Mamoudou Gassama a été accueilli en héros ce samedi 16 juin à l’aéroport de Bamako. Radio France International (RFI) parle d’« une foule en liesse, chantant et dansant » qui l’attendait à l’aéroport international Modibo Keïta de Bamako. On le voit en effet sur les réseaux sociaux saluer ses nombreux fans depuis une imposante berline, en faisant le V de la victoire et en affichant le large sourire des vainqueurs. Alors question : que célèbre-t-on ainsi à Bamako ?
Les Français n’en finissent pas de rendre hommage à ce jeune malien de 22 ans, parti de son pays alors qu’il n’en avait que 17. Il est devenu un héros pour les Français pour avoir sauvé un enfant d’une chute de quatre étages, en escaladant la façade d’un immeuble du XVIIIème arrondissement de Paris. C’était le 26 mai dernier. La renommée du« Spiderman du XXIème » est devenue si virale que l’équipe de football du Brésil n’a rien trouvé d’autre à faire que de l’inviter à son dernier match d’entrainement en Autriche. Gassama a eu l’occasion de rencontrer Thiago Silva et Marcelo, mais aussi l’entraineur de la Seleçao en personne, Tite. Marcelo, le madrilène lui a même offert son maillot avec une dédicace portant le message suivant: « Avec affection, pour un grand héros ».
C’est assurément un destin exceptionnel que celui de ce jeune qui passe de l’ombre à la lumière la plus éclatante, juste par un geste spontané qui aura ému tout le monde. Le 28 mai dernier, c’est Emmanuel Macron, le Président français qui le reçoit, et qui salue en lui « un exemple ». Une procédure de naturalisation est enclenchée pour faire du nouveau « Spiderman » un Français à part entière, alors qu’il vivait en clandestinité en France depuis son arrivée sur les bords de la Seine en septembre dernier. Et la ville de Paris l’a aussi honoré en lui octroyant la médaille Grand Vermeil de la Ville, décernée par la maire Anne Hidalgo, le lundi 04 juin. De plus, MamoudouGassama devrait intégrer le 1er juillet prochain la caserne des sapeurs-pompiers de Champerret située dans le XVIIème arrondissement de Paris. Ce vendredi, c’est la chaine de télé C8 qui lui remet son trophée célébrant « l’image de l’année ». Et le héros a été proposé pour participer à la saison 9 de l’émission « Danse avec les stars » sur TF1. Il n’y a donc pas de doute : MamoudouGassama est un héros sorti de nulle part.
Mais ce que l’on célèbre à Bamako est probablement très éloigné du geste de ce qu’on célèbre à Paris. C’est moins l’enfant sauvé que la nationalité française qu’il a décrochée. En devenant français, le Malien donne espoir à des millions d’autres de ses concitoyens qui rêvent de s’en aller de leur enfer de pays. MamoudouGassama constitue effectivement pour cette légion de désespérés une fenêtre de lumière dans une nuit d’obscurité et de désespoir où s’enfonce leur pays. On n’oubliera pas de rappeler que le héros lui-même a dû traverser le désert et la mort qu’il répand, braver le danger en Libye avec ses dizaines de milices en guerre, traverser la Méditerranée avec ses risques de naufrage, affronter les complications administratives d’une Europe qui en a plus qu’assez de devoir accueillir toute la misère du monde.
Tous ces dangers que la plupart des migrants connaissent avant de prendre la route de l’inconnu, n’ébranlent guère leur détermination de partir. Au péril de leur vie, prêts à mourir pour quitter l’enfer, une bonne partie des jeunes africains est malheureusement comme lui. Ils veulent s’en aller, quoi que cela puisse coûter. On accusera les dirigeants pour leur insensibilité aux maux qui nous minent. D’autant d’ailleurs que jusqu’ici, face à la crise migratoire, presque aucun Chef d’Etat africain n’a osé prendre la parole pour dénoncer les mauvais traitements infligés à leurs compatriotes en Europe.
Mais le vrai problème, c’est qu’à force de croire qu’il n’y a pas d’espoir ici, beaucoup de jeunes ferment les yeux sur les opportunités qui les côtoient au quotidien. Ce sont les Français, les Chinois, les Libanais et autres Indo-Pakistanais qui se battent pour occuper le vide qui se crée ainsi. Pour eux, nos pays sont des opportunités à saisir à tout prix. Ce n’est plus un paradoxe : c’est une honte.