Ils ont eu la peur de leur vie et n’oublieront pas de sitôt la journée d’hier mardi 26 juin 2018. Sous le coup d’un mandat de dépôt, à deux doigts d’entamer un séjour carcéral à durée incertaine, ils ont fini par recouvrer la liberté. Mais à quel prix ! Tous agents de la mairie de Cotonou, occupant des fonctions stratégiques, ils ont été appelés à répondre de leur laxisme pour ce qui est de la propreté de la ville. Excédé par l’état insalubre de la métropole, le procureur de la République près le tribunal de première instance de première classe de Cotonou a fini par prendre ses responsabilités. C’est ainsi que Lambert Ayitchehou, directeur des services techniques, Sètondji Hounkpè, directeur de cabinet du maire, Léonard Comlan Adjovi de la cellule de contrôle des marchés publics et Arsène Tonato, secrétaire de la personne responsable des marchés publics auront désormais le cœur à l’ouvrage.
Accusés d’abus de fonction et de complicité de pollution esthétique, ils ont été présentés à l’audience de comparution immédiate avec comme témoin à charge un certain Isidore Gnonlonfoun, maire par intérim de Cotonou. Au terme des débats, ils ont été retenus dans les liens de complicité de pollution de l’environnement. Relaxés, ils ont néanmoins écopé chacun d’une amende de deux cent mille francs. Ne pouvant pas s’arrêter en si bon chemin, le « tribunal ordonne aux prévenus avec la diligence du maître d’ouvrage qu’est la mairie de Cotonou de prendre toutes mesures nécessaires pour l’assainissement de la ville avant le 15 juillet 2018 ». Une fois remis de leurs émotions, les mis en cause qui n’ont pu bénéficier du soutien de leur responsable hiérarchique, savent mieux que par le passé, qu’ils devront accomplir leurs missions avec promptitude et efficacité. Les administrés ne peuvent que se frotter les mains.
Vraisemblablement, dès les premiers jours, on devrait assister à une remise en cause des habitudes qui ont cours au sein de l’administration municipale. En sifflant la fin de l’indolence et de l’amateurisme, le juge suscite dans le cœur et l’esprit des mis en cause mais aussi de tous les travailleurs de la mairie, l’envie et la volonté de remplir chacun sa part de travail avec conscience et dévouement. Depuis que le Bénin a repris l’expérience de la décentralisation, courant 2002-2003, les communes ont toujours brillé par leur incompétence à assainir le cadre de vie des populations. Cotonou, qui reste la vitrine du pays, n’a pas réussi jusque-là à relever ce challenge. Les tas d’immondices font partie intégrante du décor de la ville. Les plaintes récurrentes des citoyens n’ont jamais abouti à la promotion de la propreté tant espérée jusqu’à hier où il y eut le déclic.
Avec le couperet de la justice qui plane désormais sur leurs têtes, les agents indexés et tous les autres qui prêtent leurs services à la mairie sont convaincus que plus rien ne sera comme avant. A moins qu’ils soient d’irréductibles citoyens au service d’intérêts opposés à l’intérêt général, les travailleurs de la mairie et les prestataires devront changer d’attitude, car ils ont désormais le feu aux fesses. L’acte posé par le procureur général est pédagogique. Il annonce des temps nouveaux pour toutes les communes du Bénin. A défaut d’être conjuguée au passé, l’insalubrité notoire observée çà et là ne sera plus de mise. Le maire par intérim qui n’a pas su inciter ses collaborateurs à agir dans le sens souhaité est tout aussi condamnable. Heureusement que la justice veillait au grain.
Moïse DOSSOUMOU