Enième micmac à l’Assemblée nationale. La 7ème législature fait montre d’une instabilité décisionnelle quant à la jouissance du droit de grève par les agents de l’Etat. En décembre 2017, les élus du peuple ont décidé de retirer ce droit à certaines catégories de fonctionnaires notamment les magistrats, les forces de défense et de sécurité ainsi que les agents de santé. Le tollé suscité par ce vote a trouvé un écho favorable à la Cour constitutionnelle dirigée en ce temps-là par le Professeur Théodore Holo. C’est ainsi qu’en janvier 2018, il a plu à la juridiction constitutionnelle de présenter autrement ses vœux de bonne année à l’opinion publique et aux travailleurs en déclarant contraire à la Constitution la loi incriminée.
L’article 31 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 est sans équivoque. Il a fait du droit de grève, un droit absolu. « L’Etat reconnait et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi ». Il revenait au législateur de définir les conditions de jouissance de ce droit et non de le supprimer. Après le verdict de la Cour, il était attendu de la Représentation nationale qu’elle entre à nouveau en scène pour définir les conditions d’encadrement du droit de grève. Mais, entre temps, la mission de la 5ème mandature de la Cour constitutionnelle est arrivée à son terme au mois de juin 2018.
A peine installée, la 6ème mandature dirigée par le Pr Joseph Djogbénou a démarré sur les chapeaux de roue. Saisie d’une requête en interprétation de la décision prise par la précédente mandature à propos de l’encadrement du droit de grève, la nouvelle Cour a opéré une volte-face spectaculaire en optant pour la suppression de ce droit aux magistrats, aux agents des forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux agents de santé. Cette décision à polémique en date du 28 juin 2018 se fonde sur le fait que « les fonctions de défense, de sécurité, de justice et de santé des personnes dévolues à l’Etat ne sauraient souffrir dans leur exercice, d’aucune interruption ».
C’est ainsi que la loi n°2018-01 portant statut des magistrats est entrée en vigueur après sa promulgation par le chef de l’Etat. Curieusement, le mardi 04 septembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui l’abroge et rétablit, dans la foulée, le droit de grève aux magistrats par une autre loi. La prochaine étape, c’est le contrôle de constitutionnalité. Que se passera-t-il à ce niveau ? Qu’est-ce qui a bien pu motiver les députés pour qu’ils ressentent en quelques semaines seulement la nécessité de revenir sur leurs pas. Que fera la juridiction constitutionnelle qui a déjà vidé ce dossier ? Va-t-elle valider la nouvelle loi proposée par le législateur ? Restera-t-elle dans sa posture de suppression du droit de grève aux magistrats ? Ces questions légitimes trouveront leurs réponses dans les appréciations et décisions de la Cour.
Force est de constater que la 7ème législature ne se gêne pas pour donner du fil à retordre au juge constitutionnel qui s’est déjà dédit sur le même sujet. Bien malin qui pourra donner la posture qui sera celle de Joseph Djogbénou et de ses pairs lorsqu’ils seront incessamment amenés à opérer le contrôle de constitutionnalité. Nul doute qu’ils y pensent déjà.
Moïse DOSSOUMOU