La révision de la Constitution béninoise souhaitée par le président Patrice Talon et autorisée jeudi soir par le Parlement va être soumise à référendum, la majorité de députés nécessaire à son adoption n’ayant pas été atteinte dans la nuit de jeudi à vendredi.
Le principe de la révision avait été adopté jeudi soir par 62 des 83 députés (1 abstention), sachant qu’une majorité des trois quarts de la Chambre est nécessaire pour engager une modification de la Constitution béninoise.
Plus tard dans la nuit, les députés ont procédé au vote de la proposition de loi, qui requiert les 4/5e, soit 66 députés. Mais la majorité n’ayant pas dépassé les 62 voix pour, la modification de la Constitution sera soumise à un référendum.
Le vote du Parlement béninois jeudi soir a ouvert la voie à des propositions concrètes de modification de la Constitution. L’exécutif entend notamment consacrer l’amélioration de la représentativité des femmes au sein de l’Assemblée nationale, supprimer la peine de mort, instaurer une Cour des
Comptes et regrouper toutes les élections.
Le vote de jeudi est intervenu après des débats houleux au cours desquels
les députés de la minorité parlementaire (opposition) se sont fortement
opposés à ce projet.
La question du regroupement des élections, avancée par ses défenseurs pour
réduire les coûts, ne fait pas consensus, certains craignant que la durée des
mandats soient allongée pour faire coïncider les scrutins.
"Il s’agit d’un piège", a dénoncé Valentin Djènontin, un des députés de
l’opposition.
"Il n’y rien de suspect dans ce qui est proposé", s’est défendu au cours des débats, Barthélémy Kassa, député révisionniste.
"S’il est majoritairement admis que les élections sont trop fréquentes et
reviennent trop chers au pays, il faut donc dans une perspective d’élections
générales procéder à un alignement des différents mandats sur une même année", explique Souleymane Koto Yérima, politologue et spécialiste des questions électorales.
Néanmoins prévient-il, il faut "le maintien du mandat présidentiel".
L’année dernière, le Parlement s’était déjà opposé à une proposition de
modification portée par le président Talon, qui souhaite un mandat présidentiel unique de sept ans (contre deux mandats de 5 ans actuellement).
Les opposants à ce nouveau projet de modification craignent que ce soit un
moyen détourné pour l’exécutif de remettre en place cette idée chère au
président.
"Le texte de la proposition a peut-être manqué de précision relative au
déroulement des prochaines échéances électorales", note M. Yérima.
Dans le calendrier actuel, les élections législatives se tiendront en 2019,
les communales et locales en 2020 et la présidentielle en 2021.
Si M. Yérima pense que la modification de la constitution est positive dans
son ensemble, il déplore tout de même "la précipitation législative appuyée
par le climat de méfiance accrue. (...) Seul un climat de confiance et non de
ruse, de méfiance et de suspicion peut permettre la révision".
La proposition est désormais renvoyée au vote populaire, mais les électeurs
béninois auront à donner leurs avis sur de nombreux points très différents les
uns des autres: peine de mort, calendrier électoral, représentation des femmes
en politique...
Un "risque pour la crédibilité internationale pour le Bénin", selon Ralmeg
Gandaho, juriste et spécialiste des droits de l’Homme.
"La peine de mort ne peut être encore soumise au référendum. Reposer cette
question au peuple est un risque", répond-t-il à l’AFP.
Cela pourrait davantage ressembler à un réferendum pour ou contre la
politique de Patrice Talon, à la mi-mandat: un pari risqué pour le chef de l’Etat qui subit de plus en plus de critiques, notamment pour sa politique libérale.