A la faveur d’une conférence publique tenue mercredi au Codiam, à Cotonou, le Parti communiste du Bénin a passé au scanner le projet de révision de la constitution initié par le gouvernement et transmis au parlement. Il y a décelé « beaucoup d’incongruités juridiques» et exigé, à son tour, son rejet pur et simple.
Les arguments avancés par les révisionnistes et les antirévisionnistes sont-ils les meilleurs ? Le Parti communiste du Bénin (Pcb) n’y croit pas à l’étape actuelle des débats. D’où la conférence publique qu’il a organisée ce mercredi au Codiam pour apporter ses propres critiques en se basant sur des aspects purement techniques. Le conférencier du jour était le Professeur Philippe Noudjènoumè, président du Pcb, assisté de plusieurs autres ténors du parti. «Jusque-là, les débats ont tourné autour de l’opportunité ou non de cette révision. Ce qui me parait superflu », fait-il observer, soucieux d’apporter des éléments d’interprétation plus sérieux, en sa qualité, dit-il, de professeur de droit public et de droit constitutionnel à l’Université d’Abomey-Calavi. Si une simple révision n’entraîne pas une nouvelle république, il y a beaucoup de confusions sur la question, a indiqué le conférencier qui a aussi insisté surtout sur le préambule qu’il qualifie d’élément fondamental d’une constitution. Il évoque ici le cas de la France tant cité dans cette histoire, pour rapporter que ce pays n’a touché qu’une seule fois à son préambule, en dépit des nombreuses révisions de sa constitution. Ce qui n’est pas le cas dans le présent projet où le préambule a été reformulé en grande partie. Il dénonce également le nombre surabondant des articles à modifier, indiquant qu’ils sont en réalité plus que 27, d’après ses propres investigations.
« Ce projet de révision touche à l’exercice fondamental du droit de grève au Bénin », fustige par ailleurs le Professeur Noudjènoumè qui cite, notamment, l’article 31, où il a été mentionné que même si l’Etat reconnaît et garantit le droit de grève, il donne également obligation au respect de la continuité du service public. «Cet élément, en complément, annihile totalement le droit de grève que nous avons pourtant arraché de hautes luttes », désapprouve le conférencier. Entres autres observations, il se demande aussi en quoi la Cour des comptes proposée est plus utile que la chambre des comptes actuelle. De même, la constitutionnalisation de la Cena, ne lui paraît pas une innovation majeure de ce projet, d’autant que cet organe n’est que « technique ».
L’imprescriptibilité des crimes politiques
« Avec ce nouveau projet, la Cour constitutionnelle peut s’arroger tous les pouvoirs de la Cour suprême en ce qui concerne ses droits administratifs », constate aussi le conférencier qui a aussi fait remarquer sur le même ton que ce projet de révision de la constitution organise une méfiance à l’égard du parlement, car « désormais, on restreint aux députés la jouissance de l’exercice de leur immunité parlementaire ».
Le ton un peu plus levé, le professeur Philippe Noudjènoumè martèle, en définitive, qu’ «il n’est pas question d’accepter cette révision-là, parce qu’elle ne tient pas compte de nos réalités et n’est pas l’expression de notre peuple ». Il propose, pour sa part, d’autres éléments à y insérer, qui lui paraissent essentiels. Au nombre de ceux-ci, l’imprescriptibilité des crimes politiques, l’introduction des langues nationales dans le système éducatif, la protection des opérateurs économiques béninois contre la concurrence déloyale des grands monopoles étrangers, la prise en compte des royautés nationales, etc.