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Traite d’enfant / 18e dossier : Quatre trafiquants d’enfant punis de réclusion criminelle

Publié le mardi 12 juin 2018  |  La Nation
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© Autre presse par DR
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Le vendredi 8 juin dernier, c’est d’une affaire de traite d’enfant qu’a connu la cour d’assises d’Abomey. Quatre jeunes gens étaient sur le banc des accusés pour répondre de ce crime. L’un écope de 10 ans et les trois autres prennent 8 ans de réclusion criminelle chacun. Ils ont appris à leurs dépens qu’un être humain n’est pas une marchandise à vendre pour s’enrichir.

Après de longs débats sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette affaire de vente d’enfant, la cour a décidé de condamner à 10 ans le père adoptif de l’enfant et à 8 ans chacun de ses trois acolytes impliqués dans l’opération de vente. En effet, cette affaire de traite d’enfant inscrite au rôle de la présente session de la cour d'assises d’Abomey a pour théâtre les localités de Guinwa en Côte d'Ivoire et Toviklin au Bénin.
Tout est parti de l’initiative du Béninois Innocent Sogbédji, 22 ans, cultivateur à Guinwa en Côte d’Ivoire. Originaire de Toviklin, il est parti en aventure pour mieux gagner sa vie. Mais en Côte d’Ivoire, il s’amourache d’une jeune dame nommée Lydia Yanblé qui a déjà eu deux enfants dans un précédent mariage. Elle croyait avoir enfin trouvé son amour et un père pour ses enfants. Les deux se mettent ensemble avec les enfants. Le Béninois devient ainsi le père adoptif de deux petits ivoiriens. Le concubinage ne donne pas de limite à leur amour. Tout semblait parfait. La dame faisait confiance à son homme, un Béninois sans histoire. Ils étaient dans cette vision du bonheur jusqu’en août 2012, quand Innocent eu l’idée de devenir riche. Mais comment faire pour y parvenir ? Il réfléchit tout le temps et sérieusement pour trouver le filon. Et il a fini par trouver la formule : vendre l’un des enfants de sa concubine. Il en discute quelques jours après avec deux amis avec lesquels il met en place la stratégie pour matérialiser ce projet. Il s’agit de Bienvenu Djisségbé, 23 ans, et Germain Mègbléto, 25 ans, tous des Béninois résidant en Côte d’Ivoire comme lui. Les trois prennent rapidement contact avec un autre ami resté à Toviklin au Bénin. Celui-ci s’appelle Louis Klakla, très dynamique et capable de trouver le preneur pour un tel "produit". Louis est conducteur de Zémidjan et vendeur d’essence. A 20 ans, il est marié à deux femmes et père de quatre enfants. Dans cette affaire, il est chargé de prospecter le terrain pour trouver un preneur. Les quatre amis associés fixent le prix et de l’enfant à 20 millions de F Cfa. Puis la clé de répartition du montant est définie à la fin de l’opération.

Une fois toute l’opération planifiée, Louis qui est à Toviklin donne le top. Les trois qui sont en Côte d’Ivoire peuvent descendre avec l’enfant à vendre. Innocent propose à sa concubine de lui laisser son enfant Hermann C., 7 ans en classe de Cm 1 pour l’accompagner au Bénin pour les vacances. La dame ne s’est doutée de rien et donne son accord. Elle est loin de s’imaginer que l’homme avec qui elle partage son intimité pourrait avoir le projet de vendre son enfant. Un enfant qui est aussi le sien puisqu’il en est désormais le père adoptif.

Coup foiré mais sanctionné

Innocent prend le petit Hermann C. puis, il fait signe aux deux autres amis impliqués dans l’opération pour le rejoindre. Les trois et le petit prennent la route du Bénin. Après quelques jours, ils arrivent Toviklin. Ils sont accueillis et hébergés par Louis, l’homme qui est chargé de trouver un preneur. Bien qu’étant de Toviklin, les trois venus de la Côte d’Ivoire ne rentrent pas chez eux pour ne pas éveiller les soupçons. Ils sont tous logés chez Louis avec l’enfant à livrer. Mais le preneur trouvé par Louis n’est toujours pas visible. La vérité est qu’il n’avait trouvé personne. Il attendait sans doute de voir aussi le "produit" avant d’accélérer la prospection.
Et il a effectivement commencé les recherches. Mais il tombe sur quelqu’un qui les dénonce à la gendarmerie. C’est ainsi que tout le groupe sera interpellé par les Forces de l’ordre. Le coup vient de foirer. Au lieu de rentrer avec les millions dont ils rêvaient, c’est en prison qu’ils se retrouvent.
Déposant à la barre le vendredi dernier, les trois présumés « venus de la Côte d’Ivoire », Innocent, Bienvenu et Germain ont reconnu les faits tandis que Louis Klakla chargé de trouver le preneur a tout nié.
Le ministère public représenté par le magistrat Florent Gnansomon est allé chercher dans la mythologie grecque relative à Crésus pour justifier le comportement de ces jeunes qui, au lieu de s’enrichir par le travail, ont préféré vendre un être humain comme du bétail afin de s’enrichir. Une avidité qui les conduits à cet ignoble crime en passant en convention l’enfant qu’ils ont enlevé à la mère par ruse et tromperie. Ce faisant, ils tombent tous les quatre sous le coup des dispositions de l’article 396 du code de l’enfant qui prévoit que « Quiconque se livre à la traite d’enfants encourt dix (10) ans à vingt (20) ans de réclusion. Dans tous les cas où la traite d’enfants a lieu avec recours à l’un des moyens énumérés à l’article 398 de la présente loi, ou lorsque la victime est soumise à l’un des actes prévus à l’article 399 de la présente loi, le ou les coupables sont passibles de la réclusion à perpétuité. Le coupable est également puni de la réclusion à perpétuité, si l’enfant n’est pas retrouvé avant le prononcé de la condamnation ou est retrouvé mort ». Et pour conclure, Florent Gnansomon constate que les faits sont bel et bien constitués et propose à la cour de les condamner à 12 ans de réclusion criminelle.
La défense assurée par les avocats Maximin Cakpo-Assogba, A. M. Claret Bedié, Romain Dossou et Angelo Hounkpatin, proteste contre les réquisitions du ministère public qui parle de convention. Pour les avocats, il n’existe aucune convention car, « une convention met forcément en face l’offre et l’acceptation ». Dans le cas de cette affaire, l’opération n’est pas allée à son terme puisqu’il n’y a pas d’acheteur. Tout en plaidant pour la disqualification de traite d’enfant en déplacement d’enfant, les avocats demanderont à la cour de plutôt voir les âges des accusés et leur niveau. Ils sont tous dans la vingtaine et sont sans instruction. Vu comme tel, ils sont donc aussi des victimes de la société. Ils suggèrent à la cour d’avoir la main légère pour ne pas les renvoyer en prison et en faire des criminels endurcis.
Après plusieurs heures de suspension, la cour délibère en condamnant Innocent Sogbédji à 10 ans de réclusion criminelle; Bienvenu Djisségbé, Germain Mègbléto et Louis Klakla à 8 ans de réclusion criminelle pour traite d’enfant ?

Valentin SOVIDE, AR/Zou-Collines
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