missions essentielles de la Cour constitutionnelle et la nécessité de garantir sa crédibilité. Une crédibilité qui est aussi tributaire des membres qui la composent. Dans son décryptage de l’évolution de la Cour constitutionnelle béninoise, l’ancien ministre ivoirien Martin Bléou, professeur titulaire de droit public et de science politique, fait remarquer : « Il y a le temps où la Cour constitutionnelle apparaissait auréolée de gloire parce que garantissant les libertés. Mais depuis ses trois mille décisions, elle a connu des désaveux. Désormais, elle ne compte plus seulement des laudateurs mais aussi des pourfendeurs ». En dépit de ses nombreuses décisions qui imposent l’admiration, il lui paraît important de dessaisir la Cour constitutionnelle de certaines prérogatives basiques ou administratives que les juridictions ordinaires peuvent assurer et de lui réserver les prérogatives capitales qui sont liées à sa seule compétence. Cela, dit Martin Bléou, rendrait à la Cour constitutionnelle toute sa grandeur. Par ailleurs, il trouve dans la dualité entre le texte de la constitution et l’esprit de la Constitution une potentielle source de conflit. Une dualité qui, pour l’ancien président de la Cour constitutionnelle, est indissociable. « Nous sommes au Bénin et aucune interprétation de la Constitution ne peut se passer de l’esprit qui a prévalu dans l’adoption de la loi fondamentale », laisse-t-il entendre.
Cauchemar des politiciens
Invité avec Robert Dossou au titre de grand témoin pour partager l’expérience qu’il a de la Cour constitutionnelle, le député Eric Houndété a déclaré d’entrée que les politiciens redoutent la Cour constitutionnelle. Pour en témoigner, il attire l’attention sur le temps qui s’est écoulé entre l’adoption de la Constitution béninoise et la mise en place de la première mandature de la Cour constitutionnelle. Selon lui, si la Cour constitutionnelle, à travers le temps, a souvent fait preuve d’audace, de courage et de clairvoyance, elle aura quand même fait économie de sagesse par moments. Les décisions relatives à la représentation et au partage entre minorité et majorité, au refus de la révision du mandat des députés à 5 ans, restent gravées dans sa mémoire. « La Cour constitutionnelle est pour moi une institution qui suscite admiration et déception », affirme-t-il. Admiration pour avoir, entre autres, épargné des révisions fantaisistes et déception due à certaines décisions qui semblent contradictoires. Ce qui reste évident, le premier vice-président de l’Assemblée nationale reconnaît que : « Les hommes politiques apprécient la Cour à la lumière de leurs intérêts ».
Le profil du juge constitutionnel selon Robert Dossou
Ancien ministre, député puis président de la Cour constitutionnelle, Robert Dossou peint le profil du juge constitutionnel. Lors du colloque international organisé, les samedi 2 et dimanche 3 juin derniers à Cotonou dans le cadre du vingt-cinquième anniversaire de la Cour constitutionnelle béninoise, il insiste sur les traits distinctifs du juge constitutionnel. Selon lui, il se décrit à travers trois réalités.
Primo, le juge constitutionnel en lui-même, est un homme comme les autres mais porteur de valeurs, notamment le patriotisme, le respect des institutions, l’honnêteté, le souci de l’intérêt général, il n’est pas là pour rendre service.
Secundo, le juge constitutionnel dans sa mission, doit protéger les libertés fondamentales et les droits humains, de construire les institutions de la République et contribuer à asseoir l’Etat de droit. Pour ce faire, il lui faudra savoir apaiser ou taire les velléités fondées sur les intérêts particuliers. In fine, le juge constitutionnel dans son institution, n’est liée à aucun nom. Malheureusement cette mentalité institutionnelle n’est pas une réalité au Bénin. Il ne s’agit pas de la Cour Holo ou de la Cour Dossou, il est question d’une cour sortie des entrailles de la Conférence nationale des forces vives. La Constitution est perçue par le peuple béninois comme sa chose. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force et ce qui rend difficile sa révision.