Au Sud du Bénin, sur les rives du fleuve Mono, les populations s’apprêtent à vivre les effets des crues. Cependant, ce phénomène cyclique effraye de moins en moins à Athiémè souvent citée en exemple, même si l’incivisme perdure. Reportage.
Sur les rives du fleuve Mono, à quelques pas de la mairie d’Athiémè, l’ambiance est relativement calme. Contrairement aux rives du bassin du Niger, à Karimama et à Malanville au Nord du Bénin, en ce début de septembre, on ne se plaint guère. Sur place, trois femmes profitent pour faire la lessive, même si l’échelle limnimétrique affiche 5,3 m. Hyacinthe, un riverain ne s’étonne guère de cette sérénité. « Le niveau de l’eau n’est pas encore inquiétant. En temps de crue, surtout après que le barrage de Nagbéto a lâché, les eaux sortent de leur lit », confie-t-il. Avec les pertes enregistrées en 2010 au Bénin, du fait des inondations, il a été mis en place au Bénin un Système d’alerte précoce pour produire et diffuser en temps opportun des bulletins d’alerte permettant aux communes à risques d’agir de façon appropriée pour réduire les dommages.
Sur le qui-vive
Ainsi, dans cette commune de plus de 56.000 habitants, où jadis les décès par noyade étaient fréquents, une douzaine par inondation, les populations sont éduquées face à la menace qui point à l’horizon, surtout avec le lâché au niveau du barrage de Nagbéto. Marin Assongba, chef Antenne centre de l’Agence nationale de protection civile (Anpc) explique : « Jusqu’à 5,75m nous sommes encore au vert. C’est vrai que quelques champs ont commencé à être inondés, surtout ceux qui sont proches des rives. Mais ce n’est pas encore une situation d’inondation. De 5,75 m à 7 m, le niveau passe au jaune. Le risque est là, et il faut suivre la situation de près. Nous répercutons les alertes sur la mairie à travers le système de communication en place. La mairie les relaie aux chefs d’arrondissements, aux chefs de village, aux crieurs publics et les radios de proximité. De 7 à 8 m, l’alerte devient orange. On commence par déplacer les gens. La vigilance est accrue. Mais près 8 mètres, nous sommes dans le rouge ». Le phénomène étant cyclique, les alertes et les réactions qui suivent sont devenues une routine pour ces populations et également pour la mairie. « Nous sommes en train d’avertis les gens. Les sites sont en train d’être apprêtés. Dans chaque arrondissement à risques, il y a au moins un site. Dès que ça commence, nous allons chercher les populations dont les cases sont envahies. Il faut les nourrir, ensuite en attendant les aides. C’est une difficulté, compte tenu du budget de la commune qui en pâtit aussi. Grâce au plan de contingence, nous arrivons à gérer au mieux la situation », explique Jean Houssou, Premier adjoint au maire d’Athiémè.
Une résilience sur fond de résistance des populations
En dépit de tout, quelle qu’en soit la préparation, les dégâts ne manquent pas. Certains résistent parfois à être déplacés de leurs habitats, sous prétexte qu’elles y ont enterré leurs aïeux, ou qu’ils peuvent perdre leurs épouses. « Les gens ne veulent pas qu’on les déplacent. Après le retrait de l’eau, les gens se retournent puisque le fleuve apporte des alluvions dans les champs et cela accroît la production. Ils tiennent aussi à leurs biens », déplore Jean Houssou. D’autres en viennent à outrepasser les consignes, d’où les cas de décès enregistrés malgré tout. « Avant le plan de contingence, on enregistrait 12 à 13 décès par inondation. C’est l’année dernière qu’un jeune homme a fait une bêtise, et bien qu’il sache nager, il s’est noyé. Quand nous sommes allés dans sa famille, ses parents ont reconnu que l’alerte a été donnée à la radio et que personne ne devrait traverser l’eau. Il a abandonné trois enfants et sa femme est en état de grossesse. Quoiqu’on dise, il y aura des brebis galeuses », ajoute-t-il. Athiémè attend donc les revers de la crue tout en espérant qu’avec l’aide de Dieu elle pourra s’en sortir sans grands dégâts.
Fulbert ADJIMEHOSSOU