La Russie n’a pas lésiné sur les moyens pour préparer la coupe du monde de football qui démarre ce jeudi. Sur la période 2013-2023, les dépenses liées à l’événement sont estimées de 26 à 31 milliards de dollars (environ 13.000 à 15500 milliards de FCFA), avec un surcroît de produit intérieur brut de 2% à la clé. Selon Patrick Zweifel et Nikolay Markov, économistes chez la société de gestion genevoise Pictet Asset Management, 220.000 emplois ont été créés en quatre ans dans le pays du fait de l’organisation de la compétition.
En réalité, les pays occidentaux ont fait ce qu’ils peuvent pour discréditer Vladimir Poutine et son pays, dans le cadre de l’organisation de ce mondial. A la suite de la tentative d’assassinat par empoisonnement dont a été victime l’ex-espion russe Serguei Skripal et sa fille, la Grande-Bretagne a en effet dressé des sanctions économiques ciblées contre le pays, tout en procédant à l’expulsion de plusieurs diplomates russes soupçonnés d’espionnage sur le sol anglais. Les Etats-Unis en ont fait de même. Ici aussi, des sanctions ciblées ont été appliquées, non seulement contre les oligarques russes proches du maitre du Kremlin, mais aussi contre des diplomates soupçonnés d’être des agents de renseignement russe sur le sol américain. Dans un cas comme dans l’autre, l’on a trop vite fait d’oublier que la Russie est sortie de la crise économique et qu’elle est redevenue un pays prospère. L’embellie pétrolière est passée par là.
La Russie est l’un des principaux pays producteurs et exportateurs de pétrole. Elle produit environ 11 millions de baril par jour, au coude à coude avec l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. Les exportations dépassent 5 millions de baril, ce qui permet à la Russie de pointer au second rang mondial, après les Saoudiens. Et le pays dispose encore d’immenses réserves. Son potentiel en matières premières constitue l’un des plus importants au monde : hydrocarbures, métaux, hydroélectricité, charbon, fer, or…Dans ces conditions, les dépenses du mondial sont loin d’être un handicap pour cette économie, qui est sortie plus grandie de la crise pétrolière.
Ces investissements paieront-ils ? A la veille de chaque coupe du monde de football, une bonne partie de ceux qui n’aiment pas beaucoup ce sport, se posent la même question : ces investissements serviront-ils à quelque chose ?
Et pour sûr, tandis que les Russes se vantent d’organiser le mondial le plus cher de toute l’histoire, 18 milliards de dollar (9000 milliards de FCFA) ont été dépensés par le Brésil il y a quatre ans lors du mondial 2014. 78 % de ces dépenses ont été financées par le secteur public. Le paradoxe, c’est qu’une bonne partie des infrastructures mises en place dans ce pays il y a quatre ans n’ont pas servi à grand-chose après. Par exemple, le stade de Brasilia qui a coûté plus de 400 millions d’euros (plus de 200 milliards de FCFA) pour 70 000 spectateurs, attire rarement 10 000 personnes en temps normal. En Afrique du Sud, hôte de l’édition 2010, la dette extérieure est passée de 70 milliards de dollars (35.000 milliards de FCFA) avant la Coupe du monde à 135 milliards de dollars (67500 milliards de FCFA) quelques années plus tard. Et cela se passe dans un pays dont 52 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La FIFA, quant à elle, a engrangé 2,7 milliards d’euros (1768,5 milliards de FCFA) pour cette édition. Conclusion, l’investissement du mondial n’est pas rentable, en tout cas, pas à court ni à moyen terme. La Russie n’échappera pas à la règle.
Pour le pays, c’est une dépense de prestige qui l’aidera à sortir de l’isolement diplomatique où l’oblige la crise avec le monde occidental. Mais en même temps, l’investissement public dans l’économie est un des moteurs de la croissance. Depuis Keynes en effet, on sait que les ressources ainsi injectées font grimper la consommation, en améliorant d’autant la santé des entreprises nationales bénéficiaires des chantiers. Elles créent des emplois et font tourner d’autres secteurs. Les retombées géostratégiques ne sont que tout bénéfice. En un mois, le monde aura les yeux rivés sur la Russie. C’est une occasion en or pour soigner l’image d’un pays qui sort à peine de crise économique.
A partir de ce jeudi et jusqu’au 15 juillet, il y aura du foot à la télé. Mais en Russie, les enjeux dépassent largement le beau jeu. Et la coupe elle-même.