L’effet de contagion est manifeste. Comme Patrice Talon à la tête de l’Etat, Joseph Djogbénou place sa présidence à la Cour constitutionnelle sous le sceau des réformes. A peine a-t-il été installé dans ses nouvelles fonctions qu’il annonce les couleurs. La 6ème mandature de la haute juridiction s’engage à révolutionner les habitudes. La toute première assemblée générale qui s’est déroulée le lundi 11 juin dernier a abouti à la révision du règlement intérieur. Initiées par le président de l’institution et approuvées par les conseillers, ces nouvelles mesures visent l’accélération des procédures et le renforcement de la transparence dans la prise des décisions. Tout porte à croire que Joseph Djogbénou a nourri dans le secret de son cœur ce projet jusqu’à maturation. C’est pourquoi il ne s’est donné aucun répit dès sa prise de fonction. A partir de demain, mardi 19 juin, les nouvelles mesures entreront en application.
« Cette importante modification vise à régler le problème de la prise en compte, dans le fonctionnement de l’institution, des impératifs de transparence, de contradictoire et de célérité, qui sont les composantes essentielles du droit à un procès équitable, droit sur lequel la Cour n’hésite pas à condamner d’autres juridictions ou organes ». Cette 6ème mandature veut effacer de la tête des Béninois l’idée selon laquelle la Cour serait une boîte noire de laquelle sortent des décisions. La procédure secrète en rajoutait au mystère qui entourait l’office du juge constitutionnel. A présent, la procédure n’a plus son caractère secret et s’ouvre au public. A cela s’ajoutent l’instauration du caractère contradictoire mais aussi la célérité quant aux décisions de la Cour. Auparavant considérée comme un couvent, la juridiction constitutionnelle se vide de son caractère mystérieux en opérant des modifications importantes sur son fonctionnement.
Le nouveau règlement intérieur dispose que « la procédure devant la Cour constitutionnelle est écrite, gratuite et contradictoire. Elle est publique, sauf décision contraire de la Cour ». Cette nouvelle mesure a induit la création de deux Chambres de mise en état des dossiers dont le rôle sera de convoquer les parties aux audiences. Chacune d’elle sera appelée lors des audiences publiques, à produire des pièces, documents et mémoires, exposer ses prétentions et pourra même discuter des prétentions de la partie adverse. Au terme des audiences qui permettront aux parties de jouir du principe du contradictoire, « le juge rapporteur aura tous les éléments nécessaires pour mettre le dossier en état d’être présenté à l’audience plénière de la Cour qui reste secrète selon le principe des délibérations ». C’est de cette manière que la 6ème mandature compte épuiser le stock des 176 dossiers dont elle a hérité de la mandature précédente.
Une chose est certaine. Joseph Djogbénou et le collège des conseillers de la Cour ne veulent pas compter pour du beurre. C’est pour cela qu’ils ont vite fait de poser les jalons de leurs futures décisions. Ils ont le mérite d’opter pour les innovations au sein d’une juridiction qui s’est enfermée dans le conservatisme pendant un quart de siècle. A l’épreuve de la pratique, les Béninois apprécieront la pertinence de ces nouvelles mesures. Mais cette mandature qui vient de prendre les rênes de la Cour constitutionnelle est très attendue quant à la qualité de ses décisions. A eux de faire montre du devoir d’ingratitude vis-à-vis des pouvoirs qui les ont désignés. Dans la République, ils occuperont une place de choix au cours des cinq prochaines années. A tous égards, il leur faudra opter pour la responsabilité, la dignité et la maturité. Avant eux, d’autres l’ont fait du mieux qu’ils ont pu. A leur tour, ils peuvent faire beaucoup mieux que leurs prédécesseurs. C’est une question de volonté.
Moïse DOSSOUMOU