La croissance économique du Bénin pourrait atteindre les 6% selon la Banque Mondiale. Dans un rapport portant sur les perspectives économiques dans le monde et rendu public en juillet dernier, la Banque mondiale note que notre pays devrait enregistrer une croissance remarquable cette année, ce qui le propulse dans le peloton de tête des plus fortes croissances économiques du continent pour 2018. La moyenne africaine selon la Banque Mondiale est de 3,2%.
Brièvement, on notera dans ce rapport qu’aucun pays producteur de pétrole ne figure dans le classement des fortes croissances du continent. Celle-ci provient surtout des infrastructures (énergie, chemin de fer, autoroutes,), de l’agriculture et des investissements. Cette tendance n’est pas suivie dans les grandes économies comme le Nigeria qui connaitra en 2018 une croissance de 2,5% contre 1% en 2017, l’Afrique du Sud (1,1 en 2018 contre 0,8% en 2017) et l’Angola (1,6 % en 2018 contre 1,2% en 2017).
Parmi les autres pays à forte croissance, on note le Ghana (8,3%) et l’Ethiopie (8,2%). En Côte d’Ivoire la croissance devrait ralentir à 7,2% et se maintenir à 6,9% au Sénégal et 6,8%, en Tanzanie. Suivent ensuite la Sierra Leone (6,3%), le Bénin et le Burkina Faso (6%), le Rwanda (5,9%) et la Guinée (5,8%).
Pour le Bénin, les principaux leviers de croissance sont le coton dont la production enregistre de nouveaux records, les investissements dans les infrastructures (les routes, l’énergie, l’eau potable, etc.) ainsi que la reprise économique au Nigeria. On n’oubliera pas non plus la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption qui sont des chevaux de bataille du régime Talon. Mais l’on attend toujours l’essor de l’investissement privé qui reste encore le talon d’Achille de l’embellie béninoise. Là-dessus, il s’agit d’une situation qui limite l’impact durable de la croissance, tant qu’elle n’est pas portée par un mouvement de fond. Il s’agira peut-être de trouver d’autres stratégies pour attirer les investisseurs vers la territorialisation du développement.
Car, une chose est de faire 6% de croissance, une autre est de toucher le dernier paysan du Bénin. Dans un rapport conjoint publié le mois passé et portant sur le thème « Dynamiques du développement en Afrique 2018 », l’OCDE et l’Union africaine notent que la richesse créée « n’a pas apporté d’amélioration du bien-être » ni permis de « créer suffisamment d’emplois décents en Afrique ». Les emplois précaires sont le lot des citoyens et si les choses demeurent en l’état, dit le document, « la transformation structurelle risque d’être difficile à soutenir. » Autant dire que ce rapport dépeint presque exactement la situation béninoise. Notre chance, c’est d’avoir une stratégie de développement, mais avec une faible capacité d’impact sur les couches vulnérables. La question est même de savoir quelle est la pérennité de cette croissance qui s’appuie essentiellement sur des produits primaires à faible valeur ajoutée.
Concrètement, la base productive est assurée par le coton dont la survie est liée à la pluie. Vous m’avez bien compris : cette croissance ne peut aller loin en cas de sécheresse par exemple ou de baisse des cours du coton sur les marchés internationaux. Fondamentalement il faudra faire des efforts pour changer cette dépendance. C’est dans cette dynamique qu’Arancha Gonzalez, économiste et directrice du Centre international de commerce, note que « toute croissance sans diversification, sans amélioration technologique et sans relèvement de la productivité, est facilement inversée. Tout peut basculer dès que les prix des produits primaires chutent ». C’est un avertissement sans frais.
En fait, le Bénin a déjà entamé une stratégie de diversification dont les effets tardent à se faire sentir. Il est vrai, nous misons toujours sur les matières premières, en oubliant la productivité industrielle. Celle-ci évidemment doit être portée par des changements radicaux des habitudes de consommation, notamment au sein des élites. Sommes-nous prêts à consentir ces efforts ? That’s the question.
L’économie du Bénin pourra prendre un nouveau départ le jour où une stratégie industrielle sera mise en branle, en se basant sur la construction d’un citoyen de type nouveau que seul un leadership volontaire et visionnaire est capable de féconder. Le tout n’est donc pas la machine, mais l’esprit qui la meut, l’esprit citoyen qui la construit pour le bien de tous. Un exemple typique nous est fourni par l’Ethiopie qui sort progressivement de la spirale de la famine pour figurer parmi les modèles d’industrialisation les plus cités aujourd’hui en Afrique et même dans le monde.