Désormais le Bénin peut se réjouir de disposer de son propre Code pénal ; un Code pénal made in Bénin. Il est l’œuvre de la classe judicaire de notre pays. Il est fondé sur les expériences béninoises, sur notre tradition, sur nos vécus, nos us et coutumes. Le présent Code vient remplacer celui qui s’applique en Afrique occidentale française dont le Bénin a hérité depuis 1877. Le Bénin aura donc mis 141 ans soit près d’un siècle et demi pour se doter de son propre recueil de lois qui dicte les comportements des citoyens, prélude d’une paix et d’une cohésion sociale. Le Code définit, par ailleurs, les sanctions subséquentes en cas d’infractions. Ce recueil porte dorénavant l’empreinte des Béninois qui ont eux-mêmes défini les fondements de ces dispositions et les sanctions qui les accompagnent à travers le vote de leur représentation le mardi 5 juin à l’Assemblée nationale. Souverainement, ils ont préparé les chicottes à la mesure de leur forfaiture. Ce Code n’attend que la signature du Chef de l’Etat pour entrer en application. Il sera promulgué sans tarder et deviendra l’épée de Damoclès sur la tête des Béninois, pour la plupart analphabètes en langue française. Ils ne connaîtront peut-être pas ou jamais le contenu du document qui compte 1007 articles répartis en quatre livres, soit 251 articles en moyenne par livre.
En effet, la majorité des Béninois ne sait ni lire ni écrire en langue française. Et voilà, un document rédigé en français qui leur impose dorénavant des dispositions à connaître pour mieux vivre ensemble. Sur près de 11 000 000 habitants, le Bénin compte à peine 2% d’individus pouvant à peine lire, écrire et s’exprimer en langue française. De ce nombre, combien sont-ils à pouvoir lire de façon soutenue et compréhensible un document d’une vingtaine de pages ? Et à fortiori, quatre livres de plusieurs centaines de pages ? Le doute dans ce cas est assuré. Même les auteurs de ce recueil de lois sont incapables de nous citer avec exactitude le contenu des différents articles dudit document. La preuve est là que les praticiens du Droit (Magistrat, Avocat, Huissier ou Greffier) ont parfois du mal à se retrouver dans cet amas de document de 1877 et des textes législatifs et règlementaires additionnels. Et comme l’affirme d’ailleurs un patricien du Droit, "il n’est pas d’ailleurs humainement possible de se rappeler tous les textes répressifs qui existent et de se remémorer tous les éléments constitutifs des infractions1 " Que dire donc du citoyen ordinaire, non praticien du Droit et de surcroît ne sachant ni lire ni écrire en langue française ? Il ne sera qu’une victime malheureuse d’une injustice institutionnalisée. Il tombera inconsciemment sous le coup des infractions dont il n’a nullement connaissance. Hélas ! C’est ce qui s’observe souvent lorsque le citoyen se retrouve sous les mailles de la police judiciaire et que celle-ci porte à sa connaissance" les faits répréhensibles qui motivent l’action publique dont il est l’objet2" . Il devient pantois, doute de ce qu’on lui reproche et ne sait même pas quoi répondre. Or, il est souvent clamé un principe du Droit qui stipule que "Nul n’est censé ignorer la Loi". Encore faut-il que cette Loi soit portée à la connaissance du public. Mais, pour un public comme celui du Bénin, foncièrement analphabète, c’est une véritable gageure.
Si depuis 1877 le Bénin est régi par un Code pénal suranné, non adapté à ses réalités sociales et sociétales, non connu des populations, il est temps de sortir de cette aberration ; car une population qui connaît les lois de son pays est une population qui se porte mieux. L’Etat béninois doit se donner cette mission. Il doit assumer ses responsabilités. Il ne suffit pas que les parlementaires votent ou adoptent le Code pénal pour qu’il devienne une réalité tangible. Du vote du Code à sa connaissance par le public, il y a un grand fossé que l’Etat devra franchir ; sinon, il fera des victimes innocentes, incapables de prendre la mesure réelle des infractions qu’on leur reproche. Il se pose dès lors, la question irréversible de la vulgarisation de ce Code pénal de 1007 articles. Quand sera-t-il mis à la disposition du public ? Il n’est pas réalisé pour être enfermé dans les tiroirs du pouvoir public. Il doit être commenté, expliqué, popularisé, si l’on veut qu’il soit efficace et efficient. C’est le défi à relever pour voir le Béninois changer de comportements. Le défi est grand, voire insurmontable car comme le soulignait déjà un praticien béninois de Droit, s’agissant les textes législatifs et réglementaires qui régissent la vie des Béninois " dans le contexte béninois, le Code pénal n’est pas le seul document qui contient tous les textes répressifs. Ceux-ci sont nombreux et épars. La non-parution du Journal Officiel au cours de la période de promulgation de la plupart des textes actuellement en vigueur accentue les difficultés 3". Voilà, le hic ! Si déjà le Journal Officiel de l’Etat n’arrive pas à paraître et pire à mettre à la disposition du public les textes promulgués ; que dire d’un ouvrage du 1007 articles qui devra être porté à la connaissance du public avant d’être promulgué ? La situation devient dès lors inextricable. Il faut cependant persévérer, faire preuve de bonne volonté pour se conformer à la Constitution du 11 décembre 1990 en son article 8 qui stipule "La personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses concitoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi". Aujourd’hui, le Code pénal n’est connu que de quelques élites. Or selon la Constitution, l’Etat doit à ses concitoyens l’égal accès à l’information. Le Code pénal n’est pas un simple, un vulgaire et un banal document dont on peut se passer. C’est le recueil des textes législatifs et réglementaire qui régit notre vécu quotidien et qui dicte comment se comporter dans la société béninoise. L’Etat a le devoir impérieux de le faire connaître, de le vulgariser, de le populariser. Il ne sera donc pas juste, équitable de condamner un citoyen pour des infractions dont il n’aura pas été prévu auparavant.
La communication constitue donc l’avant-dernier maillon du processus de production de ce Code pénal. L’Etat doit mettre en place un plan stratégique de communication autour de ce Code. On dit souvent que "la peur du gendarme est le début de la sagesse". La peur des sanctions prévues par le Code pénal réduira les contraventions, les délits et les crimes. Le Bénin pourra alors se réjouir et se flatter d’avoir un Code pénal qui contribue à apaiser les tensions et les passions pour une meilleure cohésion sociale et un développement durable.