Révisera ou révisera pas la Constitution? Le débat fait rage. Pour ou contre l’initiative. Ceux qui s’y opposent croient cerner les positions du pouvoir. Des stratèges conseillent d’anticiper un passage rusé du projet querellé.
Sur sa volonté annoncée de réformer la Constitution, le président de la République est repris en chœur. Des thuriféraires ne maîtrisant pas les enjeux réels du reprofilage de la loi suprême continuent de donner de la voix, sans trop convaincre. Pour l’heure, le processus rame et n’indique pas de passer à la vitesse supérieure. L’opacité dénoncée de la démarche, le tollé qu’elle suscite et la veille citoyenne qui anime la fronde d’une opinion publique avertie ont, semble-t-il, fini par avoir raison du chronogramme des initiateurs du projet. On sait seulement que la réforme était prévue pour s’imposer, en dehors du moindre consensus national. Et ce, le long du mandat présidentiel qui déroule son terme. D’ici les deux années à venir ; ses sponsors étant ceux du pouvoir. Et le temps presse en leur faveur.
Les débats de fond qui meublent les temps d’antenne, même timidement, passent pour du dilatoire. Ils consistent à chasser du temps puis à en gagner, à mesure que le pays avance inexorablement vers la fin du mandat du locataire du Palais de la Marina. Boni Yayi qui tient à sa révision mordicus est connu pour être taciturne. Il se raconte qu’il fera tout pour y parvenir. L’homme entend offrir à son peuple chéri les meilleures conditions de vie jamais accordées par l’un quelconque de ses prédécesseurs. Le «Je vous aime, je vous adore!» mille fois clamé pourra enfin avoir de la consistance.
Comme une jurisprudence préméditée
Par son offensive révisionniste, le chef de l’Etat a promis d’éradiquer la corruption à sa racine en introduisant une Cour des Comptes. Des modalités de désignation des membres de l’institution à sa composition, on y perçoit cet autre tigre en papier qu’est la Haute Cour de Justice. Cette dernière cherche ses marques et désespérément son premier client. Depuis quatre mandatures!
Le préalable de la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) reste en suspens et apparait, à ce jour, comme une chimère. Il faut plutôt craindre que quand il sera trop tard, l’instrument suscite le vif intérêt du chef de l’Etat dont la Commission de Supervision de la-Lépi (Cos-Lépi) attend aujourd’hui, pendant qu’il est encore temps, les moyens de poursuivre ses activités. Le cas échéant, même la Bible en mains, Boni Yayi aura du mal à convaincre de sa bonne foi de rétablir la Lépi dans sa forme consensuelle. Dans l’impossibilité d’y arriver, pour défaut de temps, on devrait éviter que la porte de sortie soit proposée de proroger le mandat présidentiel qui s’apparenterait ainsi à un holdup constitutionnel suscité. Les indices en sont la tentative d’allongement, en ce début d’année, de la durée du mandat des députés à l’Assemblée nationale et, de façon encore plus inédite, la prorogation réussie pour un terme indéterminé, du mandat des élus locaux (maires et conseillers communaux). Avec la bénédiction du premier des magistrats de l’Etat, ces actes seront invoqués par les lieutenants du même Boni Yayi à l’effet de masquer la boulimie du pouvoir sous des airs de jurisprudence appropriée. Le recours aux dispositions légales comme barrage à la mascarade pourrait être voué à l’échec. L’article 50 de la Constitution ne prévoit la vacance de la Présidence de la République qu’«en cas de décès, démission ou empêchement définitif…». Boni Yayi, qui ne serait invalidé par aucune de ces éventualités clairement spécifiées, pourra toujours se considérer hors de cause. Il peut ainsi fonder sa légitimité à se maintenir au pouvoir; à charge pour les institutions de la République, dont l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle, de se rattraper en prenant une loi spéciale. Et on ne devrait pas compter sur elles pour espérer une remise à l’endroit de la médaille: ces institutions auront contribué à la crise de confiance qui secoue actuellement le pays.