« Le projet de textes soumis par le Comité d’installation du Conseil ational de l’Education (CNE) a fait l’objet d’un séminaire gouvernemental au cours duquel les options stratégiques ont été validées. A l’occasion, des recommandations ont été faites pour le réajustement de certaines dispositions, notamment le profil des membres, le mandat, les modalités de désignation, les compétences thématiques et les incompatibilités.
La version consolidée de ce document a été validée lors d’un atelier le mercredi 22 août 2018. C’est donc à la suite de ce processus que le Conseil a adopté le présent décret aux termes duquel le CNE est chargé, entre autres, de :
se prononcer sur les projets de politiques, de lois, de stratégies, de règlements, ou de budgets concernant le système éducatif national, ou de les élaborer au besoin;
donner un avis conforme aux projets de nomination aux postes de responsabilité et de mutations d’envergure du personnel du secteur; donner un avis conforme sur les projets d’homologation et de certification des établissements. De même, il est à noter que le champ organique de compétence du CNE s’étend à tout le système éducatif national et recouvre, dans les secteurs public et privé:
– tous les ordres d’enseignement, de la maternelle au supérieur;
– l’éducation non formelle;
– l’éducation inclusive;
– la recherche scientifique et l’innovation.
Par ailleurs, le champ thématique de compétence du C E s’étend à toutes les questions touchant au système éducatif national. Il recouvre notamment :
– l’accès à l’éducation pour tous et la gestion des flux;
– les règles juridiques, normes techniques et standards applicables au système;
– l’organisation et le fonctionnement du service public de l’éducation;
– les relations entre l’Etat et les autres acteurs du système éducatif national;
– l’articulation entre la formation, la recherche, l’emploi et le développement;
– les infrastructures;
– le financement du secteur;
– la gestion des ressources humaines;
– l’approche qualité et l’évaluation du système ». Voilà l’une des décisions majeures prises hier mercredi en conseil des ministres, au titre des mesures normatives. Le décret portant Création, attributions, organisation et fonctionnement du Conseil national de l’éducation (Cne) est donc adopté. On peut ainsi dire que plus rien ne bloque la concrétisation de ce rêve tant caressé par l’actuel chef de l’Etat, alors candidat à la présidentielle de mars 2016.
En effet, pendant la campagne électorale, lors du débat télévisé avant le second tour de l’élection présidentielle de 2016, face à son challengeur Lionel Zinsou, le candidat Patrice Talon avait affirmé vouloir “redonner vie” au Cne et renforcer ses prérogatives. Le 6 avril 2016 dans son discours d’investiture, il sera on ne peut plus clair : “Je m’attacherai à reconstruire le système éducatif afin d’assurer son adéquation avec les ambitions économiques de notre pays. Dans cet ordre d’idée, la restructuration du Conseil national de l’éducation et la création de la Zone franche du savoir et de l’innovation constitueront les principaux leviers de l’action gouvernementale dans ce secteur”. Aujourd’hui, le Cne est presque une réalité sous Patrice Talon même si ça fait deux ans que cela dure. Avec la nouvelle architecture du Conseil national de l’éducation proposé et adopté, le Cne institué en 2003 par la loi d’Orientation de l’éducation nationale en République du Bénin devient donc un Cne Nouveau départ. Mais pour quelle efficacité ? La question mérite d’être posé quand on sait que le contexte entre 2003 et 2018 n’a pas, pour autant, varié. En effet, le Cne sera-t-il à la hauteur de sa mission avec une école faite de grève annuelle où tout le monde se sait coupable mais pas responsable, une école à forte dominance d’enseignants vacataires, et fortement politisée ? Quand on sait aussi que depuis 2016, le Pouvoir en place régente ou centralise tout, quelle marge de manœuvre pour les membres de ce Cne new look ? L’autre chose, ce sont d’ailleurs les critères de désignation des membres. Quand bien même ils seront clairement définis et connus de tous, le gouvernement pourra-t-il les respecter ou les faire respecter strictement dans lors des nominations ou des désignations ? Les critères pour être nommés à un poste, fut-t-il de préfet, dans l’administration sont pourtant clairs, connus. Mais Patrice Talon pourra-t-il jurer la main sur le cœur que ses collaborateurs qu’il a promus ne font l’objet d’aucun critique ? Tout le monde se souvient encore du tollé qu’a suscité la nomination d’une commissaire à l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc). A-t-on fléchi devant les critiques ou dénonciations fondées ? Autrement, dit, le gouvernement de Talon est-il réellement prêt à laisser les vrais acteurs du secteur, les fin-techniciens conduire qualitativement sa vision de l’école dont il rêve pour le Bénin de demain ?
Difficile de le dire à l’instant quoique les inquiétudes soulevées ne soient pas dénuées de sens. Attendons donc de voir le Cne version Talon à l’œuvre.